Promenons-nous dans Millau : Circuit F (2/2)

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CIRCUIT F  – NORD-OUEST

Les consuls tenaient leur assemblée à la Maison Commune (Okfé). A la Révolution, la Mairie est allée à côté dans la Maison de Tauriac près du beffroi. En 1856 elle déménagea à l’Hôtel Pégayrolles (Musée). Suite à la faillite de la banque Villa en 1937 la Commune acheta le bâtiment et son parc pour s’y installer jusqu’à ce jour.

Le bâtiment construit entre 1872 et 1876 arbore un superbe balcon aux supports très fouillés ; au centre la tête du dieu Pan, barbu et cornu, grande divinité bucolique de la nature et de la fécondité.

M. l’architecte Paul Lacure (fils de l’architecte Etienne) assura la construction du Crédit Lyonnais avant 1925. Comme son père – qui avait œuvré à la Maison du Peuple, à la Caisse d’Epargne et à la Banque de France – il adopta le style néo-classique. Au faite de l’édifice deux amortissements dont l’un curviligne.

Le deuxième est plus singulier avec son attique, imitation de la façade d’un temple romain.

Remontons depuis le Mandarous l’avenue de la République, partie connue des vieux Millavois sous le nom de « La Monte ». Elle est longée de constructions élégantes dont plusieurs établissements bancaires. Les immeubles bourgeois ont des balcons et portes ostentatoires comme celui du n° 6.

Le n°10 de la fin du XIXe s. a privilégié les trèfles à 4 feuilles en décor. Profitons de l’occasion, pour préciser que l’avenue de la République fut ouverte en 1744 et les premiers platanes apparurent l’année suivante. Dès lors des magasins opulents s’installèrent comme le montrent les anciennes cartes postales, notamment « La Maison Universelle ».

De l’autre côté, au n° 17, l’immeuble cossu faisant angle avec l’avenue Alfred Merle, abrita durant 130 ans, au rez-de-chaussée, le célèbre Café Glacier ; ouvert le 6 mai 1882 dans la maison de M. Vézinhet ancien magistrat. Nous regretterons que l’agencement moderne et fonctionnel de la banque actuelle ait caché la riche décoration Belle Époque de colonnes, lambris, staffs du plafond. Avec le mobilier de marbre, le billard, le comptoir… tout ceci avait coûté « la bagatelle » de 14 460 francs à M. Vézinhet.

L’immeuble du n° 18 mérite notre intérêt par sa décoration des balcons, fenêtres, blasons, toit à la Mansart. Le style est assez surprenant : le modernisme de l’époque n’empêchait point les clins d’œil au passé telles les corniches des fenêtres.

Petit aperçu des décorations sur les portes où blasons et impostes sont typiques des goûts de l’époque, vers 1887.

Les blasons ont au chef des animaux hideux, imaginaires, connus en architecture sous le nom de grotesques.

La rue J. François Alméras, fut ouverte en 1827, pour relier l’avenue de Rodez à celle de Paris. Au n° 1 le haut de la porte témoigne des artisans successifs. On pourra lire, entre autres, un atelier d’ébénisterie : CROUZET.

La façade du n° 26 est attrayante avec son balcon sur ses appuis sculptés de courbes et feuillages. Aux étages les baies centrales sont aussi dignes d’intérêt, un blason au sommet couronnant l’ensemble.

D’ébénisterie, il est encore question, en admirant le beau travail de la porte de bois à l’angle sud-est de la Place Bion-Marlavagne.

Au 5 rue Eugène Selles, une agrafe de porte imagée aux initiales d’Auguste Lafon. Le ciseau du coupeur et le gant enrubannés désignent la profession de fabricant-gantier. « M. Lafon fit élever sa maison en 1876 mais au recensement de 1886 il ne figurait plus à cette adresse » (P.E. Vivier)

Feu la Banque de France, se trouvait au n° 30, à l’angle de l’avenue de Rodez (République) et de la Place de la Gendarmerie (Bion-Marlavagne). Elle fut construite en 1902 sur les plans de l’architecte Etienne Lacure.

Elle reprend des éléments chers à cet architecte, inspirés de l’Antique : colonnes, fronton triangulaire brisé, denticules…

En face au n° 37 deux immeubles avec des éléments décoratifs en façade :
– celui de la Société Générale qui s’y établit en 1894, prouve que l’élévation du bâti était antérieure.
– celui de l’immeuble Marquès qui jouxte.
Les deux immeubles étaient déjà construits quand les familles apparentées Marquès (coutelier) et Schaeffer (camionneur) l’habitèrent en 1894.

Est-ce eux qui fixèrent cette clôture de balcon ?
Elle a de superbes têtes féminines nimbées de soleil. Qui peut connaître cette divinité si rayonnante ?

