La Vierge à l’oiseau à l’Oratoire de la Manne

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C’est le mardi 19 avril 1966 au soir, à 19h, que la Madone de l’oratoire marial a pris place définitivement dans sa très belle niche de dentelle blanche et rose érigée en bordure de la Nationale 9.

Élever une statue de 300 kg à 4,50m au-dessus de la chaussée alors qu’aucun chemin carrossable ne permettait l’accès posait un problème difficile. Il fut résolu fort heureusement et rapidement grâce à la puissance et à l’adresse de « Yumbo » ce grand canari, en service depuis quelques mois à l’entreprise Loubat, dont la main puissante happe et déplace les fardeaux les plus lourds. Merci et compliments à la vaillante équipe qui a dirigé cette délicate opération.

C’est le 7 mai 1966, à l’heure de l’Angélus de l’aube, qu’a été béni l’oratoire à Notre-Dame de la Route qui avait été terminé la veille, au soir du 6 mai. Quoique très discrète, cette bénédiction n’en a pas moins revêtu un caractère officiel puisqu’elle a été faite en présence d’André Migairou, président du conseil Paroissial et de Julien de Roquetaillade, président du Conseil Municipal, tous deux chargés de veiller sur les intérêts spirituels et matériels de notre localité. Enfermé dans la niche, un parchemin perpétuera devant les générations futures les circonstances de l’édification de ce petit monument à la gloire de la Vierge, en souvenir du Concile Vatican II.

Voici la très belle histoire de la Vierge à l’oiseau, ce chef-d’œuvre de l’art auvergnat que vous pouvez découvrir précieusement conservé dans une église de Riom près de Clermont-Ferrand et dont la copie, grandeur humaine, vient d’être placée près de la Manne.

Dans sa prison de Riom, le pauvre Amable se dépêchait de finir sa statue : demain, il devait être pendu !

C’était au XIV siècle, au moment où se construisait la cathédrale de Riom. Amable était sculpteur à Volvic. On avait trouvé un homme assassiné sur le chemin qui longeait son atelier et, près du corps, un poinçon marqué à son nom.

Amable avait eu beau crier qu’on lui avait volé deux de ses poinçons l’hiver d’avant, on n’avait pas voulu le croire. On l’avait condamné à être pendu.

En tâtonnant dans sa cellule obscure, il avait découvert un bloc de pierre presque aussi grand que lui. Il l’avait palpé : grenue sous le bout des doigts, lisse à la paume, bleuissant sous la lumière.

C’était de la bonne lave de Volvic, vivante et douce, venue du fond de la terre. Que de fleurs savantes, que de prophètes barbus il avait tirés de cette pierre !

Amable supplia : « qu’on lui donne un ciseau, un maillet, un polissoir et qu’on le laisse sculpter… quant à le pendre, eh bien, on le ferait quand on voudrait ! » Le juge avait fini par accepter.

Depuis, le pauvre Amable taillait son bloc. Et ce qui naissait de ses mains était si beau qu’on venait de partout l’admirer.

« C’est une Vierge à l’enfant, Monseigneur, dit un geôlier au juge ecclésiastique. Jésus est sur son bras gauche et elle tient ses petons en sa main droite. Mais surtout, elle sourit… si vous voyiez ce sourire… »

Monseigneur vint voir. La Mère souriait en effet, plissant un peu les yeux, si tendrement, si gaiement. Mais ce qui frappa le plus le juge, ce fut le rire retenu de l’enfant. Il se renversait en arrière et souriait, lui aussi, mais, fermant presque les yeux, pinçant si fort ses petites lèvres, gonflant si dru ses petites joues, qu’on s’attendait à voir fuser un éclat de rire !

« Ta statue est bien belle, Amable, dit-il au prisonnier, mais pourquoi la fais-tu si gaie, toi demain qui seras pendu ? »

« La Vierge rit Monseigneur, du plaisir de voir son petit, mais Jésus, lui, va éclater de rire parce qu’il sait bien que je n’ai pas commis de crime. »

« Et qu’est-ce là dans sa main, qui n’est pas fini encore ? »

« Un oiselet, qui s’envolera vers le ciel quand Jésus soufflera dessus, et qui portera mon âme innocente au paradis. Mais il me faudrait trois jours pour le terminer. »

« Va, je te les donne. Ton œuvre est trop belle pour qu’on te pende avant qu’elle soit finie ». Le pauvre Amable se remit au travail. Trois jours à vivre…

Or, il arriva que le lendemain un autre homme fut assassiné avec l’autre poinçon qu’on avait volé à Amable l’hiver d’avant. Le meurtrier avoua avoir commis le premier crime, et Amable quitta la prison, libre et joyeux.

Et depuis cinq cents ans, dans l’église Notre-Dame du Marthuret, à Riom, une Mère sourit à son petit enfant qui, lui, s’apprête à rire, parce qu’il sait bien que les grandes personnes peuvent se tromper.

Si vous voulez goûter tout le charme de cette histoire d’Amable et découvrir la Vierge à l’oiseau sous son éclairage le plus expressif, prenez le temps de vous arrêter quelques instants devant l’Oratoire de la Manne, le matin, au soleil levant. C’est alors que les deux visages de l’enfant et de sa mère sont les plus souriants.

La Vierge à l’oiseau de l’église Notre-Dame du Marthuret à Riom

La Vierge à l’oiseau représente la Vierge portant l’enfant sur son bras gauche. Celui-ci tient dans ses mains un oiseau, illustrant un épisode de l’Évangile apocryphe de Thomas l’israélite qui reconnaissait à l’Enfant-Jésus le pouvoir de donner la vie par son souffle à des oiseaux en terre. L’un d’eux, réveillé trop vite, lui pique le doigt. Ce thème a séduit les artistes à la fin du Moyen Âge et la datation souvent retenue est celle de la fin du 14e siècle. La qualité de la sculpture rend plausible l’hypothèse d’un artiste de l’entourage du duc de Berry. L’auteur de cette œuvre est inconnu et sa datation est incertaine. À la Révolution, la statue est sauvée par la corporation des bouchers.

Badigeonnée de gris, elle prend place sur le portail au 19e siècle.

En 1932, Étienne Clémentel, maire de Riom, la remplace à ses frais par une copie. L’original, déposé dans la chapelle Saint-Jacques, a retrouvé en 1991 sa polychromie d’origine.

Claude Trémolet. Extraits de la revue paroissiale « L’Écho de nos clochers »

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