Le château fort de Capluc, situé à 22 kilomètres de Millau s’élevait sur un pic, à 625 mètres d’altitude, dominant le village du Rozier, au confluent du Tarn et de la Jonte.
Cet édifice fut construit à mi-hauteur du monolithe, sur une très importante plate-forme, dont l’accès est très difficile.
De ce château dans lequel Noble Jean de Thubières testait le 29 novembre 1569, il ne reste ni tours, ni murs crénelés, ni porte monumentale, seulement quelques assises de pierres et quelques pans de murs qui constituèrent vraisemblablement l’enceinte de cette forteresse.
On voit encore quelques empochements pour poutres et poutrelles de bois à même le rocher. Sur la plate-forme, il subsiste encore de nos jours des vestiges de ce qui fut une citerne recouverte d’une voûte romane qui s’est effondrée. Ce sont là les seuls restes de la forteresse de Capluc.
Albert Carrière (1872-1957) visitant les lieux s’interrogeait sur la position du château et n’en trouvait « aucune trace, à moins qu’on ne qualifie de château la grande maison ruinée qui commande l’accès du rocher. En face, à droite du sentier, est une petite construction mesurant dans œuvre 3,50m X 2.7m qui pourrait être un corps de garde. » (Journal de l’Aveyron, 4 janvier 1920.)
Ferdinand André relate dans ses notes manuscrites, une visite effectuée sur le site de Capluc en 1847 durant laquelle il put voir des « restes de remparts garnis de meurtrières ». « Sur le sommet de la montagne qui domine au nord le Rozier et qui fait partie du Causse Méjean, on aperçoit Capluc. Capluc avait autrefois un château fort dont il ne reste que quelques pans de murailles et la chapelle qui sert aujourd’hui (1847) de grange. » (A.D.Lozère J6). La vieille chapelle romane se trouve au pied nord-est du roc.
Le sentier qui monte au château et que l’on doit emprunter pour y accéder est praticable, mais avec difficulté. En 1890, le Club Alpin Français a fait installer des échelles et des rampes d’accès en fer, ce qui facilite l’ascension des escaliers taillés dans le rocher que l’on doit emprunter pour accéder au château lui-même. Une croix désormais domine les lieux.
Capluc tirerait son nom du latin Caput Lucis (tête de lumière) nom donné au rocher par les Romains, car il bénéficiait le premier des rayons du soleil levant.
D’autres étymologistes (Lucien Massip) lui donnent le sens de sommet boisé (occitan : cap : la tête, lat : lucus, le bois sacré ou le bois). Il domine à l’extrême pointe méridionale du Causse Méjean le village du Rozier de 300 mètres. Le misérable hameau de Capluc tapi au-dessous du rocher (580 à 600 mètres d’altitude) ne s’était formé là que pour jouir de la protection du piton rocheux.
La construction d’un château sécuritaire sur ce rocher haut placé qui domine de 50 mètres le hameau avait été décidée en cet endroit, car il était situé sur un point stratégique. D’une part, il surveillait les trois vallées (Gorges du Tarn et de la Jonte en amont et du Tarn en aval), et d’autre part, il se trouvait sur la seule voie de communication existante entre Sainte-Enimie et le Rozier-Peyreleau. Au faite du monolithe, on jouit d’une vue vertigineuse.
Albert Carrière définit le rocher de Capluc comme suit :
« les flancs du rocher sont à pic sauf à l’aspect de l’est où l’on voit des saillies portant des travaux de défense et l’escalier d’accès. Au point où il débouche sur la plate-forme, on voit une tombe creusée dans la roche vive de forme irrégulière apparemment fort ancienne. À quelques pas de là, on a taillé dans le rocher une sorte d’abri pour la sentinelle, une petite chapelle où des prêtres ont célébré la messe dit-on aussi.
