La lavogne d’Isis connue aussi sous le nom de Lavogne de Revel, est située à environ 1000 mètres au nord-est de la chapelle de la Salvage, en plein bois, sur le flanc ouest du Mont Redon dit la Blaque, tout près d’un emplacement stérile d’une ancienne meulière.
Récemment nettoyée pour l’usage des oiseaux, gibier et autre sauvagine, cette lavogne est surtout connue pour avoir possédé dans ses entrailles une statuette en bronze d’Isis mesurant 9,3 cm qui fut découverte en 1893 par un berger de Lamayou, ferme toute proche.
Léon Calixte Sauveplane de Lamayou amena Louis Balsan à cette lavogne le 9 février 1958. Il ne connaissait pas cette découverte, sa famille n’étant à Lamayou que depuis janvier 1922.
Ce point d’eau, situé dans une amorce de ravin coupé par deux petits redents rocheux, est une lavogne de 10 à 12 m. de diamètre sur 2 à 3 de profondeur. En cas de sècheresse, comme le note Louis Balsan, en 1958, son fond est rempli de quelques centimètres d’une eau croupissante.
Voici les faits :
« Le nommé Argeliès était employé dans une ferme du Larzac, à Lamayou, près de la Cavalerie. Il fut chargé de nettoyer un creux de rocher (source temporaire) situé sur le flanc ouest de la montagne de la Blaque à 200 m (en réalité 1 km) environ la chapelle de la Salvage. C’est là qu’il découvrit, au milieu de nombreux détritus ensevelis sous la vase, la statuette en question. Il croyait tout d’abord que c’était un nègre et la montrait aux petites filles pour leur faire peur » (Mémoire de l’académie de Nîmes, février 1908)
Le berger s’en dessaisit, la remettant à son frère qui, sur les instances du lieutenant Gimon, en fit don au Musée de Nîmes en 1908.
Dans son Mémoire de l’Académie de Nîmes, Félix Mazauric écrivait : « Le musée fait l’acquisition d’une très jolie petite statuette en bronze représentant le groupe bien connu d’Isis allaitant Horus. Isis est assise, coiffée du disque entouré de l’uraéus. Elle presse son sein gauche avec sa main droite, tandis que du bras gauche elle soutient le petit Horus assis sur ses genoux. Il manque seulement la base de ce groupe. »
L’objet n’a pas été perdu accidentellement, mais bien jeté avec intention en offrande dans la source lavogne ; les « nombreux détritus » dont parle Argeliès prouvent que cet ex-voto n’était pas seul.
Comme le note Louis Balsan : « Les figurations de quelques divinités d’origines égyptiennes sont assez courantes dans l’art romain, particulièrement Isis et Serapis, mais encore inconnues dans le Rouergue. Nous avons été très étonnés du silence observé sur cette découverte et de l’oubli total, du moins à notre connaissance, du fait.
Malgré nos nombreuses recherches dans les principales études concernant la préhistoire, l’archéologie pré et gallo-romaine de notre région, nous n’avons rien trouvé sur cet intéressant objet. » (L.Balsan. Une statuette d’Isis. P.V. Soc.Av.t.XXXII, 1931-1934, p.409).
Au premier siècle de l’Empire romain, le culte de la belle déesse Isis s’étend à l’ensemble du bassin méditerranéen, remontant jusqu’au nord de la Gaule. En bien des cités, les temples d’Isis attiraient plus de fidèles que ceux des divinités gréco-latines. Dans les premiers siècles du christianisme la figure d’Isis allaitant Horus, Isis lactans en latin, servit de base au culte de la Vierge Marie.
A ce sujet Louis Balsan écrit :
« Le culte d’Isis est bien connu en Gaule. Notre Dame de la Citerne (La Salvage) a été la christianisation du culte que les Romains rendaient à ce point d’eau où gisait la statuette découverte en 1893 ». Il ajoute : « Cela ne nous dit pas pourquoi les Romains vinrent s’établir en ces lieux si peu propices à la culture comme à l’habitat » (Revue d’Etudes Millavoises, n°5, 1963).
Ce qui semble certain cependant, c’est que le culte des eaux semble être présent durant toute l’époque gallo-romaine, d’autres objets de ce type ont été trouvés au Mas de Saint Chely (Causse Méjean, commune de Saint-Chély du Tarn, Lozère).
Mazauric pourrait ajouter :
« La présence, sur le Larzac, d’une icône se rapportant au culte d’Isis, ne doit point nous étonner outre mesure. Nos explorations dernières nous ont démontré que ce Causse était extrêmement parcouru à l’époque romaine. C’est dans ces parages, au sein d’une gorge aujourd’hui abandonnée, que nous avons découvert, dans la grotte des Mouniès, l’importante nécropole celtique et romaine, signalée l’année dernière. C’est encore là, près de la Cavalerie, que s’opérait la jonction des routes venant de Lodève et de Nîmes et se rendant au Condatomagus des Rutènes (Millau), grand centre de fabrication des vases sigillés, qui exportait dans toute la Gaule, et bien au-delà. » (Mémoire de l’académie de Nîmes, février 1908)
Dans son ouvrage sur Saint-Véran et les Montcalm (1967), l’abbé Delpal écrit : « Près de l’église de Notre Dame des Treilles à Saint-Véran existait une villa gallo-romaine appelée Villa Terligos. De nombreux vestiges de cette époque y furent découverts, tegulae, tessons de poterie, etc. Le vocable de Sainte-Marie, très tôt employé, indique que l’église consacrée à la mère du Christ dut succéder à celui d’Isis, honorée dans un petit sanctuaire païen situé à l’emplacement de l’église actuelle tout près de la « font de l’Om » ».
Marc Parguel