[dropcap]L[/dropcap]a période des visites n’a pas été choisie par hasard : le 28 février, les négociations sur les tarifs entre les grandes marques industrielles et les distributeurs prendront fin. Elles déterminent pour toute l’année les prix d’achat, les volumes et les promotions (les prix des marques « distributeurs » sont eux négociables toute l’année.)
En temps normal, les producteurs laitiers expliquent que le salon de l’agriculture est « un sérieux coup de pouce et permet grâce à sa visibilité de finaliser les négociations. » Cependant, en raison des conditions sanitaires, il n’a pas pu avoir lieu. Il était donc important d’agir sur le terrain.
Clément Chayriguès, éleveur explique les raisons de ces actions.
« La loi n’est pas respectée »
Les producteurs laitiers estiment qu’en dépit des « + 1,8 % d’augmentation du chiffre d’affaires de la grande distribution en 2020 », elle ne rémunère pas les éleveurs au juste prix, alors que la loi Egalim l’impose. Même si celle-ci a permis d’éviter une nouvelle baisse du prix d’achat du litre de lait, le bras de fer est loin d’être gagné.
Ce qu’on demande, c’est une juste répartition des marges pour la filière. On devrait d’abord calculer le prix payé au producteur en tenant compte du coût de production, ajouter à cela l’étape la transformation et son coût, et ensuite la marge accordée à la distribution. »
Ne pas vendre à perte
Le but de ces actions dans les grandes surfaces est de constater les prix de vente et de vérifier l’application d’une autre mesure phare de la Loi Alimentation : le « relèvement du seuil de revente à perte », lui interdisant de brader les produits alimentaires ».
Dans les rayons de Géant Casino, si le seuil maximum de – 34 % a été atteint, la ligne rouge n’a pas été franchie. Le directeur du magasin Roland Perrier a reçu lui-même les éleveurs avec qui il a échangé, expliquant « qu’aucun prix n’était décidé localement et que tout passait par des centrales d’achats. »
Les éleveurs « en mode survie »
Les syndicats de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs, tirent la sonnette d’alarme et précisent « qu’un centime de plus par litre lait, ce sont deux mois de salaire pour un éleveur laitier ».
Depuis 2015, l’Aveyron a perdu près de 400 fermes laitières, ce qui représente 800 éleveurs. Il en reste environ autant à l’heure actuelle sur le territoire « qui n’ont aucune visibilité ».
« Combien en restera-t-il dans dix ans à ce rythme ? », se demandent les éleveurs présents.
« Être éleveur, c’est une présence humaine, une astreinte tous les jours de l’année, tous les dimanches et tous les jours fériés. Ce temps doit être rémunéré pour conserver les producteurs et pouvoir recruter des salariés. Il faut arrêter l’hémorragie sur la perte des producteurs de lait. Il est important qu’un territoire préserve une agriculture diversifiée, qui se complète et qui s’équilibre. C’est un enjeu territorial qui concerne plus que les éleveurs, les emplois du secteur agricole dans leur ensemble. La grande distribution doit respecter la Loi Alimentation. »
Depuis quelques semaines, il semblerait que les visites des rayons des grandes surfaces dérangent et produisent leurs premiers effets. « Quelques hausses ont été consenties sur une petite partie des produits laitiers ».