[dropcap]R[/dropcap]emontons à la source. « The very first time », comme aimait à le chanter The Madonna, ce fut le Tarn, en crue, coloré de tout ce qu’il pouvait charrier. Aqua simplex horizontale, dans un automne déjà bien avancé, aussi piquante qu’un massif d’orties dans lequel on serait tombé, mais qui, bizarrement, nous inocula le virus, à jamais. Puis tout s’enchaîna…
Il y eut la Dourbie aux eaux cristallines, diamantines, l’eau verticale et lourde de la cascade du Boundoulaou, la neige en eau solide, éphémère, du Rajal del Gorp, l’eau souterraine de la grotte de la Médecine, plongée dans une impressionnante nuit éternelle, éclairés de simples bougies ou de frontales hors d’âge, nous écoutions tomber les gouttes d’eau stalactites dans l’eau où nous étions stalagmites, immergés jusqu’au cou.
Puis, il y eut cette eau qui surgit de la terre comme un Lazare surgissant d’entre les morts, miraculeuse, reprenant vie sous nos yeux, résurgences merveilleuses du Durzon, de la Sorgues et de l’intermittent du spectacle, le petit gour de Verrières, qui sort de son terrier au rythme des pluies incessantes s’abattant en amont du vallon dans lequel il gîte.
Nous goûtâmes, en collectionneurs inassouvis, à l’eau de mer chez nos alter ego ; les eaux salées, dans cet amphithéâtre qu’est la très jolie plage de la Conque.
Tout récemment, il y eut le nec plus ultra, le sommet du négatif, car on ne peut faire plus froid au risque d’être congelé comme du banal poisson pané ; l’eau glacière en haute Dourbie, vivante de son unique degré avant solidification irréversible au moindre éternuement.
Nous pensions avoir fini et clos notre collection. Mais voilà que ce mauvais temps que nous subissons en ce moment, nous infligeant ses convois de perturbations, a fait apparaître une évidente lacune, notre herbier sur l’eau souffrait d’un état, dont on ne sait qui, comme de la poule ou de l’œuf a fait l’autre. Qui de l’eau ou de la vapeur a fait l’autre * ?
Le voici cet état entre deux eaux : le nuage. Ainsi, ce matin, munis de nos filets à papillons, nous allâmes à la chasse aux nuages tout là-haut, sur le Lévezou, où très souvent ils se prennent les pieds dans d’inoffensifs pâturages à contrario des éoliennes présentes, qui sur le mode blender, les mixent à grands coups de vrrrrooummm, vrrrrrooummm, vrrrrooummm !
Nous en attrapâmes pleins, même si un vent de tous les diables se jouait de nous en les emportant vite. Le nuage, dans cet entre-deux, nous baigna délicatement, vaporisant sur nos corps nus ses gouttelettes en suspension. Rêve ! Sauf que le froid les transforma en mitraille, le vent se chargeant de les bombarder sur nos corps nus. Réalité !
* Apparemment c’est la vapeur qui a fait l’eau, mais pour la poule ou l’œuf, là, je ne sais toujours pas.