Le 18 mars 2010, Simone Veil est reçue à l’Académie Française pour occuper le fauteuil laissé vacant par Pierre Messmer. Selon la tradition, elle fait l’éloge de son prédécesseur. En retraçant le parcours de l’ancien premier ministre, elle évoque ses exploits à Bir Hakeim en se référant aux écrits d’un témoin de la bataille, d’une femme légionnaire : Susan Travers, oui, vous avez bien lu, légionnaire.
Mais qui était Susan Travers ?
Elle est née en Angleterre le 23 septembre 1909. En 1939, quand la radio annonce la déclaration de la guerre, Susan Travers se trouve en France.
Elle répond à l’appel du général de Gaulle en s’engageant dans les Forces Françaises Libres comme infirmière. Le 31 août 1940, elle quitte Liverpool et s’embarque à destination de Dakar en même temps que les deux Bataillons de la 13e Demi-brigade de la Légion étrangère.
Après l’attaque avortée de Dakar, elle suit la Légion en Sierra Leone, au Cameroun, au Gabon, au Congo et enfin au Soudan où elle fait la connaissance de Pierre Messmer, brillant capitaine de la Légion. C’est le 7 juin 1941, à Gaza, au cours d’un repas au mess de la Légion que ses amis officiers lui attribuent le surnom de « La Miss ». Quelques jours plus tard, le 17 juin, le colonel Marie-Pierre Koenig, nouveau commandant en chef, lui annonce qu’il la prend comme conductrice. Durant leur séjour à Beyrouth et en Syrie, leurs relations vont devenir très intimes.
A la fin de l’année 1941, Koenig, devenu général en juillet, reçoit l’ordre de rejoindre Le Caire avec la 1re Brigade Française Libre, pour contrer l’avancée en Libye, des troupes du Maréchal Rommel. Les Légionnaires quittent le Liban pour aller tenir avec la 1re Brigade un fort italien abandonné, nommé Bir Hakeim.
Suzan Travers est la seule femme au milieu de 3.700 soldats, dont 950 légionnaires de la 13e DBLE. Le 27 mai, Bir Hakeim reçoit la première attaque de l’Afrika Korps. Au cours des deux semaines suivantes, les 3.700 soldats français vont repousser les assauts successifs des 40.000 hommes de Rommel.
Le 3 juin, sommé par le « Renard du Désert » de se rendre, le général Koenig refuse. Mais la situation est désespérée pour les assiégés. Le 9 juin, le général Kœnig annonce à Susan que la sortie de la Brigade à travers les lignes ennemies est prévue la nuit prochaine, à minuit.
A l’heure H, Susan, au volant de la Ford dans laquelle a pris place le général Koenig, suit la colonne des légionnaires du 2e Bataillon qui ouvre la voie dans les champs de mines. Mais la tentative d’évasion est découverte. Aussitôt les mitrailleuses et les canons allemands entrent en action.
Koenig ordonne à Susan de se porter en tête de la colonne. A travers les lignes allemandes, Susan progresse tous phares éteints sous le feu des mitrailleuses ennemies. Bien que la Ford ait été touchée par une vingtaine de balles, elle parvient à franchir les lignes allemandes. Dans la matinée du 11, elle atteint le point de ralliement dans les lignes britanniques. Mais tous ne sont passés !
Des 3.700 hommes assiégés à Bir Hakeim, 2.400 sont parvenus à traverser les lignes ennemies et seulement 650 hommes des deux bataillons de la 13e DBLE ont réussi à rejoindre le point de ralliement !
En avril 1943, Susan est affectée en Tunisie comme chauffeur d’ambulance à la Légion. Un an plus tard, elle suit la Légion pendant tous les combats de la campagne d’Italie.
En août 1944, après le débarquement à Cavalaire, Susan Travers va vivre avec la Légion l’épopée de la 1re Armée Française qui remonte la vallée du Rhône. Promue adjudant-chef en octobre, elle est citée à l’Ordre de l’Armée pour son courage et sa conduite exceptionnelle en Alsace, lors des durs combats d’Elsenheim, en janvier 1945. Début février, elle participe, encore avec la Légion, à la reconquête de Colmar.
En mai 1945, elle vient à Paris, car elle est invitée par la Légion pour participer au défilé de la victoire devant le général de Gaulle.
Peu après, « conseillée » par son supérieur et ami Paul Arnault, chef de bataillon à la 13e DBLE, elle remplit un formulaire d’engagement dans la Légion étrangère dans lequel il n’est pas demandé de préciser le sexe et comme il n’y a pas de visite médicale… sa demande est acceptée le 28 juin 1945 avec le numéro d’immatriculation : 22166.
En février 1946, elle est volontaire pour partir en Indochine avec la « 13 ». L’année suivante, elle épouse le légionnaire Nicholas. Ayant accouché d’un garçon, François, Susan quitte la Légion pour « mieux assumer son devoir de mère et d’épouse ».
Au cours de l’hiver de l’année 1956, dans la Cour d’Honneur des Invalides, devant une compagnie de légionnaires, le général Marie-Pierre Koenig, ancien ministre de la Défense, remet la Médaille Militaire à l’adjudant-chef Susan Travers « pour sa bravoure face à l’ennemi… ».
Tous les deux sont très émus et le général qui a les larmes aux yeux, salue Susan, et lui dit : « Bravo la Miss ».
Ils ne se reverront plus.
En 1996, un ancien de la 13e DBLE, le général Hugo Geoffrey, remet la Croix de chevalier de la Légion d’Honneur à Susan Travers en présence de ses derniers amis légionnaires. Cette décoration « qui arrive avec soixante années de retard » s’ajoute aux onze médailles précédentes. Accrochées dans un cadre, Susan Travers les exhibe, avec nostalgie et fierté, dans sa chambre de la maison de retraite où elle va finir ses jours.
La légionnaire Susan Travers meurt le 18 décembre 1994.
Comme cette héroïne de la Seconde Guerre mondiale a servi au sein de la 13e DBLE, il convenait naturellement qu’il soit évoqué, sa vie et ses aventures au sein de cette prestigieuse unité, à l’occasion du 77e anniversaire de la bataille de Bir Hakeim qui a été célébré mardi 11 juin dans le Quartier De Castelnau.
Une exposition sur Bir Hakeim dans l’enceinte de l’Hôtel de Ville de Millau
15 panneaux de l’exposition « Bir Hackeim », prêtée par l’ONAC et VG (Office national des anciens combattants et victimes de guerre), sont à découvrir dans la salle de réception de l’Hôtel de Ville de Millau. Le vernissage de cette exposition a eu lieu vendredi 7 juin