Prenons la direction du village de Saint-André-de-Vézines cette semaine et arrêtons nous un kilomètre avant le village, au carrefour des D-41 et 124. Une croix attire notre attention : il s’agit de la Croix des Aganides (affamés) de « Aganir » (sens général : exténuer, sens actuel plus restreint- exténuer de faim, affamer. Penser à terres exténuantes, terres pauvres. Appelée aussi croix de Ronsenas (roncier), car un énorme roncier occupait cet emplacement lors de son érection. La croix que nous voyons aujourd’hui n’est pas celle d’origine. En effet, au début des années 1990, des vandales l’ont emporté. La « nouvelle » croix a été posée le 11 avril 1992 à l’emplacement de celle qui marquait la clôture d’une mission prêchée pour la Toussaint de 1951.
La date de « 1951 » est gravée dans une cartouche sur le socle, celui-ci mesure 190 cm de hauteur, il est bien taillé. La croix mesure 110 cm. Remontons le temps en 1951, voici comment s’est passé son érection comme nous le rappelle Jean Puech curé de Saint André dans son Livre de Paroisse :
« Nous avons profité de la fête de l’Adoration perpétuelle pour ériger l’ancienne croix du clocher au carrefour de Saint-André, Brunas, Marlavagne. Un monolithe de 2 mètres 50 fut charrié grâce au tracteur de M. Lapeyre de Sarraliès, solidement dressé sur un brancard porté incessamment par les prêtres, les enfants, les fillettes, la religieuse, les jeunes filles, les jeunes gens, les jeunes foyers, fut accompagné jusqu’à son piédestal. M. le curé Roux, doyen de Meyrueis devait être l’orateur, mais le diable essaya de nous décourager, il ventait, il neigeait, il gelait, nous fîmes un vrai chemin de croix. Deux mots bien sentis et ce fut la bénédiction. Chacun regagna son domicile. »
Quelques mots désormais sur la croix d’origine qui se trouvait sur le socle en 1951. Elle n’avait pas été faite pour l’occasion, c’était une croix récupérée. A l’origine, elle fut forgée et placée sur le clocher de l’église de Saint-André en 1908, la précédente ayant été renversée par une violente rafale un an avant. Lorsque le clocher fut refait en 1948-49, on enleva cette croix pour en mettre une plus moderne, comme nous le rappelle le Livre de Paroisse : « La vieille croix qui pendant 40 ans avait veillé sur la paroisse fut remplacée par une autre plus simple, plus en rapport avec sa destination ».
Et c’est cette croix de 1908 qui prit place sur le socle et bénie sous l’appellation de la croix des Aganides. La croix posée en avril 1992 qui la remplace désormais continue son rôle à l’embranchement de la D124. Elle veille sur sa paroisse.
Après le carrefour de Saint-André de Vézines, direction Vessac, à gauche de la D.41, on aperçoit une curiosité sur un promontoire rocheux : l’Oustalou (la petite maison) que le cadastre mentionne sous le nom « le Mas » (point 817) au S.E. du village de St André. Pierre Solassol définit cette construction comme « une maison de l’eau, car elle protège les arrivées d’eaux souterraines et, recueille par des chéneaux (canals) celles du toit. »
Ce type de maison essentiellement dédiée à la collecte de l’eau est assez rare sur le Causse. On en trouve une identique sur le Causse Méjean, en dessous de Florac.
De plan rectangulaire, « L’oustalou » est construit en moellons bien assisés et couvert de lauzes calcaires. Extérieurement, une porte aménagée côté sud et une fenêtre lui donnent un aspect classique. Mais sur trois faces du bâtiment d’imposants blocs chéneaux de 2 m sur 0,30, soigneusement taillés et fixés en pente aux parois, conduisent les eaux de pluie dans le rez-de-chaussée-citerne, creusé en partie dans le roc. Du premier étage, petite pièce voûtée, un puits permettait de la retirer et de la faire écouler au-dehors par une canalisation en bois, pour alimenter un abreuvoir classique.
Système ingénieux que connaît bien Régis Cartayrade, artisan maçon à Veyreau qui évoque d’autres systèmes de cheneaux : « Les eaux de pluies sont recueillies précieusement à l’aide de pierres enclavées dans les murs (aspects d’escaliers : Las Canals)… Dans des maisons plus récentes, l’eau est recueillie à l’aide de chenaux taillés dans un tronc d’arbre, mais rapidement remplacé par le zinc, plus résistant… » (Bâtisseurs des grands Causses, 1990).
Malgré de nombreuses recherches, je n’ai pu trouver la date de sa construction. On sait seulement qu’elle servit d’abri et de poste d’observation au garde champêtre de Marlavagne au XIXe siècle (d’après Louis Guillaumenq). Roger Baumel (1913-2004) pensait que cet oustalou « avait été construit pour le berger, afin qu’il ait une citerne, pour aller faire boire son troupeau à Midi quand ils faisaient chaud sans avoir à remonter au domaine de Marlavagne » (Entretien avec Pierre Solassol, 10 mai 1991).
Marc Parguel