Pour les Sud-Aveyronnais qui ne vous connaissent pas encore, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
J’ai un parcours atypique. J’ai commencé ma carrière professionnelle en tant que sage-femme, puis je suis devenue cadre de santé sage-femme. J’ai travaillé un peu partout en France et à l’étranger. En 1995, j’ai suivi l’école de cadres à Dijon, puis j’ai été pendant trois ans enseignante dans une école de cadres de sages-femmes à Rouen.
J’ai ensuite été cadre en service de soin au CHU de Montpellier pendant 4 ou 5 ans. Après j’ai passé le concours de directeur et j’ai été me former à l’EHESP (Ecole des hautes études en santé publique) de Rennes pendant deux ans, et Millau a été mon premier poste ! Pas Millau exactement, mais le CHIC du Sud-Aveyron, pour lequel, pendant trois ans entre 2007 et 2009 j’étais directrice des achats et de la logistique, et j’avais en charge le pôle personnes âgées. C’est moi qui ai mis en place avec les docteurs Atallah, Lopez et les cadres de santé ,notamment Mme Martin, l’équipe mobile de gériatrie, la consultation mémoire et le court séjour gériatrique.
Je suis ensuite partie un an à Rodez sur les affaires médicales et la qualité en tant que directrice adjointe. Je suis ensuite passée au centre hospitalier de Perpignan où j’avais ce qu’on appelait le département des moyens opérationnels, c’est-à-dire tous les services qui concourent au fonctionnement d’un centre hospitalier, mais qui ne sont pas du soin. Au bout de cinq ans, en 2015, mon directeur m’a proposé de prendre les finances et la facturation du centre hospitalier. J’y suis restée trois ans et je suis arrivée en juin 2018 au CHU de Montpellier en tant que directrice adjointe en charge des finances avec un autre collègue.
Comment êtes-vous arrivée dans le Sud-Aveyron ?
J’ai postulé en novembre 2020 sur le poste qui est paru au Journal Officiel. J’étais sur la short-liste faite par le centre national de gestion en fonction des compétences attendues et du parcours, et le choix parmi la short-liste (ils étaient deux, NDLR) a été fait par les maires concernés, les présidents de CME (Commission médicale d’établissement) et l’Agence Régionale de Santé (ARS). Et c’est moi qui ai été choisie… Le fait que je connaisse bien le CHU et les interlocuteurs a dû jouer en ma faveur. On m’a demandé d’arriver au plus vite… M. Le Ludec (le directeur du CHU de Montpellier, NDLR) m’a lâchée rapidement pour que je puisse venir ici.
L’ARS m’a donné une feuille de route, et c’est dans mes missions de porter ce projet hospitalier commun du Sud-Aveyron. »
Vous êtes en place depuis 5 ou 6 jours. Quelles ont été vos premières occupations ?
Cela a été d’abord un travail de concertation. J’ai vu les élus, les syndicats des deux établissements, les présidents de CME et puis mon équipe, mes adjoints directs. Puis j’ai fait une petite analyse financière de la situation…
Et ?
C’est compliqué.
Et ?
On va essayer de travailler sur les recettes, mettre en place des projets permettant d’avoir des recettes supplémentaires. c’est un peu tôt pour en parler, mais on va essayer d’étendre le plateau de consultations. Après il y a par exemple des projets centrés sur la prise en charge de la douleur. Plus de temps, plus de spécialistes… Il faut diversifier l’activité, car qui dit activités dit recettes.
Après il faudra sûrement des aides de tutelle, car il y a un passif quand même… Et l’hôpital ne s’en sortira pas tout seul malgré les recettes qu’il pourra générer. L’objectif sera d’éviter les fuites de patientèle, redonner confiance en l’établissement… Cela passera nécessairement par un partenariat avec Montpellier.
Vous venez d’arriver, on l’a vu, mais comment voyez-vous la collaboration entre les hôpitaux de Millau et de Saint-Affrique ?
