L’église Saint-Martin-du-Pinet, dédiée aussi à Sainte-Barbe, se situe en amont du village de la Cresse. Faisant face au château de Peyrelade, elle a été construite à quelques dizaines de mètres du lit majeur du Tarn.
Elle tire son nom du hameau voisin, dont l’origine latine « Pinetum » (bois de pins) a été donnée par allusion à la forêt qui domine.
Autrefois la terre de Pinet comprenait un château appartenant aux comtes de Creissels puis à la famille d’Armagnac (jusqu’en 1335) qui passa à la Maison de Mostuéjouls jusqu’au XVIe siècle, mais comme le rappelait Argeliez : « Il ne reste aucune trace du château des anciens seigneurs de Pinet ; mais on voit encore les ruines de son presbytère, ainsi que sa vieille église… » (L’Echo de la Dourbie, 3 décembre 1843).
Vieille, l’église l’est en effet, on prétend qu’elle était déjà debout en 1281, une partie de l’édifice semble même remonter à la fin du XIe siècle. Un acte de cette époque stipule qu’il passa en l’an 1082 sous la dépendance de l’abbaye de Saint Victor de Marseille.
Eglise paroissiale dès l’époque romane, elle aura pour succursale les églises Saint-Jacques de Caylus et St Beaudile de la Cresse.
A l’époque romane, il était courant que les édifices religieux se retrouvent isolés à la confluence de plusieurs terroirs dans les fonds de vallée. C’est le cas de Saint-Baudile de la Cresse, Saint-Jacques de Caylus, Saint-Amans de Bouffiac (dans la vallée de la Dourbie) ou encore Notre-Dame-des-Champs sur la route des gorges du Tarn.
Saint-Martin-du-Pinet est l’une des plus anciennes églises entièrement voûtées (voûte lisse) du Rouergue Méridional. Elle possédait jusqu’en 1952 un cippe de toute beauté gallo-romain christianisé, colonne tronquée, sans chapiteau, que les anciens élevaient sur les tombeaux, transformé en bénitier. Une photo prise par Louis Balsan illustre le livre de Jules Artières : « Millau à travers les siècles ». Cet autel païen anépigraphe (haut. : 1,03 m, larg. : 0,54 m) a sa base et couronnement portant sur sa face antérieure un chrisme entre (IHS) ,la christianisation du monument pourrait selon M.Espérandieu, remonter au Ve siècle. Il est aujourd’hui en dépôt au musée Fenaille de Rodez.
On y trouvait également une table d’autel romane, en marbre blanc, datant du XIe siècle, moulurée et portée par cinq colonnettes. Elle a depuis a été classée parmi les monuments historiques par décision du ministère de l’Education nationale le 18 mars 1938 et transférée en la Cathédrale de Rodez. Un autel identique a été trouvé à Ispagnac (Lozère).
L’église Saint-Martin-du-Pinet a été unie très tôt au chapitre cathédral de Rodez, elle restera affectée au chanoine théologal de Rodez après la création du Diocèse de Vabres en 1317. Simplement, à compter de cette date, le chapitre de Rodez présentera le curé desservant à l’investiture de l’Evêque de Vabres.
Un panneau explicatif apposé dans l’église nous donne des renseignements sur son architecture :
Le chevet de l’église Saint-Martin, soigneusement maçonné en pierre de tuf, provenant des coteaux de Caylus, est constitué d’un chœur roman pentagonal à faces irrégulières précédé d’un avant-chœur. A l’intérieur, le parement est rythmé d’une série de 7 arcatures portées par des colonnettes à chapiteaux simplement épannelés. Une corniche en tuf marque le départ de voûte en cul de four. L’ensemble ce ces parements intérieurs est orné d’un décor floral avec de faux marbres naïfs.
Le chœur de l’église est orné de peintures murales en l’honneur de Sainte-Barbe et Saint-Martin patrons de la paroisse. Les attributs de la papauté : tiare, clé de Saint-Pierre, croix papale, rappellent que la chapelle Saint Pierre des Plombat fut fondée par Pierre Plombat, curé de Saint Martin de Pinet (testament du 15 juin 1509).
Trois fenêtres éclairaient primitivement le chœur. Celles de l’Orient et du nord-est ont conservé leur disposition d’origine avec, à l’extérieur, un décor de colonnettes en tuf.
Les murs de la nef maçonnés en calcaire d’appareil moyen ont accueilli deux chapelles latérales au XVIIe siècle.
Dans un cahier déposé aux Archives Départementales de Rodez, Albert Carrière nous donne des informations complémentaires :
L’église avait au moins deux chapelles celle de Saint-Georges et celle de Sainte-Catherine qui sont collées à Jean Ayra par M.Garlenc recteur du lieu (Aigouy,29 octobre 1682). Les chapelles de Sainte Hilaire et de Saint Antoine fondées par M.Antoine Plombat et feu P.Plombat sont collées à François Plombat clerc tonsuré de la Cresse (24 mars 1670, Duranc). Les descendants les plus proches de P. Plombat conjointement avec le curé de Pinet nomment à une chapelle un prêtre originaire de Pinet et parent du fondateur s’il n’y en a point elle échoit à un étranger (29 septembre 1773, Duranc).
