Peyreleau, séparé du Rozier par la Jonte, étage ses maisons sur la pointe de l’éperon rocheux que projette, à l’est, le plateau de la Rouvière. Au point culminant se dresse une tour carrée qu’on a connue longtemps écharpée d’un lierre vigoureux. Dans son étude sur les châteaux des Gorges du Tarn, Jean Arnal évoquant cette tour de l’horloge qui domine le village écrit ceci : « La tour qui subsiste aujourd’hui n’est pas datable avec précision. On sait que le seigneur du Triadou (Le Triadou est un château moderne construit dans Peyreleau) autorise le 7 septembre 1624 les consuls de Peyreleau et du Rozier à y placer une horloge « au plus haut de la tour », en retour les consuls de Peyreleau et du Rozier doivent réparer la tour » (Journal de Millau, 15 avril 1999).
On la doit à Simon d’Albignac, qui la fit bâtir en 1621, sur les ruines du vieux château de Peyreleau, comme symbole de sa puissance. Elle n’a jamais eu aucun caractère ni défensif ni offensif.
André Arnal, qui fait des visites du village pourrait nous le confirmer : « Les gens qui arrivent à Peyreleau, voient cette tour et se disent qu’il y a là un château, mais en vérité ça n’a rien à voir avec un château. Cette tour construite par les D’Albignac, était une tour de prestige. C’était une manière pour eux de dire aux seigneuries avoisinantes : attention, à partir de là, vous êtes chez nous, évitez de faire n’importe quoi. » (Visite du 14 juillet 2017).
Un projet d’ériger une grande tour qui dominerait le village existait, semble-t-il, depuis fort longtemps. Dans une lettre adressée à Albert Carrière le 28 juillet 1922, l’archiviste Lempereur écrivait : « Il m’est passé sous les yeux un accord entre les habitants et le seigneur de Mostuéjouls en 1445 pour la construction d’une tour sur Peyreleau ».
C’est donc en 1621 qu’on éleva ou on réédifia la tour actuelle sur les ruines de l’ancien château. A l’intérieur, la reprise est visible, comme symbole de puissance féodale. De tout temps d’ailleurs, il y avait eu une tour, depuis les Romains, comme poste d’observation, on a trouvé dans les fondations des maisons avoisinantes, des morceaux de tegulae.
Il fut question en 1624 de placer une horloge comme nous le rappelle Albert Carrière : « Les consuls de Peyreleau et du Rozier voulant remettre une horloge sur un des plus hauts lieux de Peyreleau afin que les habitants entendent piquer et frapper icelui et savoir l’heure réglée qu’on doit s’occuper pour entendre le service divin et les heures que les pauvres travailleurs se doivent aussi occuper au travail ou quitter icelui touchant leur journée…proposent pour éviter de plus grands frais de se servir de la petite cloche de la chapelle de Peyreleau. Ils supplient noble Simon d’Albignac de leur permettre de placer lad.horloge dans tour nouvellement édifiée dans le château vieux et fort du seigneur de Peyreleau. Le seigneur du Triadou leur accorde la permission de construire édifier et poser lad. Horloge au plus haut bout de la tour (7 septembre 1624, Brondel). En retour, les consuls font réparer la tour, ils baillent à prix fait à Jean Balmaguier le couvert de lad.tour en tout son entier, le preneur fournira tout et boisage et tuiles nécessaires moyennant 20 livres (4 octobre 1691, Lafon) » (Manuscrit, La région de Peyreleau, le Rozier, 1947).
On fit d’autres réparations à ce monument notamment en 1829 : la charpente du haut de la tour est remplacée par une voûte. Blanc achète le bois en provenant pour 22, 5 fr. (Délibération du 13 juin 1830).
Après avoir radoté longtemps, la vieille horloge s’est tue malgré la visite et le remontage journalier par le sonneur. M. Fabié, maire de Peyreleau l’a fait remplacer par une neuve à cadran extérieur. L’entrepreneur (Lussault, Marçay (Vienne)) est venu prendre les mesures en juillet 1922. Les fonds pour la nouvelle horloge sont votés le 29 août 1922 et l’horloge est placée six mois après.
Il y a une anecdote assez amusante à raconter là-dessus, nous rappelle André Arnal :
« Quand la municipalité de Peyreleau décide de faire mettre une horloge sur le côté de la tour, elle demande à la municipalité du Rozier de participer. Les Rozièrains répondirent « vous voulez une horloge, vous vous la mettez, nous on participe pas ! ». Et les Peyrebelens devant le refus de leurs voisins d’en bas, leur dirent « Ah ! Vous ne voulez pas participer, nous allons mettre l’horloge sur un côté de façon à ce que vous ne la voyiez pas ». Et je me souviens étant enfant au Rozier, on entendait sonner les cloches, mais on ne voyait pas l’heure. Plus sérieusement, l’horloge était dirigée vers le Sud Ouest, parce que toutes les terres qui étaient travaillées par les gens de Peyreleau, étaient dans le terroir de Saint-Martin, face à Liaucous.
Les Rozièrains qui ne sont pas du genre à se laisser faire en avisent le curé, à l’époque c’était le même curé qui desservait les deux paroisses. Sa riposte peut paraître quelque peu disproportionnée, s’agissant de l’église de Peyreleau, lorsqu’il décida de placer la vierge qui domine le clocher de telle sorte qu’elle veille sur la destinée des paroissiens du Rozier, tournant ostensiblement le dos à ceux de Peyreleau. Un comble me direz-vous pour un homme d’Église. Cette anecdote on ne la trouve écrite nulle part. » (Visite de Peyreleau, 14 juillet 2017)
Le curé en question, c’est Jules Vaquier de Labaume, précédemment professeur au Collège Saint Gabriel, curé de Compeyre, transféré à Peyreleau en 1910. Esprit agressif, il mène une violente campagne contre la municipalité Fabié en 1912. Cette municipalité Fabié a qui l’on doit les rues actuelles (1885), les fontaines (1914)…
En 1918, il a pu rouvrir l’école libre de filles qui avait été fermée et fréquentée par toutes les jeunes filles de Peyreleau et du Rozier, sauf de très rares exceptions. Le 11 septembre 1918, il publie un livre sur le devoir conjugal. Pour l’armistice de la Grande Guerre, à la nuit, il fait placer une douzaine de lanternes vénitiennes sur la façade nord du presbytère et sur le grand rocher qui le porte. Par vengeance contre Fabié, c’est lui qui aurait tourné la Vierge vers le village du Rozier en 1923. Cette statue avait été initialement placée en 1885 par l’abbé Aristide Balitrand (curé de 1878 à 1892), lors de la création d’un nouveau clocher octogonal. En 1926, Jules Vacquier de Labaume s’occupera de l’électrification de l’église.
Marc Parguel