En cette période électorale « où l’on entend un peu tout et n’importe quoi sur cette histoire de l’hôpital », le maire de Millau a tout d’abord souhaité tordre le cou aux rumeurs de « non-engagement » que certains de ses détracteurs lui prêtent.
« Ma volonté a été de prendre immédiatement le sujet à bras-le-corps, bien conscient de l’intérêt du centre hospitalier à la fois pour la santé de nos concitoyens et pour l’attractivité du territoire. Comment imaginer qu’un maire se désintéresse de la situation du centre hospitalier et de la sécurité de ses concitoyens ? »
« Mon engagement a été total », assure Christophe Saint-Pierre, avant de rappeler que dès son élection en 2014, il a été élu, le 25 juin, président du conseil de surveillance.
La Ville de Millau était représentée à l’époque par Karl Sekran (alors adjoint aux finances, NDLR), qui n’était pas conseiller communautaire, et qui avait déjà occupé des fonctions de direction en centre hospitalier. Christophe Saint-Pierre était alors représentant de la communauté de communes. Et non de la Ville… « Cela nous permettait de siéger tous les deux », explique le maire de Millau. Suite à la démission de Karl Sekran du conseil municipal, ce dernier a été remplacé par Bernard Niel.
« J’ai pris les choses à bras-le-corps »
En 2014, le nouveau maire de Millau arrive dans la période de Plan de retour à l’équilibre (PRE) des CH de Millau et Saint-Affrique. Un PRE qui « trainait » à se mettre en place. « On me disait que l’avenir du CH de Millau ne pourrait passer que par un projet de santé de territoire, sauf que personne ne s’attelait à la tâche pour rédiger ce fameux projet », se souvient Christophe Saint-Pierre.
Le 22 juin 2015, il réunit alors une table ronde autour de laquelle se tenait les représentants du centre hospitalier, les directions du CHU de Montpellier et la direction déléguée du CH de Millau, Monique Cavalier, directrice de l’ARS Midi-Pyrénées, le président du Conseil départemental Jean-Claude Luche et le député Alain Marc.
« Nous avons commencé, à partir de ce moment-là, à mettre en place des rencontres, des réunions pour travailler sur ce fameux projet de territoire, et nous étions partis sur la perspective d’un contrat de performance qui était une entente sur le mode de fonctionnement des centres hospitaliers. A moment donné, j’ai pris les choses à bras-le-corps. Puisque les choses n’avançaient pas, j’ai réuni tout le monde ici autour de la table, ce qui n’était jamais arrivé. »
Et de mettre en avant son engagement au sujet du soutien à la maternité, en étant à l’initiative, accompagné par les syndicats et les professionnels de santé, de la grande manifestation du 19 mai 2016 qui avait mobilisé la majorité des élus locaux. « Je rappelle aussi que nous avons financé les travaux de la maternité à hauteur de 200.000 €, ce qui n’était jamais arrivé et ce qui n’était pas de la compétence de la Ville. »
Le maire de Millau souligne enfin « la décision forte » de créer, en janvier 2017, un établissement parallèle médical de statut fonction publique hospitalière, « pour pouvoir distinguer l’administration et la gestion des deux établissements et pour permettre de commencer un plan de financement cohérent pour la construction du nouvel EHPAD. »
Alors quand j’entends que je suis un peu désintéressé, ça me met en colère !
« Il faut être sérieux et revenir à la réalité »
À ceux qui lui reprochent de ne pas en faire assez, le maire de Millau sort du tiroir la résolution accouchée au dernier Congrès des maires demandant à « redonner aux élus locaux un pouvoir de décision dans la gouvernance des hôpitaux. » « Avec la modification des anciens conseils d’administration en conseils de surveillance, les élus ont considérablement perdu de leur pouvoir dans l’administration des CH », assure le premier édile.
« Il faut savoir que les maires n’ont pas de baguettes magiques sur les hôpitaux et n’ont pas les pouvoirs de décision sur les hôpitaux. Alors quand j’entends dire : « Moi je ferai ceci, moi je ferai cela », il faut être sérieux et qu’on revienne à la réalité des textes. »
Avant de reconnaitre que, concernant le financement des hôpitaux publics, la T2A (tarification à l’activité) mise en place par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot en 2007, « n’a manifestement pas été une idée lumineuse »… « La prise en charge hospitalière doit être une priorité régalienne de l’Etat, il faut qu’on mette les moyens sur les hôpitaux publics, il faut faire en sorte que notre population puisse être prise en charge, et qu’on puisse maintenir nos systèmes de santé. »
« Aujourd’hui, que l’on défende cet hôpital public, on est tous d’accord, il faut que ce soit une priorité. Mais il ne faut pas se mettre des oeillères, il faut aussi s’adapter aux situations actuelles et au territoire… »
Des hôpitaux « pas assez attractifs »
« Nous avons aujourd’hui deux hôpitaux qui sont en situation de fragilité, liée d’une part au contexte national, et d’autre part à notre situation géographique et démographique », analyse Christophe Saint-Pierre.