Il y a un seul directeur et donc forcément il y a des liens forts, puis on travaille sur le projet médical commun. Bien qu’il y ait deux sites, il y a une convergence sur la prise en charge des patients. Il y a une administration commune, et nous essayons aussi de travailler sur des projets communs, sur des mutualisations. On est plus forts ensemble que séparés, et c’est particulièrement vrai sur ces deux établissements.
Quand vous avez par exemple des activités de chirurgie obstétrique, cela demande des plateaux techniques conséquents, des gardes et astreintes qui se répètent, donc on a intérêt à être ensemble. Des centres hospitaliers de petite taille, ce n’est pas très attractif, quand vous mutualisez ça donne plus de visibilité au niveau médical et ça intéresse plus les médecins. Il y a une vraie nécessité à rapprocher les deux établissements.
Un mot sur le projet d’hôpital commun ?
L’ARS m’a donné une feuille de route, et c’est dans mes missions de porter ce projet hospitalier commun du Sud-Aveyron. C’est un projet porté à la fois par les élus et par la communauté médicale. On ne porte pas seul un projet de ce type sans que les deux hôpitaux ne soient partie prenante. Et ce projet hospitalier commun passe d’abord par un projet médical commun, avec des objectifs communs.
Mon objectif c’est déjà de renforcer l’offre de soins, la diversifier… Et ça passera par des recrutements en partenariat avec le CHU de Montpellier, avec des assistants à temps partagé, et par la coopération avec la médecine de ville. Pour l’instant on a pris un cabinet qui est en train de nous accompagner pour ce projet médical, et la CME s’est mise d’accord sur un préambule, sur des objectifs communs, qu’il va falloir décliner filière par filière : gériatrie, obstétrique, médecine… Nous sommes dans cette phase de déclinaison du projet, avec bien sûr l’objectif qui est l’hôpital unique. Le travail a bien avancé, même si la crise de Covid l’a stoppé…
Il faut rétablir l’écoute, la concertation… c’est le rôle du directeur. »
Comment arriverez-vous à convaincre la population du Sud-Aveyron au sujet de la nécessité de cet hôpital commun ?
Une chose est certaine, c’est que la communauté médicale n’est absolument pas divisée sur ce projet. Il y a 10 ans, quand j’étais là, oui, la communauté médicale n’était pas prête à travailler ensemble. Aujourd’hui, les deux présidents de CME m’ont paru extrêmement partants…
Concernant la population du territoire, il doit y avoir un travail de concertation, d’explication… C’est le rôle des élus, avec mon aide et celle des médecins. La division n’est jamais bonne et la mutualisation permettra justement d’avancer et de pouvoir proposer cette offre de soin au bénéfice des personnes du territoire.
Comment s’est passée la transition avec Didier Bourdon ?
On a travaillé ensemble une journée, une journée et demie, mais vous savez, un directeur, ça a aussi des adjoints, un secrétariat… Il reste à ma disposition, il me l’a bien dit, puis on va avoir un tuilage avec le cabinet d’audit qui s’occupe du projet médical, on a déjà un rendez-vous. Le tuilage se fera au fil des besoins.
Il y a une défiance particulière à l’égard de la direction, que ce soit à Millau ou à Saint-Affrique. Comment appréhendez-vous cela ?
On ne peut pas incriminer une personne en particulier. C’est plutôt la conséquence de multiples réorganisations : la défusion, le rachat de Saint-Côme, la séparation avec l’EHPAD, le GHT (groupement hospitalier de territoire), le plan de retour à l’équilibre… Les hôpitaux ont eu ces dernières années à faire face à de multiples réorganisations qui ont fait qu’ils sont en souffrance, majorée par la crise Covid qui a eu un impact très fort sur les établissements. Il faut rétablir l’écoute, la concertation… c’est le rôle du directeur.
C’est la situation de l’hôpital de Millau en particulier, impacté par toutes ces réorganisations, qui a été un terreau très fertile à cette défiance. Le changement est toujours compliqué. Et quand en plus le Covid arrive, il y a de quoi essouffler tout le monde…