En cette rentrée d’année scolaire, la spécialité théâtre du lycée Jean-Vigo de Millau ne s’est jamais portée aussi bien : 10 élèves en classe de terminale, 28 élèves inscrits en première et 32 élèves inscrits en seconde. Une augmentation historique de ses effectifs, qui ne se fait pas sans difficulté. Aucun financement n’est en effet prévu pour le dédoublement des classes en première et terminale ni pour la nouvelle option en seconde.
Forts de ses 70 élèves, l’équipe constituée de deux professeures, Caroline Brizard et Agnès Peladan, et deux artistes associés, Sarah Carlini et Philippe Flahaut, fait son possible pour que la qualité de l’enseignement du théâtre reste optimale au sein de l’établissement public millavois. « Mais au-delà de 15 élèves sur le plateau, cela devient difficile, assure Sarah Carlini. Le proviseur du lycée Jean-Vigo, Pierre Pipien, a pris la mesure du challenge et, afin que les cours de pratique ne perdent pas en qualité, a dédoublé les classes de première (deux groupes de 14) et fait voter un budget afin que l’enseignement de pratique théâtrale en seconde puisse avoir lieu jusqu’au mois de décembre. Mais tout le monde n’a pas la chance d’avoir un proviseur comme le nôtre ! » « À dix en terminale, on doit parfois faire des cours à l’extérieur de la salle, renchérit Keïtline, une élève de terminale. Alors à trente… »
Aucun financement pour l’option de seconde
À Millau comme dans beaucoup de lycées, les équipes de direction proposent des solutions au cas par cas. Aussi, le collectif des enseignants et partenaires des enseignements du théâtre de l’académie de Toulouse a décidé collectivement de refuser cela, « afin que tous les élèves de l’académie se voient attribuer un enseignement égal ».
Pour comprendre mieux le fond du problème, il faut savoir que la réforme du lycée, pour les classes théâtre de seconde, indique que chaque semaine une heure et demie minimum de pratique théâtrale doivent être dispensées par un artiste associé et le professeur de théorie théâtrale ainsi qu’une heure et demie de théorie doit être dispensée par le professeur de théorie théâtrale. Dans ce cadre les professeurs sont payés par l’éducation nationale et l’artiste associé est payé par la DRAC.
Or à ce jour, la DRAC, en dépit des textes officiels de l’Education nationale, n’a alloué aucun budget pour financer l’enseignement de pratique théâtrale en option de seconde et n’a pas accepté de signer une convention permettant une pérennité du partenariat artiste / professeur. Ce qui fait dire à Philippe Flahaut que « cela fait vraiment penser à une réforme sans concertation… » « Nous ne sommes pas en grève, assure-t-il. Nous demandons seulement l’application de la loi. »
Malgré plusieurs demandes d’information et de rendez-vous auprès de la Drac depuis le mois de février, le collectif des enseignants et partenaires des enseignements du théâtre de l’académie de Toulouse n’a reçu aucune réponse pour solutionner ce problème. « En dépit des textes officiels de l’Education nationale, la Drac refuse à ce jour de s’engager pour financer l’enseignement de pratique théâtrale en option de seconde. Depuis la rentrée, tous les artistes associés de l’académie de Toulouse ne peuvent pas dispenser les cours de pratique théâtrale, et ne seront pas en mesure de commencer tant qu’un budget ne sera pas alloué par la DRAC ou l’Education nationale », fustige Sarah Carlini.
Le lycée Jean-Vigo finance lui même le dédoublement des classes
Concernant les classes de première et terminale du lycée Jean Vigo, la DRAC, chargée du salaire des artistes, ne tient pas compte de l’augmentation des effectifs qui fait passer la quantité des interventions de 6h à 9h par semaine, et n’alloue pour l’instant aucun budget supplémentaire pour finir l’année 2019.
L’équipe pédagogique est désespérée et ne peut se contenter de faire du saupoudrage, ce n’est pas sa conception de la culture ni de ses missions. La double classe de première du lycée Jean Vigo est un cas unique sur l’académie de Toulouse, preuve d’un engouement théâtral particulier, enfant d’une option théâtre vieille de 25 ans qui a su continuer à attirer la jeunesse sur les planches. Les intervenants et professeurs mettent toutes leurs énergies à transmettre le goût du spectacle vivant à ses élèves et ont à cœur de former les futurs spectateurs et acteurs de demain. Révoltés par la situation, ils estiment que leur jeunesse mérite un peu plus de respect, et que la Drac investisse pour sa culture et son avenir ».
Alors que la spécialité Théâtre Millavoise venait de remettre en place les échanges internationaux, avec notamment un très beau beau projet culturel à Québec l’année dernière, elle se retrouve dans l’incapacité de se projeter dans l’avenir pour continuer ce type d’aventure qui apporte tant aux élèves. En effet, ne pouvant se projeter, l’équipe annonce qu’aucun projet culturel international ou national lié à la spécialité théâtre du lycée Jean-Vigo de Millau ne sera mis en place tant que l’incertitude financière perdurera.
Les élèves et parents d’élèves ont été informés de la situation et seront prochainement invités à rencontrer l’équipe de la spécialité théâtre. En attendant, intervenants et artistes demandent à la DRAC et à l’Éducation nationale de trouver un accord au plus vite pour financer le travail des artistes associés « afin que les élèves ne soient plus victimes de ce désordre ».
Un premier élément de réponse pourrait intervenir aujourd’hui. En effet, la Drac et l’Education nationale ont invité ce matin l’ensemble des protagonistes de la Région Occitanie au lycée Bellevue d’Albi. En espérant de bonnes nouvelles. Philippe Flahaut, qui va y assister, part confiant. « La Drac ne peut pas justifier pédagogiquement ce qu’il se passe », estime-t-il.
Une pétition a été mise en ligne. À cette heure elle a recueilli 1042 signatures.