La grotte du Bouxès (commune de La Roque-Sainte-Marguerite, Causse Noir)

Marc Parguel
Marc Parguel
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La grotte du Bouxès (du latin buxus : buis) et non du Bouché comme l’indique faussement la carte IGN, se situe dans le ravin du même nom, à l’endroit où il se jette dans le « Riou Sec » au sud-est de Montpellier le Vieux.

On trouve en effet beaucoup de buis, mais également des érables dans le secteur. La particularité de cette cavité est avant tout son aménagement. En effet, l’entrée de la grotte s’ouvre dans un recoin d’une petite falaise au-dessus d’un à – pic de plus de 20 mètres.

Pour remédier à ce problème d’accès, un mur de pierre sèche a été bâti le long de la falaise sur une hauteur d’environ sept mètres, faisant office de sentier. Sentier peu large qu’ont emprunté hommes et brebis intrépides pour se mettre à l’abri du danger et des pillages. Assurément cette grotte était un refuge avant de devenir une bergerie. L’entrée est bâtie en pierres sèches.

Une galerie de quarante mètres donne sur un puits mesurant une quinzaine de mètres de profondeur. Cette grotte a la particularité également d’être un sanctuaire pour la faune. On y a retrouvé la présence du glouton (deux crânes y ont été exhumés par André Tavoso lors de fouilles entre 1982 et 1988), du bouquetin, du chamois et de la martre, « espèces qui apparaissent avec le maximum glaciaire » (Jean Poujol, Cahier d’Archéologie Aveyronnaise, n°12,1998).

Cette cavité semble avoir été connue dès la plus haute antiquité par les hommes. « La découverte dans ses couches profondes (couche VII) de quelques charbons de bois et d’une dent humaine à l’état civil incertain pourrait être révélatrice d’une discrète fréquentation humaine. » (Alain Vernhet, Le Tarn, mémoire de l’eau, mémoire des hommes)

L’argile avec laquelle ont été façonnés les récipients en céramique retrouvés au Maubert provient de cette grotte où des traces d’extractions sont observables. De plus des céramiques gallo-romaines ont été retrouvées dans la première salle en 1976.

Laissons la plume à Alain Bouviala qui m’a fait découvrir cette cavité en décembre 2014 : « Cette grotte abrita à l’évidence des bêtes à laine : conception du bâti, migou… Un mur de sept mètres de haut à flanc d’un ravin bien profond permettait un cheminement plutôt étroit…nos brebis de race caussenarde étaient il est vrai, robustes et « équilibrées » sans parler des chèvres quasi arboricoles. Une telle prouesse technique pour une si petite cellule ! A l’évidence c’était une cache pour soustraire des bêtes au regard et aux convoitises : impositions féodales et d’église, voleurs, brigands – rançonneurs et rapts de bestiaux lors d’affrontements divers (guerres seigneuriales, anglaises, de religion) où les archives locales attestent souvent ces vengeances sur les animaux et les récoltes ; sans omettre les énormes ponctions sur le cheptel par les armées en campagne tant ennemies qu’amies, véritables calamités pour les ruraux. Les baumes loin des villages, cachées, « inaccessibles », ont dû sauver quelques bêtes et, de la misère. » (Les Baumes, abris sous roches, les Adralhans, 2002).

Lors des premières guerres de religion, ce fait pourrait être commun à la Roque : « En Aubrac, de multiples témoignages évoquent clairement la fuite à la recherche d’espaces isolés et protégés par les paysans « coustraintz demeurer avec leur bestalz parmy les bois et forestz pour la conservation tant de leurs personnes que bestial pour protéger le peu de bestial et biens qu’ils leur restent »» (P. A.V erlaguet, deux documents sur l’ancien hôpital d’Aubrac, 1928).

On sait que dans le secteur les grottes servaient d’abri aux bestiaux en temps de pillage : « En 1464, Jean de la Tour baille à nouvel acapte à Etienne Navech, une jasse dite de Calvel, avec terroir et balme adjacente dite « balme moutonne » ; confrontant les rancs » (Bousquet, Archives château Vézins).

Parmi les pillages commis à la Roque, citons-en un : Jean de Garceval écrit en 1629 aux consuls de Millau : « Messieurs, je n’eusse jamais cru que non contents de me piller mon propre bétail de Pierrefiche, pendant mon absence à Recoules… non contents de m’avoir pillé, brûlé deux villages, Montredon et le Maubert et commis un détestable assassinat en la personne d’un innocent âgé de dix ans à Montredon, massacré de 38 coups de poignard ; emmené le bétail de Montredon, pillé ma métairie de Brunas ; rançonné un mien muletier à raison de 100 livres, pris une paire de bœufs évalués 28 écus ; pris 4 mulets avec leurs charges… Pour arrêter le cours de vos excès, je retiens dix-sept personnes pour en faire pendre une à chaque fois que j’apprendrai une nouvelle certaine de quelque violence ou injustice qui me sera faite par quelqu’un des vôtres, soit en mes biens ou en mes sujets ». (Archives municipales Millau).

Nul doute qu’en ces temps si troubles, la grotte du Bouxès a servi à la préservation du bétail. A proximité de la grotte se trouve un autre abri sous roche, mais qui est sans profondeur.

Marc Parguel

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