Vers le sud-est de Millau, la vallée du Tarn semble fermée par une ligne d’horizon remarquablement plane qui n’est autre que le profil du « plateau de France ».
Coincé entre le causse du Larzac et le plateau du Lévézou, dominé par le Viaduc, proche de Creissels c’est un lieu agréable pour les marcheurs. Une grotte dans les falaises supérieures du plateau, rive gauche du Tarn peut couronner la balade.
Son premier descripteur fut R.A. de Tauriac qui écrivait en 1844 : « Sur la montagne de la Nouvelle-France, petit plateau qui ferme la vallée derrière Creissels, il existe une caverne, tapissée intérieurement d’un grand nombre de stalactites et formée d’un limon argilocalcaire et sableux rougeâtres ; elle renferme des galets, des cailloux roulés, du gravier et des ossements d’animaux carnassiers, appartenant à des genres qui existent encore, mais qui n’habitent plus la même zone. » (Esquisses sur Millau et sa vallée, p.57)
Comme l’indique Louis Balsan :
« Ce curieux massif, formé de tuf déposé sur les alluvions est percé de nombreuses cavités. L’une, qui s’ouvre dans sa face nord, est dénommée quelquefois « grotte des faux monnayeurs ». Nous n’avons rien trouvé la concernant et ne savons si cette dénomination provient d’une légende ou de l’histoire. » (Louis Balsan, découverte d’un atelier de faux monnayeurs dans la région de Millau, P.V. Société des Lettres, 1963).
A mon humble avis, ce nom de « faux monnayeurs » lui fut donné par erreur, car comme celle voisine du causse Noir qui porte la dénomination de « Grotte des Faux Monnayeurs » et qui était un repère de faussaires, celle-ci accueillit plutôt des bandits de grand chemin, mais non des faux monnayeurs.
Cette grotte du « Plateau de France » ou de la « Nouvelle France » comme la définit Louis Balsan, dans son inventaire spéléologique s’ouvre dans des tufs quaternaires.
Incroyablement camouflée, cette cavité dont l’entrée par le plateau est un petit aven englobé dans du lierre est une des caches des plus spacieuses. Cela lui a valu le nom de grotte des Brigands. Voici son histoire par Alain Bouviala :
« Les brigands pouvaient déguerpir vers la vallée par la baume au-dessous. Michel Fabre, de Saint Geniez de Bertrand, rapporte que son grand-père lui racontait l’histoire de voleurs ayant attaqué son père (mi XIXe siècle) et bien d’autres voyageurs, allant aux foires et marchés de Millau, en haut de la côte de St Georges. Les malfaiteurs disparaissaient de façon inexpliquée. » (Les Baumes, los Adralhans, 2002).
Cette grotte est située sur le terroir de « Merdaplau » : en français « Merde, il pleut » (d’après le Cadastre). Dans sa chronique des Balades autour de Millau, Jean Delon nous donne ces informations complémentaires : « Doit-on cette appellation cadastrale à ces fameux brigands qui, après avoir détroussé les gens revenant des foires de Millau, pouvaient passer par cette grotte aux deux ouvertures, enfouir leur butin et rejoindre la vallée du Tarn pour disparaître dans la nature. On peut toujours imaginer. » (Journal de Millau, 14 novembre 2002).
Une fois passé avec grande facilité l’entrée de la grotte, on descend sur des éboulis et les pas glissent dans une brèche de galets roulés pour atteindre une grande salle. Face à ce vaste abri sous roche qui s’ouvre sur la vallée du Tarn d’où les brigands pouvaient fuir, on découvre la célèbre P2 du viaduc qui se dresse dans le ciel.
Cette grotte sert de terrain de jeux aux Millavois de tout âge. Profitant de l’ouverture naturelle sur le plateau, certains y ont fait des grillades de châtaignes mémorables.
Proie des flammes en 1918
En 1918, dans la nuit de mercredi à jeudi (31 juillet), le jeune Louis R. , âgé de 13 ans, berger à Raujolles, en fumant du bois de lune mit involontairement le feu aux taillis du Plateau de France et faillit être brûlé vif avec son troupeau :
« Le feu qui avait pris naissance du côté du Nord s’est rapidement propagé et les dommages sont d’autant plus importants que des récoltes de blé ont été atteintes par le fléau » (L’indépendant Millavois, 3 août 1918). Tous les bois se trouvant sur les pentes du Plateau ont été la proie des flammes. Le jeune berger dut rendre compte devant le Tribunal pour enfants de son imprudence (31 août 1918). Il fut acquitté « comme ayant agi sans discernement. » (L’indépendant Millavois, 5 octobre 1918).
Marc Parguel