Le sanctuaire se trouve élevé d’un degré sur l’avant-chœur, lui-même séparé de la nef par 2 marches.
Mentionnons également la croix du cimetière de Saint-Martin de Pinet fût de section octogonale, se termine sur un pied carré. Elle repose sur une table monolithe biseautée. A la croisée des bras, au recto IHS 1664, au verso IHS
Quelques recteurs de Pinet et de la Cresse (relevé par Albert Carrière) : Ant. Lacan (1581), Desmazes recteur de la Cresse (Vitalis,1603), P.Costecalde recteur de Cresse (1621), P.Bourles (1621,Maynials), M.Blaise André Dr en théologie recteur de la Cresse signe un lods le 19 octobre 1630 (Jaoul), M.Garlenc recteur de Pinet et la Cresse (24 mars 1670, Duranc). Il permute avec Brun curé des Treilles en mai 1686, mais il meurt et François Solanet lui succède à Pinet. Solanet était chanoine théologal de la cathédrale de Rodez (9 juin 1686), Joseph Poujade est recteur de Pinet en 1773 (23 septembre, Duranc). M.Antoine Lucas, recteur de Pinet s’associe avec Jean Desmazes recteur de la Cresse il lui donne la moitié des revenus de sa cure pour 5 ans, le bailleur paye la moitié des charges (21 juin 1603, Duranc).
En dépit des inondations qui durent l’isoler à plusieurs reprises, elle restera comme siège paroissial de la Cresse jusqu’à la Révolution, et ce n’est qu’après le Concordat que St Beaudile de la Cresse devient paroissiale.
Après la confiscation des biens du clergé, le presbytère et le jardin sont vendus à un habitant de Pinet, et l’église Saint-Martin du Pinet n’est alors fréquentée que pour y célébrer la fête de la Saint-Martin, comme nous le rappelle l’historien Argeliez en 1843 :
Sa vieille église, où l’on dit la messe, tous les ans, le jour de la fête de Saint-Martin, patron de la paroisse. L’éclat argentin de sa petite cloche fait encore l’orgueil des habitants de ce hameau ; et tout en les consolant de l’abandon et de la solitude de leur antique ermitage, il leur fait oublier peut-être que, dans ces mêmes lieux, le rouge-gorge a remplacé depuis l’ami du pauvre et l’homme de Dieu. (L’écho de la Dourbie, 3 décembre 1843).
A partir du XVIIe siècle, les églises médiévales en fond de vallées furent remplacées peu à peu par des édifices religieux érigés dans les bourgs et les villages. A la Cresse, où les habitants étaient de plus en plus nombreux, une nouvelle église fut bâtie en plein cœur du village en 1893.
A la même époque, la vieille église du Pinet avait besoin d’être restaurée : « Les secours aux églises et le Conseil Général. Sur un rapport de M.Cibiel au nom de la commission des travaux publics, le conseil a donné un avis favorable aux demandes de secours suivantes :
6- Eglise de Pinet, commune de la Cresse – restauration (Revue religieuse de Rodez et de Mende, 7 mai 1897)
Progressivement abandonnée et privée d’entretien, l’église Saint-Martin menace ruine en 1938 (courrier du ministre des Beaux-Arts), elle est fermée au public en 1952.
Saint-Martin fut classée monument historique le 11 novembre 1984.
Le temps passa, et en 1987, malheureusement, le Journal de Millau dans son édition du 14 avril nous annonça comme triste nouvelle que la voûte venait de céder :
Saint Martin de Pinet était aussi dédié à Sainte-Barbe. Nul doute que si nos vaillants soldats du feu avaient été prévenus à temps, le sauvetage de la chapelle de leur sainte patronne n’aurait posé aucun problème. L’écroulement de la voûte centrale semble être dû à une entreprise malheureuse de restauration non suivie, qui à cause d’infiltration a finalement cédée… Par Sainte-Barbe et Saint-Martin réunis, qui relèvera (j’allais dire le gant) la voûte et redonnera vie en ce lieu du rendez-vous de ceux qui croient en la pérennité des racines de notre identité sud-rouergate. ( N.V., Saint Martin de Pinet, le patrimoine s’effondre, Journal de Millau, 14 avril 1987).
Ces paroles ont été entendues, il faudra cependant attendre vingt ans pour que la municipalité de la Cresse puisse enfin effectuer les travaux nécessaires. Sous l’égide de la Drac (Direction régionale des affaires culturelles), les travaux de réfection de la toiture, telle qu’elle fut durant des siècles ont commencé courant mars 2007. Le journal de Millau dans son édition du 12 avril nous annonçait même que la voûte était presque terminée. Nous ne pouvons que féliciter les artisans qui ont œuvré pour redonner une seconde jeunesse à ce bel édifice.
Dans son édition du 13 septembre 2008, Midi Libre nous apprend que la porte de l’église a été rénovée : « Après avoir rénové chœur et toiture, l’église de Saint Martin de Pinet vient de recevoir sa porte faite à l’ancienne. »
L’église Saint-Martin-du-Pinet abrite depuis 2010 les œuvres contemporaines de Claude Baillon et Emmanuel Chauche, maîtres verriers locaux aux références internationales. On peut la visiter librement lors des journées du Patrimoine.
Marc Parguel