Le Jeu de Paume ou paoumo en patois est fort ancien. Il désignait de manière globale, dans la France médiévale tous les jeux impliquant de frapper ou pousser une balle avec la main. Initialement joué à main nue ou gantée de cuir, il est ensuite devenu un sport de raquettes (1505). C’était un jeu d’exercice et d’adresse qui consistait à se renvoyer une balle, au-dessus d’un filet à la manière du tennis et il se pratiquait en individuel (1 contre 1) ou en double (2 contre 2), mais aussi à 3 contre 3 ou 4 contre 4 pour les variantes dites de longue paume. Il s’enseignait comme l’escrime, le bâton, etc.
H. Affre nous apprend que « les jeunes gens et les hommes dans la force de l’âge s’y livraient avec ardeur, sans distinction de condition sociale. On rapporte qu’en 1316 Louis X, le Hutin, s’étant échauffé à ce jeu, fut saisi de froid et succomba. Ce jeu, comme bien d’autres, devint l’occasion de la ruine d’un certain nombre de familles » (Dictionnaire des institutions, mœurs et coutumes du Rouergue, 1903).
Cet engouement pour le jeu de paume touche tout le monde, du roi au simple enfant, sans oublier les femmes. Le 22 juin 1397, le prévôt de Paris interdit sa pratique tous les jours, sauf le dimanche « parce que plusieurs gens de métier et autres du petit peuple quittaient leur ouvrage et leur famille pendant les jours ouvrables, ce qui était fort préjudiciable pour le bon ordre public ».
Mais les joueurs ne tiennent aucun compte de cet interdit et des parties ont lieu tous les jours, au grand désespoir des autorités. Le jeu de Paume a été connu en Rouergue dès une époque assez reculée. L’âge d’or de ce jeu dans notre département fut incontestablement la période allant de la fin du XVIe au milieu du XVIIe siècle. Se pratiquant à l’origine en plein air, c’était devenu aussi un jeu d’intérieur, de vastes salles lui étaient destinées ; il s’agissait de terrains de jeu couverts d’un toit appelés communément « salles de jeu de paume ».
Albert Carrière cite dans son article « Autre temps », (Journal de l’Aveyron, 23 févr. 1930) un exemple de ces salles à Millau : « Guy Gay, paumier natif de Montpellier, afferme près de la torre de las canals un local couvert, pavé, garni de galeries, blanchi par dedans et accommodé par dehors des postes ? Au lieu ou les filets se doivent mettre… (22 janvier 1592, Demalrieu). Un autre bail du même local ? parle en outre d’une « aultre maison joignant led. jeu pour habiter. Bail pour 2 ans 7 mois moyennant 35 l. par an…advenant peste et contagion que led. rentier fut contraint de s’en aller cause d’icelle ne sera tenu payer l’arrentement durant la contagion » (4 septembre 1592, De Malrieu).
Il reste dans le vieux Millau au 4 rue Saint-Antoine, des vestiges (arches) d’une ancienne salle du jeu de paume, dans le restaurant qui a depuis 2001, pris son nom. S’agit-il de « La maison du jeu de Paume de Millau » qui était vers le centre de l’ancienne ville ainsi que nous l’apprend le bail suivant : « Paul de Bonafous marchand dud. Millau arrente à M. Isaac Bonal paumier habitant de Montpellier savoir est le jeu de paume haut et bas assis dans les murs dudit Millau et lieu dit al templé dépendant de la commanderie de Millau avec les autres deux membres…pour deux ans qui ont commencé à la fête de la nativité de Saint Jean Baptiste dernier passé…pour le prix chacun an de 10 écus sol valant 30 l. tz…et sera tenu les Bonal a la fin dud. sur arrentement rendre au dit Bonafous ledit jeu de paume en la même forme et manière qu’il l’a reçu » (22 août 1621, Demalrieu). « P. Bonal hoste de Millau, arrente un jeu de Paume, sis rue Peyrollerie dans un immeuble de la commanderie Saint-Jean pour 43 l. par an » (28 juin 1626, Pélissier).
En 1648 il est établi en bordure de la place publique ou bien il y en a deux : « M. Etienne de Malbois Seigneur de Boissans conseiller du roi receveur des tailles en l’élection de Millau baille à prix fait à Boudou et Roucayrol maîtres maçons dud. Millau solidairement savoir à abattre l’arc qui est au bout du jeu de paume que led. sieur de Boissans fait construire au-delà de la rue publique qui est en arrière au fond de la place de la présente ville… Ils construiront autres 4 arcs et iceux ensemble assureront et rendront en bon état… Ils monteront et poseront sur lesdits arcs les poutres qui y seront nécessaires et placeront sur icelles les ais (planches de bois) qu’il conviendra…moyennant 150 francs. Le sieur de Boissans fournira les matériaux » (2 septembre, Descuret).
« Il est regrettable que ce prix-fait ne donne aucune dimension du bâtiment. Seul le prix permet de croire qu’il s’agissait d’un travail assez important » (A. Carrière, le Jeu de Paume à Millau, J. de l’Aveyron, 7 janvier 1923). A Salles Curan le jeu de Paume était sur l’actuelle place de la Vierge qui confrontait alors la propriété épiscopale.
Quant à Rodez, il existait au quartier du Bourg, comme nous le rappelle H. Affre : « dans une rue appelée Pomotier ou Poumoutier et plus tard rue de la Paume. En 1661, il était la propriété de Raymond d’Austry, aumônier du roi et chanoine de la cathédrale, qui l’afferma, par acte passé le 6 août de cette année devant Etienne Rudelle, notaire, au sieur Pierre Sicre, « maistre paulmier de la ville de Tholose. » Le bail fut fait pour trois ans, sous la réserve que le preneur n’en sous-louerait aucune partie à « aucuns comédiens, danseurs sur corde, ni meneurs d’aucuns bestiaux sauvages, ni autres personnes étrangères. »
A partir des années 1630-1650, le jeu de Paume amorça un déclin qui alla en s’accentuant avec le temps. Conséquence de la régression du nombre de joueurs, de nombreuses salles disparurent où furent affectées à d’autres activités.
Marc Parguel