Le Portique des géants, c’est cette masse rocheuse qui se situe entre le vase de Sèvres et le Vase de Chine, sur le Causse Méjean. Cette appellation donnée par Edouard-Alfred Martel n’est pas sans rappeler le monument éponyme de la Grèce Antique, sorte de Palais situé à Athènes entouré de piliers, ici représentés par les deux vases qui surplombent la vallée.
Lui-même définit le « Portique des géants » comme suit : « Le petit cirque (dont le sentier suit la concavité entre 775 et 785 mètres d’altitude) constitue le Portique des Géants, surveillé d’en haut par la brèche Sigaud, encadré par les deux Vases, et crevé au Sud sur la Jonte entre les falaises qui le supportent (à la fin du jour mieux éclairé). C’est le recoin le plus extraordinaire de tout le pays des Causses » (Les Causses Majeurs, p.262, 1936).
Nous partirons sur les pas du grand spéléologue et après avoir garé notre voiture au parking près de l’antenne au-dessous du village de Capluc, nous prendrons une large piste bétonnée, assez rude à monter. Une fois arrivés au village, nous faisons face à une intersection, il faut prendre le sentier de droite qui passe devant un ancien four à pain. On longe le chemin, ignorant la variante qui nous mènerait vers le sentier Jacques Brunet sur la gauche.
On est rapidement accueilli par « lou Reverend », masse rocheuse imposante équipée d’une dizaine de voies d’escalade. A l’itinéraire originel créé en 1975 par des grimpeurs toulousains se sont ajoutées 9 autres voies d’escalade ouvertes par le Club Alpin Français (1985).
De profil, la silhouette de ce rocher haut de 100 mètres évoque immanquablement l’image du révérend bedonnant.
Nous lui tournons le dos et continuons notre parcours le long du versant de la Jonte.
Nous continuons sur le sentier qui remonte le canyon de la Jonte et arrivons rapidement à l’issue du second ravin devant la brèche magnifique. Il s’agit d’un rocher détaché à 610 m d’altitude qui forme avec la montagne une brèche grandiose, où s’offre soudain le splendide cirque du troisième ravin dit : le ravin des Echos. En face, à 600 mètres de distance, mais 170 m plus haut, l’élégant Vase de Sèvres se détache sur le ciel.
Nous entrons dans une partie boisée. Le ravin des échos porte ce nom parce qu’à un certain point du ravin, l’écho se répète jusqu’à six fois entre les falaises. Albert Carrière l’appelait le « ravin des trois échos ». Ce terme de « ravin » ne convient qu’à la partie inférieure qui prend forme de ravine.
Au point le plus creux (620 mètres), du ravin des Echos, un sentier baptisé monte en zigzags (22 lacets d’un chemin muletier et dallé) écrasés par les rocs fantastiques. Ce ravin aboutit au col des deux canyons (ou col de Franc-Bouteille) et au-delà vers les corniches du Méjean et leurs multiples variantes. On remarquera sur le passage des ruiniformes peu connus : le Lama appelé aussi la Locomotive ou encore le dromadaire.
Nous arrivons ensuite au cirque des Vases. Là, proche du Vase de Sèvres, un éboulement a eu lieu fin novembre 2011.Les roches se situaient au-dessus du cirque. Des blocs ont roulé jusqu’à la route. Des chemins ont été détruits (sentier noir), recouverts de terre et de blocs. Le 3 mars 2012, une poignée de bénévoles s’est rendue sur les lieux. Après une très grosse après-midi de travail, le site a été sécurisé.
Vase de sèvres et vase de Chine
Situés en surplomb des gorges de la Jonte, ces deux rochers qui se font face de part et d’autre du cirque : le vase de Chine et le vase de Sèvres, constituent un ensemble appelé « Le Portique des géants ». Tous deux sont situés à 718 m d’altitude. Ces deux monolithes « oxfordiens sur socle bathonien » (Guide Géologique Régional Causses Cévennes Aubrac,par J. Rouire et C. Rousset, éditions Masson, 1973), doivent leur nom à leur forme caractéristique. Le sentier des corniches du Méjean, aire de nidification des vautours, passe au pied de ces deux monolithes.
