Situé à 835 mètres d’altitude, au fond du ravin du Cirque de Madasse, à mi-distance de l’ermitage Saint-Michel (Montorsier) et de la ferme de Massabuau, au travers d’un cadre de pierre composé de plusieurs piliers gigantesques de forme phallique régulièrement ouvragés : l’avenc del Capelan ou du Curé baille au pied de la plus grande quille du cirque chaotique, au beau milieu des monolithes, 50 mètres en contrebas du sentier escarpé. Il est assez dur à trouver, le cheminement dans ces endroits touffus étant peu aisé…
On sait l’origine de son nom, on en sait beaucoup moins sur ce qui s’y est passé tout autour…
Jadis les anciens nommaient ces gouffres ou puits naturels sous le terme de « Labenc », Avenc (Graphie normalisée d’après le dictionnaire Alibert) francisé en Aven.
La cavité se présente comme un orifice de 10 m sur 0,90 m en fente allongée. Le premier puits est profond de 20 mètres. Un ressaut de 9 mètres le suit immédiatement et permet de prendre pied sur un cône d’éboulis mêlés d’ossements. Ce cône occupe la moitié d’une salle d’une quinzaine de mètres de long sur 5 à 8 mètres de large.
Cette salle possède de belles fistuleuses comme à Dargilan. On est à – 34 mètres sous terre, au fond de l’aven. Celui-ci fut le théâtre, le 13 septembre 1630, d’un sombre drame, le crime du curé Albat de Saint-Jean-des Balmes. L’assassin se débarrassa du corps en le jetant dans cet abîme. Il traîna le cadavre depuis l’église située à 1200 m au sud-est du gouffre.
Un charbonnier venu de Peyreleau dut aller récupérer le corps de l’infortuné curé, afin qu’on puisse l’enterrer décemment, ce malgré la crainte qu’inspiraient ces antres à cette époque et l’état de putréfaction dans lequel était le cadavre. « On considère cette incursion souterraine comme étant la première exploration dans les Causses Majeurs d’une cavité verticale » (Spéléo Causse Noir, tome III, 1980).
Quelque trois cents ans après, le sombre drame du curé Albat, Louis Balsan, descendit dans cet aven avec ses camarades, non sans quelques difficultés.
Voici le récit qu’il fit de son exploration :
« Depuis longtemps nous désirions visiter cet aven encore inexploré (Martel ; Causse et Gorges du Tarn, pg.105). Malheureusement porter à travers bois et rochers le matériel nécessaire à la descente, nous avait paru chose difficile. Mais quand on dispose de bonnes volontés, rien n’est impossible. Or, dimanche 30 août, nous avions la bonne fortune d’avoir avec nous nos camarades R. et J. Galzin, Loir, Monteillet et Caze, aussi jamais auto ne pénétra si avant sur les corniches du Causse Noir, il est vrai plus souvent poussée par nos amis que traînée par ses neuf chevaux.
Quand l’auto, fatiguée de descendre des escaliers, ne voulut plus rien entendre, quand la remorque même ne put plus passer, force nous fut de porter sur le dos échelles et cordes. Tout le matériel enfin à pied d’œuvre, le plus difficile était fait. Nous ne jetâmes que 40 mètres d’échelles dans l’aven, connaissant l’exagération à laquelle sont portés nos braves contadins lorsqu’ils parlent d’aven…même dans les pièces officielles.
Nous étions bientôt tous sur la première plate-forme à 27 mètres de profondeur, abandonnant à la grâce de Dieu…et à la pluie les attaches de nos cordages.
Notre plate-forme mesurait une douzaine de mètres de long sur 3 ou 4 mètres de large. Au sud s’ouvrait un autre puits. Y jeter les échelles entassées à nos pieds et descendre en entraînant un déluge de cailloux ne fut que l’affaire d’un instant.
A 35 mètres de profondeur, nous touchions le fond : salle de 16 mètres de long sur 6 à 8 de large. Sous la « cheminée » un cône de pierres et de carcasses d’animaux, le reste du sol formé de sable dolomitique. De la paroi nord a glissé une grande masse de terre végétale parsemée, de charbon de bois et d’ossements. Le trou d’où est venue cette terre est malheureusement bouché par de gros blocs que nous ne pûmes ébranler.Nous y avons trouvé quelques andouillers de cerf et un crâne portant encore toute sa ramure. Au milieu de tous ces débris, des ossements humains appartenant à deux individus. L’aven a-t-il donc vu d’autres crimes ou bien faut-il voir là de simples accidents ? Qui le saura jamais !…
Un squelette fixé très profondément dans des concrétions calcaires doit être bien ancien, mais aucun mobilier ne peut nous renseigner sur son âge. Plus rien à voir. Une heure après, sous la pluie, nous remontons nos échelles laissant, pour longtemps sans doute, l’aven à son silence plein de mystère… » (Journal de l’Aveyron, 6 septembre 1931).
Décidément, comme le note Jean Pierre Serres : « Il semble bien que cet aven ait eu une singulière vocation d’ensevelir ainsi les animaux et les hommes ». (Enigmes archéologiques de quelques grottes et avens de la région des grands Causses, 2002).
Marc Parguel