Aujourd’hui, le positionnement de ces deux hôpitaux ne serait « plus très attractif en terme d’offre médicale ». « Il ne faut pas se leurrer. Il y a aujourd’hui une compétition entre établissements pour recruter du personnel hospitalier, une compétition entre les recrutements en milieu public et privé, qui font que pour être certain de recruter, il faut des centres hospitaliers attractifs, qui reposent avant tout sur la masse d’activité. Aujourd’hui, que ce soit à Millau ou Saint-Affrique, nous ne sommes pas dans des masses d’activité suffisamment attractives. Et heureusement que nous avons des temps partagés avec le CHU ! »
Un consensus autour de Saint-Georges
Le bassin de santé du Sud Aveyron représente à peu près 76.000 habitants : un peu plus de 48.000 sur le bassin millavois et un peu plus de 27.000 sur le bassin saint-affricain.
« Notre démarche, c’est de dire plutôt que de continuer à avoir ces deux hôpitaux qui se font parfois concurrence, sur des masses de bassins de santé qui ne sont aujourd’hui pas attractives, essayons de les dissoudre dans un seul et unique centre hospitalier, médian. »
Le fameux hôpital médian, qui nourrit tous les fantasmes quant à son implantation. Millau ? Saint-Affrique ? La cavalerie ? Saint-Georges ?
« Il faut arrêter de rêver sur les situations médianes, aujourd’hui les orientations vont sur Saint-Georges-de-Luzençon, affirme Christophe Saint-Pierre. Saint-Georges est la commune qui est à équidistance du périmètre du bassin de santé. Que ce soit sur la population concernée, sur les temps de trajet, sur les facilités de trajet, tout fait que Saint-Georges est la commune sur laquelle doit s’installer le futur hôpital médian. Il y a un consensus du comité de pilotage (maires, ARS, parlementaires, personnel, président de CME et directions, NDLR) sur la commune, il faut arrêter de phosphorer ou de rêver. C’est à Saint-Georges que l’on perdra le moins de population. »
« Le débat ne porte pas qu’autour de l’hôpital médian »
Quant à la question de savoir de quelle substance sera composé ce nouvel établissement médian, le maire de Millau se veut optimiste.
« L’idée c’est de rassembler le maximum du bassin de santé, et d’avoir un plateau technique qui ait suffisamment d’activité pour pouvoir être suffisamment attractif. On va y retrouver tous les éléments de soin d’un centre hospitalier public : imagerie, biologie, maternité, chirurgie, médecine, obstétrique… »
Mais le maire de Millau affirme que « dans le souci de moderniser l’offre de soin en Sud Aveyron, le débat ne se porte qu’autour de l’hôpital médian ».
Il faut dézoomer pour arriver à voir ce qu’il se passe en ce moment en matière d’offre de soin sur le Sud Aveyron et tous les travaux qui sont engagés.
« Une situation atypique » qui intéresse le Gouvernement
Deux réflexions sont en effet aujourd’hui engagées.
La première, la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS), qui a pour rôle de coordonner les professionnels d’un même territoire qui souhaitent s’organiser – à leur initiative – autour d’un projet de santé pour répondre à des problématiques communes : organisation des soins non programmés, coordination ville-hôpital, attractivité médicale du territoire, coopération entre médecins et infirmiers pour le maintien à domicile… « Tout le travail est fait pour mettre le patient au coeur du dispositif avec les professionnels libéraux et hospitaliers ».
Un projet qui intéresserait le Gouvernement dans le cadre du projet « Ma Santé 2022 »…
« On est aujourd’hui dans une situation atypique sur le plan national, qui intéresse le Gouvernement et le président de la République, qui a donc donné son accord (pas encore signé, NDLR) sur l’hôpital médian. »
La deuxième réflexion concerne le Contrat Local de Santé (CLS). « L’ARS a pointé des sujets sur lesquels il serait bien d’avoir des actions spécifiques. Nous avons retenu cinq sujets : la gériatrie, approche sanitaire en ce qui concerne les personnes en situation d’habitat indigne, la psychiatrie, la médecine sexuelle et les problèmes de démographie médicale. »
Et de mettre en avant le rôle du Conseil départemental, qui mène une politique d’attractivité médicale : « L’Aveyron est le seul département à avoir une démographie médicale positive, en ayant plus de médecins qui arrivent que de médecins qui arrêtent ou qui partent. »
« Dans ces accueils, il y a une activité spécifique portée par le Département et par le SDIS, sur la formation des médecins de ville aux urgences. L’idée est d’avoir un maillage de notre territoire sud-aveyronnais où on aurait un hôpital médian, deux unités médicales hospitalières publiques à Saint-Affrique et Millau, tout un maillage de maisons professionnelles de santé et de maisons de santé dont on est en train de renforcer la coordination avec le CPTS et le CLS, et nous mettons des moyens de formation pour assurer la prise en charge des premières urgences sur tous les endroits du territoire. »
Vers un effacement de la dette ?
À l’instar de Didier Bourdon, administrateur provisoire des centres hospitaliers de Millau et Saint-Affrique et du docteur François Jacob, président de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) de Millau, Christophe Saint-Pierre estime qu’« il faudra compter 6 ans », après le feu vert du Gouvernement, avant que l’hôpital médian soit inauguré. Le budget estimé tourne « autour de 40 M€ », « plus 12 à 15 M€ » pour la nouvelle orientation de chacun des deux sites de Millau et Saint-Affrique.
Concernant la dette de l’hôpital de Millau, où le déficit cumulé avoisine les 39 M€ auquel il faut ajouter 30 M€ de dette sociale, l’espoir se tourne vers les mesures annoncées mercredi par le Premier ministre, qui prévoit l’annulation de la dette des hôpitaux à hauteur de 15 milliards d’euros sur trois ans. « On espère être éligible à l’effacement de la dette », annonce Christophe Saint-Pierre…