Après la mise en échec de l’organisation des épreuves des E3C la semaine dernière à cause du blocage du lycée Jean Vigo par des élèves, l’inspectrice d’académie Armelle Fellahi s’est rendue sur place pour rencontrer les parents d’élèves et des professeurs « dissidents ».
Cette réunion s’est déroulée mardi 4 février en deux temps, Armelle Fellahi a d’abord échangé avec des enseignants puis avec des parents. En marge de la rencontre, une manifestation de soutien était organisée devant l’établissement.
D’après des professeurs interrogés à la sortie de la réunion, tous ont pu s’exprimer et ainsi lui faire part de leurs avis et de leurs craintes sur ces épreuves « trop vite organisées, en décalage avec la réalité du terrain, sans formation des professeurs notamment aux logiciels, créant une rupture d’égalité entre les élèves. »
L’inspectrice d’académie aurait annoncé « ne pas pouvoir les suspendre, cela n’étant pas de son ressort, mais rester ouverte au dialogue. Elle aurait reconnu certains dysfonctionnements, mais uniquement dans quelques lycées ».
Une centaine de parents d’élèves a ensuite été reçue en présence de Pierre Pipien, proviseur du lycée et Latifa Pierron proviseur adjoint.
La rencontre avec les parents
Un parent d’élève a accepté de nous faire un compte rendu de la réunion.
« Pierre Pipien a expliqué et présenté le contrôle continu qui compte pour 40 % de la note finale. Soit 10 % correspondant aux bulletins scolaires et 30 % aux séries d’épreuves E3C (Épreuves Communes de Contrôle Continu).
S’ajoutent une épreuve de français en 1re et quatre épreuves finales en terminale qui représentent 60 % de la note finale. Les sujets sont choisis par l’établissement.
À la suite des épreuves, il y a un temps de correction et on rend la copie au candidat afin qu’il puisse réaliser ses erreurs, c’est la même chose au 3e trimestre.
Armelle Fellahi a rappelé le contexte de sa visite, avec manifestement la volonté de rassurer tout le monde et d’appeler au calme, précisant qu’elle n’a pas fait la visite de tous les lycées de l’Aveyron, mais qu’elle est là suite aux incidents de la semaine dernière.
Là encore, comme devant les professeurs elle a annoncé ne pas annuler les épreuves, mais les avoir décalées à une date ultérieure, les conditions n’étant pas réunies pour que les élèves les passent correctement.
Elle a argumenté cette volonté en se basant sur les autres lycées de Midi-Pyrénées qui ont dans la majorité des cas, fait passer les E3C aux élèves chiffres à l’appui ».
Les chiffres
- Sur 77 lycées publics, les épreuves ont eu lieu dans 74 lycées.
- 35 établissements privés sur 37 les ont passées.
- Les 7 établissements agricoles également sans difficulté.
- Le lycée Jean Vigo est le seul lycée du département de l’Aveyron dans lequel les épreuves n’ont pas eu lieu.
Questions / réponses
Les parents : « Pourquoi ce contrôle continu ? »
Armelle Fellahi : « Les élèves sérieux échouent alors que de nombreux lauréats se mettent à travailler tardivement. On favorise le “bachotage”, ce qui nuit à l’acquisition des connaissances. On est dans un pays démocratique, on a le droit de manifester, charge à la direction du lycée de différer les épreuves. L’objectif n’est pas de sanctionner. Personne ne sera sanctionné. L’objectif est d’arriver à une situation sereine et que les élèves aient leur baccalauréat. »
Les parents : « Quels sont les programmes ? On ne les connaît pas »
Armelle Fellahi : « Il y a une Banque Nationale des sujets. Chaque équipe d’enseignants de l’établissement doit choisir un sujet qui a été traité en classe. »
Les parents : « Comment préparer les élèves alors que la Banque Nationale des sujets n’était pas consultable avant le mois de janvier ? »
Armelle Fellahi : « Le baccalauréat n’est pas un concours, c’est un examen. Il permet de vérifier que l’élève est au niveau de connaissances requis. Les élèves seront évalués sur des thèmes et des sujets qu’ils auront appris. »
Un parent puis un élève déplorent que « les professeurs des autres matières ne tiennent pas compte des épreuves E3C en ajoutant dans la même période où le même jour des évaluations propres à leur matière. »
Armelle Fellahi acquiesce et se retourne vers le proviseur en l’appelant à la vigilance.
Une maman dénonce « le burn out et les impacts psychologiques que génèrent ces charges de travail. Que souhaite-t-on à nos jeunes ? Ils n’ont plus de temps libre, plus de loisirs ! »
Latifa Pierron reconnaît que « la rentrée a été compliquée : personne n’était vraiment prêt. Les professeurs n’étaient pas particulièrement prêts, et les enjeux n’ont pas été bien évalués, ça crée aussi des conflits entre élèves. »
Les parents : « Comment être sûr qu’il n’y aura pas un autre blocage ? »
Armelle Fellahi : « L’idée c’est que tout le monde ici présent soit d’accord pour faire tomber la pression. Et notamment pour protéger les enfants qui en fait, payent le prix de débats politiques. »
Jean-Yves Bou, professeur, défend l’idée que « les professeurs ne savent rien, ils apprennent tout trop tard et sans préparation, tout comme la direction. La réforme est bâclée. Il aurait fallu commencer par les secondes et doucement avec les premières. Applaudissement de la salle. »
Face aux problèmes de communication récurrents, le proviseur s’engage à passer directement les informations aux familles plutôt que par les professeurs.
Les parents : « Pourquoi cette marche forcée, puisque tout le monde est d’accord pour dire que personne n’était prêt ? »
Pierre Pipien : « Tout ce qui a été dit c’est vrai. Il est clair qu’on a fait les choses en marchant. Mais pour voir les choses du bon côté, nous avons remarqué que les conseils de classe des premières ont été plus sereins que les années précédentes. D’autre part, nous n’avons pas de problèmes de comportement à déplorer chez les premières. C’est aussi et sûrement parce qu’ils ont choisi leurs matières fortes. »
Armelle Fellahi a eu du mal à conclure cette réunion après avoir fait face aux reproches de certains parents qui lui reprochent de « nier l’évidence de ce désordre et de n’être intéressée que par la tenue des épreuves ».