Millau. Une chaine de solidarité pour répondre à une commande de l’hôpital

Yannick Périé
Yannick Périé
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Derrière les grilles baissées du Créa, dans l’Agora remise à neuf, mais fermée au public en raison des mesures de confinement, il n’y a pas beaucoup d’activité. Ça sent le propre et la peinture tout juste sèche. Les locaux désertés, les bâches de chantier, les luminaires pas encore installés et le nouveau comptoir de l’accueil – où bien-sûr personne n’est là pour vous accueillir – font penser à un décor de cinéma. Un décor abandonné. Manifestement, au Créa comme ailleurs, le temps s’est arrêté un fameux mardi 17 mars, jour 1 du confinement.

Mais au Créa, « il se passe des choses même quand les lumières sont éteintes », sourit Hervé Marcillac, le directeur de la MJC/Créa.

Philippe Jimenez, président de l’association CréaLab.

Serpentant entre les grilles et les engins de chantier, il descend au sous-sol, le niveau du futur « Silex » que l’association CréaLab a eu l’honneur d’inaugurer en y installant son fameux FabLab et ses imprimantes 3D, presse à chaud textile, découpeur plasma, tour de mécanicien, fraiseuse, scanners 3D… Là, Philippe Jimenez, le président de l’association, s’active autour d’une découpe laser.

Si les visières servent à protéger le haut du visage, le port du masque est toujours nécessaire.

Une chaine de solidarité qui gravite autour du Créa

« On voit des exemples de FabLab qui produisent du matériel de protection, mais je ne voulais pas produire quelque chose qui n’allait pas servir », raconte Philippe Jimenez en respectant le mètre de sécurité. Aussi, il y a quinze jours, il a décroché son téléphone et a contacté, au culot, l’hôpital de Millau. L’établissement millavois lui fait alors part de ses plus grands besoins : des visières anti projection et des surblouses de protection.

Les masques ne sont pas homologués officiellement. Aussi, « on ne les distribue qu’à des gens susceptibles d’évaluer si c’est un besoin pour eux », explique Hervé Marcillac (à droite).

Ni une ni deux, une chaine de solidarité, qui gravite autour du Créa, se met en place. Hervé Marcillac contacte la cellule de crise de la Ville de Millau par l’intermédiaire de l’adjointe à la culture, Karine Orcel, afin d’avoir les autorisations nécessaires. Bingo !

Au niveau financier, l’hôpital paiera une partie de ce qu’il recevra, la mairie participera, et s’il le faut la MJC fera une avance sur trésorerie à l’association CréaLab.

Les supports sont découpés dans des plaques de Plexiglass.

40 couturières bévévoles à l’œuvre

Philippe Jimenez peut alors se mettre au travail. L’hôpital a commandé 300 visières pour ses propres besoins et ceux d’autres établissements aveyronnais. Alors le temps presse.
Sur la base d’un modèle élaboré par le FabLab de Bilbao, en Espagne, il découpe des supports de visières dans des plaques de PMMA (« Plexiglass »). « 45 minutes par plaque, sachant qu’une plaque peut fournir 42 supports », explique Philippe Jimenez équipé d’un masque de protection respiratoire FFP2, type bec de canard.

« La MJC/Créa est un incubateur d’idées avec des gens qui ont des savoir-faire », se félicite Hervé Marcillac, en soulignant « le temps de réactivité qui n’aurait peut-être pas été le même s’il avait fallu passer par le monde des administrations ou celui des entreprises ». Ici, Alain Pourtier et Morgan Bernard, assurent la mise en place des élastiques.

A chaque support sera accrochée une feuille transparente A4 en PVC, feuilles achetées chez Bureau Vallée à Millau.

Juste au-dessus, deux employés de la MJC, Alain Pourtier et Morgan Bernard, assurent la mise en place des élastiques plats de couture qui serviront à fixer le support derrière la tête.

En parallèle, 180 surblouses à usage unique, ou en tissu à partir de draps réformés de l’hôpital, sont déjà sorties des machines de découpe du FabLab. « Et nous allons en faire encore une bonne centaine la semaine prochaine », affirme Philippe Jimenez. Une fois découpés au laser, les différents morceaux sont envoyés à un réseau d’une quarantaine de couturières, activé par la MJC et qui comprend notamment les petites mains des clubs couture de la MJC, de Creissels et de Paulhe, ou encore celles de couturières indépendantes, toutes bénévoles. Et les chutes ? Elles serviront à faire des masques et à rallonger les manches des blouses des patients qui sont à manches courtes. Rien ne se perd.

Les surblouses sont découpées dans des draps réformés fournis par l’hôpital.

La Ville de Millau demandeuse de matériels de protection

Et après ? « Quand on aura fini la commande de l’hôpital, la Ville de Millau est demandeuse de matériels de protection pour équiper les infirmières libérales, et les aidants, comme la police municipale et les différents métiers en contact avec le public », explique Philippe Jimenez en décollant les supports de visières d’une plaque tout juste sortie de sa découpe numérique.

Un bénévole qui ne compte pas ses heures au service des autres, mais qui reste quand même un peu amer : « C’est inadmissible que des bénévoles, des particuliers, des associations pallient une déficience de l’Etat qui a fait le choix de diminuer de façon conséquente les budgets des services publics et en particulier celui de la santé. On voit aujourd’hui directement l’impact de ces choix politiques… ». Avant de se remettre au travail.

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