Le château des Deux Sœurs (Dossores, Doassorres ou encore Doas Serors) occupait autrefois une position forte sur un éperon du Larzac séparant la Dourbie du ravin de Laumet. Il dominait l’ancien chemin de Millau à Mauriac par la Salvage, et protégeait les habitants du Pompidou. Selon un document de 1321 concernant les confronts du mas Magfre, alias les Truels, ce chemin passait au pied même du Puech des Deux sœurs : « et protenditur usque ad podium de Duabus Sorroribus ».
Bien que mentionné sous le titre de château dans un document datant de 1289, il a été longtemps recherché sur le terrain, sans succès. C’est en observant, à l’aide de jumelles, le profil de la longue crête qui s’abaisse en paliers successifs du Pompidou à Laumet, c’est-à-dire du plateau du Larzac à la rivière de la Dourbie, qu’André Soutou retrouva ce site totalement inconnu des Millavois.
Laissons l’auteur nous faire part de sa découverte :
« Je fus ainsi amené à observer sur le palier inférieur deux grands rochers de forme presque identique qui ressemblaient à deux hautes quilles placées côte à côte. L’idée me vint alors que le nom de « Deux sœurs » avait été peut-être donné à ces deux roches élancées qui, vues de loin, faisaient effectivement penser à deux jeunes filles de même stature. A titre d’expérience, je résolus donc d’aller vérifier sur place si les ruines d’un ancien château subsistaient encore en ces lieux » (Midi Libre, 8 septembre 1968).
L’auteur nous décrit les vestiges qu’il a découverts : « De fortes murailles (épaisseurs 1,70 m), présentant par endroits une hauteur actuelle de 2 mètres, forment un double quadrilatère de 20 m de longueur sur 15 m de largeur totale qui inclut dans son système défensif les deux blocs dolomitiques. L’espace libre qui est compris entre les deux rochers s’incline vers le nord-ouest et à sa partie supérieure, c’est-à-dire vers le sud-est, sa largeur n’est que de 5 m : ce passage naturel, relativement étroit, qui donnait accès à l’intérieur de la forteresse, est barré par une muraille coudée de 7 m de longueur ».
Avec Joël Boutin et Alain Bouviala, nous nous sommes rendus sur le site le 15 avril 2017. Je n’ai pas retrouvé les fortes murailles de 2 mètres dont parle M. Soutou. La muraille coudée de 7 m de long mesure 1,10 m de large. L’espace entre les rochers est de 5,60 m. Rien ne laisse supposer qu’un château exista en ces lieux, si ce n’est sa position sur ce promontoire, où les rochers ne sont même pas visibles de la route qui passe dans la vallée de la Dourbie.
De nombreux murs de soutènement sont visibles en dessous des rochers. Ce que l’on sait avec certitude, c’est qu’il existait un mas à proximité, destiné à l’élevage. En effet, comme le souligne Jean Poujol « la culture semble ici problématique vu l’accidenté du terrain » (Note). Ce mas existait déjà au XIIe siècle. En 1198, Guillaume Arnal du Monna, propriétaire du château de Pépissou, cède, entre autres biens, les pâturages, les eaux et l’affouage des mas de la Citerne, de la Rouvière, des Doas Serors et du Bois de Bistbal (Jules Artières, Millau à travers les Siècles, 1943).
Des chartes font allusion au bétail appartenant au mas de Doas Serors, qui était sans doute selon Soutou, une dépendance du château : exceptis de las bestias de Duabus Sororibus. Toujours selon A. Soutou, ce mas avait été bâti, semble-t-il dans une encoignure rectangulaire dont trois côtés sont formés par des rochers et dont le sol archéologique a favorisé ultérieurement la culture des choux (lieu dit la Cauletieyro), il était situé au sommet du chemin qui partant du château, débouchait sur le Causse. Ce mas aux dimensions modestes a dû être abandonné dès le début du XIIIe siècle, car la charte de 1289 ne le mentionne plus. Sur le chemin qu’utilisaient jadis les troupeaux, nous remarquons en bordure un rocher avec une cupule creusée sans doute à coup de burin.
Un peu plus loin, à quelque 200 mètres des rochers des deux sœurs sur la gauche, apparaît une source, résurgence qui coule à la base d’un massif calcaire, et qui devait bien être utile au temps où forteresse et mas étaient fréquentés.
Marc Parguel