Nous nous rendrons cette semaine au lavoir de Barbade, dans la commune de Millau. Derrière l’église du village de Saint Germain, prendre le chemin de Barbade, tourner à droite et longer la voie, puis prendre sur la gauche le chemin de Barbade, les Fialets.
Comme aimait à se souvenir Juliette Andrieux : « Barbade n’est qu’un petit ru, mais si petit qu’il soit, il a enchanté notre enfance » (Bulletin paroissial, Le Pic d’Andan, troisième trimestre 1985). La source offre un lieu privilégié de promenade.
Jadis c’était le seul point d’eau du village de Saint Germain. Située à l’ouest de ce dernier, dont elle est distante d’environ 2 km, au bas du ravin de Tioulouse, la source de Barbade jaillit entre deux mamelons : celui de la Cau et celui de Duéjouls.
Son parcours n’est pas bien long : 8 km tout au plus. La source est située dans un enchevêtrement de buis géants et autre végétation vivace, une minuscule nappe d’eau ajoute sa note romantique, on y parvient par une sente à peine visible depuis la route, en quelques mètres seulement.
Au XIXe siècle, nos aïeux l’ont captée et aménagée. Le lavoir construit en 1822 comme nous le rappelle la date inscrite sur son linteau fut construit avec des bassins de grès poli pour nos lavandières, ainsi qu’une loge pour leurs montures, le tout abrité par une voûte en plein cintre, que nos anciens entretenaient avec amour. La grande majorité des lavoirs fut édifiée au XIXe siècle. Leurs constructions reflètent l’image du progrès et contribuent à la propagation des vertus de la propreté.
La plupart des lavoirs se composaient d’un ou deux bassins, ouverts aux quatre vents, certains étaient sans toitures, celui de Saint Germain en avait une et su apporter un peu de confort aux lavandières. Chaque maison possédait ses recettes, garanties plus blanc que blanc : « Si tu veux avoir du linge propre, aussitôt après le coulage, porte-le au lavoir dans ses sacs de toile, pour le préserver du contact de l’air qui le jaunirait ». Je sais que sur le Causse Noir, du moins dans le canton de Peyreleau, il y avait une coutume qui était l’interdit sur la lessive des draps pendant la semaine sainte.
Sur le Causse qui nous intéresse aujourd’hui, j’ignore si cette coutume était appliquée. Ce que nous savons, c’est que les femmes se rendaient au lavoir par groupes. Parfois, c’était le lieu des commérages, pour certains c’était « le parlement des femmes » dans lequel pour les uns, on pouvait laver son linge sale en famille, et pour d’autre salir du monde. C’était un lieu de liberté et de plaisir, mais pas de détente. Il fallait beaucoup d’efforts.
L’eau glacée du lavoir provoquait des morsures à la peau et des rhumatismes qui ne favorisaient pas une bonne vieillesse. Sans compter le mal de dos qui ferait se plier les femmes bien avant le grand âge. Le rinçage terminé, le linge et les draps étaient mis à sécher. Par enchantement, les prés et les haies s’habillaient d’étoffes immaculées. Pour la maîtresse d’une « grande » maison, c’était la satisfaction de voir s’étaler, aux yeux de tous, son patrimoine vestimentaire, gage d’une certaine aisance.
Tout cela cessa en 1952 lorsque l’eau vive parvint aux éviers grâce au captage du puits neuf ou de la Cau. Le calme revint alors à Barbade.
Dans le passé Barbade fut un lieu de passage très fréquenté par les chars à bœufs et les travailleurs des champs. Bêtes et gens y faisaient halte pour se désaltérer. C’était le plus court chemin pour se rendre aux Garrigues à la lisière des Pins.
Barbade est riche aussi pour les amateurs d’antiquités. Juliette Andrieux cite deux dolmens : « Un est édifié sur une terre des Fialets, située sur le versant de Duéjouls au-dessus de Barbade. Un œil exercé l’aperçoit de loin, mais dès qu’on l’approche, on a peine à le découvrir tant il est masqué par les broussailles. Un autre aurait été prospecté par le regretté Docteur Carbasse, dans le ravin de Barbade à la limite des terres de Saint-Germain et celles d’Aguessac. » (Journal de Millau, 15 juin 1979).
« Monsieur Emile Cartailhac fait faire des fouilles au dolmen voisin de la source de Barbade, près de Saint-Germain, bien que des explorateurs en eussent déjà fait auparavant. Il trouve encore, à part une quantité considérable d’ossements, un millier environ de perles en calcaire, coquilles, os, gypse, ardoise, etc., une vingtaine de pointes en silex très bien travaillées, une hachette en pierre et des fragments de poteries non tournées, mal cuites et grossières. Ces objets ont été offerts à la Société Archéologiques du Midi » (Jules Artières, Annales de Millau, 1900).
Citons pour terminer le cap barré de Barbade mentionné par Albert Carrière : « A 500 mètres d’Aguessac, se situe un cap barré sur la rive droite du ruisseau de Barbade, au confluent d’un petit ravin. Sa plate forme domine la jonction des deux cours d’eau, le ravin coule à sec 11 à 12 mois de l’année, de dix mètres environ, et le rocher qui la borde sur deux côtés ne mérite pas le nom de falaise. Pas de mur barrant, mais deux fossés parallèles. L’enceinte mesure 200m2 environ. Quels services ont pu rendre pareil retranchement ? » (Par monts et par vaux, Midi Libre, 22 novembre 1953) Mystère…
Marc Parguel