Sur la plate-forme les Romains ont creusé une citerne de forme rectangulaire de 20 cm3 de capacité et recouverte d’une voûte. Les fissures de la roche sont aveuglées par du ciment formé de chaux de briques pilées et de rares charbons de bois, mélange qui caractérise le ciment romain. Quatre citernes sur des rochers fortifiés de la région ne contiennent pas 1m3 chacune ».
Germer Durand a vu quelques pans de mur de l’ancien château, des trous de poutres creusées dans les rochers qui surmontent la plate-forme. Il a trouvé des fragments, des poteries grossières de fer. De Barrau a vu des vestiges de ce château (1825) qui avait disparu depuis des siècles. Le baron de Verfeuil teste dans La Cala de sa maison et château de Capluc (1569). Cinq prêtres s’y réfugient : un sixième y teste » (14 janvier 1568, Vidal, notaire) (Nos belles promenades, Midi-Libre, 27 avril 1952).
La plus ancienne mention que nous ayons de Capluc, se situe entre 1036 et 1061, époque où un certain Garnier donne au prieuré d’Antraygues (Le Rozier) un farinier placé sous le château : « ipse farinarius sub castro Capluco » (Cartulaire d’Aniane n° 214).
Après avoir été possédé par les frères Hugues et Guillaume de Montferrand (1144-1166), qui rendent hommage à Berenger, comte de Barcelone, le château passa dans les mains de Valence de la parenté des Montferrand, veuve de Guy de Peyreleau (1195).
En avril 1204, le roi Pierre d’Aragon, vicomte de Millau, cédait à Raymond VI comte de Toulouse, la suzeraineté des châteaux de Capluc et de Peyreleau, qui allaient devenir propriété du seigneur de Sévérac vers 1289 (A.D. Lozère G-836 folio 51). Cette vente fut faite par Aldaric de Chapelle, gentilhomme gévaudanais successeur de la famille de Peyreleau.
Marcel Portalier nous détaille comment le château fort est arrivé aux mains de la famille qui porte le nom de ce lieu : « Le Roi de France, Philippe le Bel, semble avoir porté un grand intérêt à la possession du château de Capluc, tant au point de vue prestige que comme place stratégique ; il y possédait la haute justice et tous les droits dominants.
Souvent, le Roi vexa le seigneur de Séverac ; en 1309, il fit abattre, par ses officiers, la bannière que faisaient flotter les Séverac sur le donjon de Capluc, et la fit remplacer par l’étendard royal. Le château fut alors mis sous la main du Roi et occupé par ses sergents. (A.D. Lozère, G-356 f° 46 et f° 51) ».
Les Sévérac, lassés de ces vexations, cédèrent en fief leurs droits sur Capluc à la famille de ce nom et en 1328, pour la première fois, un membre de cette maison va s’intituler : “ Seigneur de « Capluc ». (Les gorges et la vallée du Tarn, 1972).
Les seigneurs de Capluc, avides de pouvoir, n’hésitaient pas à se quereller avec de nombreux autres seigneurs dont ceux de Peyreleau ou de Mostuéjouls. Ils détroussaient les rares voyageurs s’aventurant dans les gorges, et se croyaient invulnérables sur leur rocher. Vanité qui ne fut pas toujours payante puisqu’en 1329, le seigneur de Mostuéjouls s’emparait du château après un long siège. On suppose qu’un arrangement fut trouvé puisque les Capluc régnèrent de nouveau sur leur promontoire.
Jean Arnal nous rappelle cette affaire : « En 1329, à l’occasion de violents démêlés entre Guillaume de Mostuéjouls, seigneur de Mostuéjouls et de Liaucous et Pierre de Capluc, chevaliers, Richard, Astorg, Gaucelin de Capluc, damoiseaux, Guillaume de Mostuéjouls, s’intitulant alors seigneur de Capluc, assemble ses vassaux et marche étendard déployé sur Capluc dont il s’empare de vive force et fait arborer son étendard sur la haute tour.
