Deux jours avant les Ides de Quintilis, vers la troisième heure, un groupe disparate d’une vingtaine de prisonniers gaulois se dirige vers la ferme des Cuns, sur le territoire de La Cubertoirata.
Les captifs, tant mâles que femelles, viennent de la région de Condatomagus (Millau). Ils sont encadrés par des soldats romains lourdement armés comme à l’habitude, pilum, gladius et scutum. Des Gaulois Éduens, supplétifs des Romains, ennemis de leurs voisins du sud-ouest et traîtres à la cause gauloise, renforcent la légion romaine.
Pourtant, de loin, ces Gaulois ne paraissent pas bien dangereux, même plutôt débonnaires et hilares. N’oublions cependant pas que les Rutènes, comme leurs frères Arvernes, sont fiers et courageux, voire ombrageux, et surtout redoutables au combat. Manifestement, la décurie est sur ses gardes.
Ils cheminent le long de la voie romaine qui traverse le Larzac reliant Condatomagus à Luteva (Lodève) et plus loin Cessero (Saint Thibery) et les ports de la Méditerranée. Elle rejoint la Via Domitia au sud et la voie romaine de Lyon à Bordeaux, au nord.
Avec ses 7 m de large, elle permet à deux lourds chariots de se croiser, chariots chargés le plus souvent des célèbres céramiques sigillées de la Graufesenque qui vont partir vers tout l’Empire. Parfois aussi, ce sont les fromages et les charcuteries des Rutènes qui partent vers les villes du Sud, et même jusqu’à Rome.
En retour, ce sont des amphores de vin du midi ou d’Italie ainsi que des amphores d’huile d’olive d’Espagne qui remontent chez les Rutènes.
Mais l’ampleur du trafic finit par dégrader la voie qui doit être régulièrement entretenue. Enfin arrivés à bon port, les Gaulois se mettent donc au travail. Selon leur force, ils sont séparés par les soldats en petits groupes, plus faciles à surveiller et à manipuler…
Non, ceci n’est pas que fiction, juste un petit décalage de temps… Il s’agit en fait d’une troupe de bénévoles de l’association pour le Patrimoine Archéologique et Historique du Larzac qui est là pour parfaire la mise en valeur de la portion de voie qu’ils ont dégagée les années passées.
Certains Gaulois/bénévoles se retrouvent orientés vers un travail de force : décapage de la terre avec des pioches plus modernes que les bêches antiques, évacuation de la terre dans des seaux, maintenant en plastique.
D’autres fignolent le nettoyage des margines de bord avec truelles et balayettes. L’herbe ayant repoussé sur la chaussée, les faucilles romaines sont remplacées par une débroussailleuse thermique manipulée par les plus expérimentés. Le dernier groupe est en charge de la signalétique, marquage jaune et panneaux indicateurs.
En effet, pour que les marcheurs puissent accéder facilement à la portion de voie romaine, et éventuellement y faire du chariot-stop vers Millau ou Lodève, on ne sait jamais…, le Parc des Grands Causses a aménagé un chemin depuis la ferme des Cuns où passe le GR71D.
Trois pas canadiens ont été installés pour faciliter le passage des clôtures. Le chemin est maintenant une magnifique buissière qui permet de rejoindre la voie romaine, distante de 8 ou 900 mètres.
Une fois ces travaux herculéens terminés, légionnaires, Gaulois dissidents et prisonniers se retrouvent sans animosité et sans arme autour d’une belle collation avec cervoise, vin aux épices, galettes de seigle ou d’épeautre, soupe aux choux, bouillie de fèves et un peu d’oignons, sans oublier quelques tranches de sanglier… à moins que ce soient les membres de l’APAHL, avec pastis, tomates, jambon et saucisson…
La distanciation physique se règle très naturellement : les Romains, les Éduens et les Rutènes ne se mélangent pas, et si cela ne suffisait pas, l’Association pour le patrimoine archéologique et historique du Larzac a rappelé quelques règles de base !
Si vous voulez rêver aussi, venez parcourir la voie romaine (depuis la D809 au sud de l’Hospitalet-du-Larzac, prendre la route qui va aux Cuns, suivre alors la signalétique). Arrêtez-vous aussi, avant ou après, au Centre Archéologique de l’Hospitalet-du-Larzac (entrée libre de 15 à 19h tous les jours) pour découvrir la vie dans ce territoire du Larzac irrigué par cette grande voie à l’époque gallo-romaine. Contact : archeolarzac@gmail.com
Erick Sajous, Xavier Perrier