La municipalité sous la direction du maire Achille Villa – banquier – acheta la propriété Dalaret-Solié dite de la Condamine, allant du Crédit Agricole à la rue Montplaisir. On en amputa une partie pour y élever l’Hôtel de la Sous-préfecture en 1868 auparavant installé rue St Antoine. Derrière sa cour d’honneur, l’édifice reprend les standards architecturaux d’alors dont le toit à pan coupé avec lucarnes.

Sur ce domaine acquis, l’on aménagea la gare et son hôtel – actuelle clinique Ste Anne – puis le square, connu principalement sous son ancienne appellation de Jardin de la Gare. (André Malraux)

L’on y est accueilli par le monument de l’Education Morale, où le vieux sage, fort de son expérience, éduque le jeune enfant. Ce monument œuvre du sculpteur millavois Auguste Verdier fut inauguré en 1903 sur la place de la Capelle (Fraternité) avant d’être transféré dans ce parc six ans plus tard.

Non loin trône le buste de Claude Peyrot, poète millavois (1709-1795) qui « chanta les travaux rustiques dans notre vieille langue rouergate » (J. Artières). Il fut curé-poète de Pradinas dans le Ségala, et décéda à Pailhas. L’œuvre en bronze est du sculpteur Malet, déjà connu pour ses travaux à l’église St François. Ce buste fut caché et sauvé de la cupidité de l’ennemi en 1942, « mais il fallut rassembler l’équivalent de deux fois la quantité de métal non ferreux contenue dans l’œuvre d’art ». (Marc Parguel)

La maison la plus élégante de l’avenue de la République est sans conteste au n° 34. Construite par la famille Brouillet (sans descendance) elle fut acquise par les Canat dès 1960 qui la transformèrent en hôtel de luxe et bonne table sous le nom de la Musardière. Les éléments décoratifs extérieurs sont nombreux. Le caractère ostentatoire du propriétaire s’affiche sur la plus belle avenue de Millau parcourue par les nombreux promeneurs faisant La Monte !

La rue Alfred Guibert fut profilée en 1897 et bordée de maisons bourgeoises. Celle du n°16 est décorée de mosaïques sur les fenêtres, prémices de l’Art déco des années 1920.

Plus discrète est la maison acquise par la famille Siédel après 1914, au n° 7 de l’avenue Charles-De-Gaulle ; elle fut un centre de formation agricole d’hiver dès le 1er décembre 1959 puis a accueilli un temps les Compagnons.

Le blason sur l’entrée principale montre qu’elle fut construite au moment où la ville poussait au-delà du passage à niveau, à l’assaut des pentes du Crès.

L’ancien champ Bouquier, du nom du propriétaire dont l’activité était dans « le roulage de l’hôtellerie » (P.E.V.) fut acheté par la ville en 1910, et changea d’appellation à la fin de la Première Guerre mondiale. Le Parc de la Victoire connut des utilisations variées : marché aux cochons, terrain d’aviation au meeting de mai 1911, lieu de rassemblements politiques, religieux, sportifs, commerciaux et parc d’attractions… défilés et lieu de recueillement devant le monument aux morts, conçu par l’architecte Jean Victor et inauguré en 1929. La victoire ailée portant le rameau d’olivier de la paix œuvre d’Auguste Verdier. Le rameau a disparu de la main, souhaitons que la paix perdure.

Le Parc fut inauguré lors des fêtes « de la Paix et de la Victoire » du 12 au 14 juillet 1919 et donc baptisé en conséquence. Le sculpteur compatriote conçut une plaque de bronze montrant la détresse des survivants sur le lieu du repos éternel.

Dans la partie gauche récemment toilettée, hommage au poète rouergat François Fabié (1846-1928) fêté en grande pompe à Millau lors de sa venue les 5 et 6 août 1922. Il décéda en 1928, la même année où le sculpteur Auguste Verdier érigeait son bronze.

Gloire aussi par la ville reconnaissante, à André Balitrand (1864-1931), qui fut Maire (1905-1912), Conseiller Général et Député de Millau (1924-1928).

Au bout du Parc, le monument aux morts de la guerre 1870 inauguré le 24 octobre 1897. Réalisations du sculpteur aveyronnais Denys Puech et de l’architecte Dieudonné-Rey. Statue de Marianne en marbre de Carrare, colonne corinthienne, chapiteau fouillé couronné d’un génie en bronze, le tout à une hauteur de 10 mètres. Il était érigé primitivement sur le côté nord du Mandarous pendant près d’un demi-siècle. Devant l’afflux de circulation on décida, fin janvier 1950 de le transporter au Parc.

Nous terminerons cette promenade par un cou de chapeau, blanc, au n°24 avenue Charles-de-Gaulle avec le surnom des Albouy qui « depuis plusieurs générations étaient appelés Lou Capel Blanc » (dixit J. Artières). Leur villa a fort heureusement gardé leur souvenir !

Et je vous tire ma révérence … merci pour votre mansuétude et fidélité de lecture.

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