Ces détails sont consignés dans une plainte adressée au bailli et au lieutenant du comté de Gévaudan par lequel on apprend pendant l’occupation du château, Guillaume de Mostuéjouls y a exercé plusieurs actes de justice. Cependant une sentence des mêmes officiers du 13 mari 1329 renvoie le seigneur de Liaucous des poursuites dirigées contre lui. » (Les châteaux des Gorges du Tarn, journal de Millau, 11 mars 1999).
Les seigneurs de Mostuéjouls ont à perpétuité durant le mois d’août de chaque année, la garde du château de Capluc avec l’administration de sa justice.
Le 25 avril 1395, Jean de Capluc, seigneur du château de Capluc, fils et héritier de feu noble Jean de Capluc, reconnaît tenir en fief franc et honoré de Guy, seigneur de Séverac et de Peyreleau, toute la forteresse de Capluc, autrement dit le donjon « sive le doncho » et tout ce qu’il y a derrière les portes de ladite forteresse « infra januas sive portals » ; ainsi que les trois quarts de ce qu’il possède dans le mandement de Capluc, que cela soit cens, revenus divers, hôtels, remparts, juridictions et autres. Il reconnaît que Guy de Sévérac a la juridiction et le ressort supérieur et promet de lui rendre le donjon quand il en sera requis (A.D.Tarn-et-Garonne, A85 f° 117).
Le roi seul était cependant seigneur « de Capluc », ce qui n’empêchait point les Capluc, les Séverac et le Roi de dire chacun, avec raison « mon château de Capluc ».
Lors d’un autre siège qui dura plusieurs semaines, perpétré par les « Mostuéjouls » aidés des « Peyreleau », il s’en fallut de peu que le seigneur de Capluc ne subisse une mémorable défaite.
Acculés dans leur citadelle, les assiégés ne connaissent point de répit. Les vivres s’épuisent et ils vont passer cent nuits blanches à se tourmenter, à se creuser la cervelle, à composer mille stratagèmes pour déjouer l’adversaire.
Les assaillants étaient persuadés que la famine serait le meilleur de leurs alliés mais c’était mal connaître le seigneur de Capluc qui recourut à un brillant stratagème : il fit donner à un cheval tout ce qui restait de blé et d’orge dans ses écuries.
Le siège persiste, aucune âme ne passe la herse du château quand un hennissement long et grave se fait attendre, les hommes de Mostuéjouls lèvent la tête. Du haut des murailles, un cheval blanc bascule dans le vide… l’animal qui git a le poitrail large, l’encolure charnue, le crin fin et soyeux. Le seigneur de Mostuéjouls désappointé, dit « comment cela est-il possible ? »
Les assiégés ne sont donc pas affamés…
Consternés et découragés à l’idée que le seigneur de Capluc possédait encore derrière ses murs des quantités de vivres, les hommes de Mostuéjouls levèrent le siège.
Pendant plus de 20 ans, les protestants dominent dans la région, les prêtres se réfugient dans les châteaux forts : Me Carrière, prêtre de Liaucous, voulant « fouir un danger de mort craignant d’être meurtry par les alarmes continuelles que ceux de la religion leur donnent tous les jours », se réfugie au château de Capluc où il teste en présence de plusieurs prêtres du pays, réfugiés comme lui (3 novembre 1567).
Me Johan Berségol, prêtre, teste au château de Capluc en présence de cinq confrères des environs « ou estant fugitif causant les troubles » (1568).
La domination des Capluc sur le rocher prit fin en 1607 au profit de Simon d’Albignac, seigneur du Triadou qui s’appropria tous leurs biens. Le dernier des Capluc régnant encore au château, Guillaume, avait été tué quelque temps auparavant par une flèche entre les deux épaules, près de l’église du Rozier.
On ne connaît pas la date de l’abandon de la forteresse.
Pendant la Révolution, les ruines du château fort de Capluc servirent d’asile à plusieurs prêtres, une petite table taillée dans le roc, devint leur autel.
Marc Parguel