Avec ses deux arches qui enjambent la Dourbie, le Pont de Cantobre porte une inscription sur laquelle on peut lire une date : 1896.
De cet édifice, il faut compter 20 minutes à pied pour se rendre au village. Cantobre était encore au XIXe siècle, un village peuplé (134 habitants en 1868), pourvu d’une école et d’une église avec paroisse.
Le chemin qui servait, non seulement aux habitants de Cantobre, des Plos et de Saint-Sulpice, mais aussi à tous les riverains, mettait en communication la population du Causse Noir avec le vallon de Nant, depuis Meyrueis jusqu’au chemin de la Fare et conduisait dans le Languedoc.
L’histoire du pont de Cantobre est naturellement liée à celle de son chemin. Le 11 mai 1876, ce pont fut dégradé par l’inondation et il est alors indispensable d’y faire une réparation évaluée à 200 francs (Délibérations communales de Nant).
Le 9 mai 1892, plusieurs habitants du village de Cantobre virent annoncer au maire de Nant, Jules Fadat, qu’une arche du pont de Cantobre s’était effondrée et que toutes les communications étaient désormais impossibles.
En effet, c’est la plus grande arche du pont qui a cédé, elle était large de 21 mètres. Les habitants de Cantobre, les Plos et Saint-Sulpice ne pouvaient plus se rendre à Nant pour traiter leurs affaires et s’approvisionner, ni exploiter leurs immeubles et retirer leurs récoltes sur la rive gauche.
« Après s’être transporté sur les lieux » le lendemain avec quelques conseillers, le maire décida immédiatement de faire poser une passerelle ; le conseil municipal vota une somme de 3000 francs, l’agent voyer cantonal fut désigné pour dresser les plans et devis et faire exécuter le travail. Les travaux furent activement menés et la communication rétablie pour les piétons, les bêtes et les charrettes vers la mi-juin.
Mais les habitants de Cantobre ne se font aucune illusion sur le sort de la passerelle et ne doutent pas que la première crue ne l’ébranle, ne la déplace et ne l’emporte peut-être. Unanimement le conseil convient de rétablir l’arche du pont (Délibérations communales Nant, 9 mai 1892). Deux mois plus tard, le 3 juillet, le conseil vote à l’unanimité à titre d’imposition extraordinaire une somme de 4000 francs, destinée au rétablissement de l’arche.
Le maire Jules Fadat, exposa la situation devant les conseillers expliquant que cette somme s’avère nécessaire pour parvenir au classement du chemin rural ou vicinal, et indispensable pour étudier plans et devis (Délibérations communales Nant, 3 juillet 1892). Les conseillers acceptèrent et décidèrent unanimement de faire rétablir l’arche du pont, mais ils ne savaient pas qui consulter : les préposés des Ponts et Chaussées ou l’administration de la vicinalité, et ils voulaient tenter une nouvelle fois de faire classer le chemin de Nant à Saint-Sulpice, rural ou vicinal, pour obtenir des aides plus importantes.
Entre temps, ce que tout le monde craignait arriva, la passerelle provisoire fut renversée par une nouvelle crue fin octobre 1892, elle fut relevée le plus sommairement possible par les habitants eux-mêmes (Délibération communale Nant, 6 novembre 1892). Finalement, les conseillers municipaux décidèrent de s’adresser au préfet et demandèrent avec insistance, à plusieurs reprises, le classement de ce chemin, déjà demandé auparavant au Conseil général. Enfin, il fut classé vicinal, sous le numéro 12, sur une longueur de 1408 mètres par un arrêté préfectoral du 12 mai 1894, à la grande satisfaction de la municipalité. Cette décision fut portée à la connaissance des citoyens « par affiches et annonces à son de caisse » à Nant et à Cantobre le 27 mai 1894.
Le 19 août 1894, le conseil municipal examina le projet dressé par l’agent voyer pour la construction du chemin vicinal n°12, de Nant à Saint-Sulpice, et du pont de Cantobre. Une demande de subventions fut introduite, le 16 septembre, auprès du département et de l’Etat. La reconstruction du pont de Cantobre et l’emprunt à réaliser revinrent à l’ordre du jour de la séance du conseil du 5 janvier 1896. Le montant des travaux était de 30 160 francs et la commune, subvention déduite emprunta 3900 francs.
Le 6 septembre 1896, la commune dut contracter un nouvel emprunt de 3400 francs pour achever le paiement de la construction le 14 février 1897.Les raisons du dépassement du montant prévu : la masse de maçonnerie dans les culées avait été sous-estimée par l’architecte, le mur de défense pour garantir le perré sur la rive droite n’avait pas été prévu.
Le conseil municipal protesta contre les employés et l’entrepreneur qui n’aurait pas dû procéder à ces constructions imprévues sans le consulter et contre la construction d’un aqueduc qui ne figurait pas sur les plans, au profit du sieur Panafieu.
En effet, le 29 août 1897, le sieur André Panafieu du moulin de Cantobre, demande que la passerelle provisoire établie sur la Dourbie lui soit abandonnée pour être établie par lui sur le Trévezel. (Il y a cent ans entre Nant et Cantobre, le long chemin de la reconstruction, Midi Libre, 12 février 1996). C’est en 1896 que le pont fut remis en service, la date inscrite entre les deux arches, de chaque côté du pont est là pour nous le rappeler.
En 1900, c’est une affaire d’argent qui voit le jour. Barascud, l’ancien entrepreneur du pont de Cantobre, réclame 8 444, 50 francs pour suppléments de travaux, alors que la commune de Nant est d’avis de lui accorder 457,50 francs pour toute indemnité (Délibération communale Nant, 1er juillet 1900).
Le 2 novembre 1902, les experts rédigent un rapport pour le règlement des travaux de ce pont. Aujourd’hui, si ce pont est toujours emprunté par les habitants de Cantobre, il l’est surtout par les promeneurs et les touristes. Le chemin de Nant à Saint-Sulpice, qui n’était ni vicinal, ni même rural, est devenu la route départementale 145.
Marc Parguel