Chacun de ces deux énormes rochers permet une bonne vue sur l’autre.
Au loin, Peyreleau et le Rozier, le rocher de Capluc, les escarpements du Causse Noir au-dessus de la rive gauche de la Jonte. C’est sans doute l’une des parties les plus spectaculaires du circuit.
L’ascension du vase de Sèvres
Le vase de Sèvres (l’abbé Solanet l’avait en 1894 surnommé « le Soulier du touriste ») repose sur un piédestal aminci (qu’il faut aller voir de près). Il est d’une rare élégance de forme.
Le 19 janvier 1936, ce fameux vase de Sèvres haut de 21 mètres est gravi. C’est à Louis Balsan que nous devons cette prouesse. Il employa une méthode audacieuse pour l’époque : l’envoi d’une fusée entraînant une longue ficelle et passant par-dessus le piton rocheux. Il aura fallu neuf tentatives avant que cet ingénieux système soit couronné de succès. Laissons Louis Balsan relater cet exploit :
« Jamais hourras ne retentirent avec plus de force, ils résonnèrent longtemps en réveillant les échos de la vallée. Nous n’étions pas cependant au bout de nos peines : la ficelle se trouvait bien de l’autre côté du pédonculaire, mais elle restait inaccessible à l’aplomb du précipice de deux cent mètres, hors de portée de la main ! Il fallut de dangereuses varappes, de savantes acrobaties, de longues perches et de nombreuses heures, pour la saisir. La suite fut simple, la ficelle permit de tirer une solide corde alpine qui déroula en remontant une échelle souple de spéléologie. L’échelle fut arrêtée au ras du haut du vase et la corde de retenue solidement amarrée à un arbre ; tout était en place pour l’escalade. Non sans émotion, nous montâmes enfin sur cette célèbre plate-forme où l’homme n’avait jamais mis les pieds. La terrasse très plate, relativement vaste, mesurait 5 mètres de large sur près du double de longueur. Tout de suite sept camarades de notre équipe vinrent admirer l’impression d’aérien et de vertige de cet extraordinaire belvédère. Bien entendu, notre premier soin fut d’ouvrir la classique bouteille de champagne ; vidée nous y glissâmes un procès-verbal de l’exploit et nos cartes de visites pour la déposer dans une fissure de rocher ; elle doit s’y trouver encore, pour combien de jours, d’années ou de siècles ? » (Il y a trente ans…l’escalade du Vase de Sèvres, revue du Club Cévenol, tome X, n°2, 1966).
Cette relique, dit-on, aurait été récupérée quelque 49 années plus tard par des grimpeurs qui, cette fois, avaient escaladé le Vase de Sèvres au prix de plusieurs spits et pitons. Cette ascension s’est maintes fois réitérée depuis.
Avançons vers le pilier monolithique du Vase de Chine qui selon E.-A. Martel est surnommé aussi : l’Oulo. Haut de 23 mètres, il est tout fendillé.
Juste au-dessus est le Pas du Loup, nous y reviendrons. Mais au-dessous, à gauche, on est impressionné en voyant « la roche décollée » qui mesure 110 mètres de haut sur son arête ouest. Martel nous en fait la description : « A gauche, on domine un pilastre quadrangulaire de 200 mètres de haut, plus large au sommet qu’à sa base, détaché de la falaise par plusieurs diaclases, comme un gros bloc à même une carrière ; il a déjà glissé un peu, par le pied, sur le sommet du talus d’en bas. Et depuis que je le connais en cette posture, je m’étonne qu’il n’ait pas encore culbuté dans la Jonte. Tiendra-t-il encore pendant des siècles…ou des mois ? » (Causses et gorges du Tarn, 1926)
A suivre…
Marc Parguel