[dropcap]L[/dropcap]’église de Saint-Etienne ou Sent Estebe, l’une des plus anciennes du Larzac se situe à 1,5 km à l’ouest de l’Hospitalet, dans un pré à droite de la route D23 qui mène à Sainte Eulalie. Bien qu’elle se trouve désormais sur le territoire de Sainte-Eulalie, c’était jadis, la première église de la paroisse de l’Hopital Guibert, rebaptisé plus tard L’Hospitalet du Larzac. Elle est mentionnée dès l’an 1087 : « Ecclesia Sancti Stephani que est sita in territorio quod vocatur Larzacgo » (d’après A. Soutou). Elle mesure environ 17m de long sur 7m de large et possède un chevet quadrangulaire et une nef unique séparés par un arc triomphal réduit. Les murs, en appareil de petits moellons en calcaire local, la « pierre bleue », ont près de 1,10 m d’épaisseur.
L’église était, à l’origine, probablement liée au château voisin de Cornalhac dont elle est distante d’un peu plus d’un kilomètre à l’ouest, au-dessus de Sainte-Eulalie. La cure était à la collation de l’abbé de Saint-Guilhem du désert, comme l’église de Sainte-Eulalie-de-Cernon, avant l’arrivée des Templiers, elle dépendait de l’abbaye de Gellone,
Elle fut donnée à cette abbaye vers 1077-1095 par Pons Stephani, évêque de Rodez et devint église paroissiale. Entourée de plusieurs bâtiments, elle est un prieuré qui bénéficie au cours des XIe et XIIe siècles de multiples donations et dessert de nombreux mas répartis sur un vaste territoire.
Un texte de 1190 mentionne une maison dans la porte, deux bâtiments, un sous l’auvent, un autre près de la porte, les maisons des Clergues et des Mourgues, le mas de l’église de Saint-Estève. Peut-être s’agit-il de bâtiments des hameaux voisins du Rouquet ou du Mas Trinquier, où on connaît un puits des Mourgues. Un cimetière entourait l’église et était source de nombreux revenus.
En 1087, deux familles complétèrent la donation en cédant des droits et des biens. La première était celle de Rigal et Aldebert de Compeyre. La seconde celle des Guiberti de Creissels, peut-être descendants naturels de la famille de Millau. Pierre Guiberti, viguier de Millau et personnage important, fit de nouveaux dons en 1117 et 1126. Au XIIe siècle, l’église de Saint-Etienne était annexe du prieuré de Creissels, elle y figurait encore comme telle sur le Pouillé de ce village en 1729.
En 1108, Gilbert, vicomte de Millau, fonde au bord du chemin « public » (l’ancienne voie romaine) l’hôpital Guibert (L’Hospitalet-du-Larzac). Une église dédiée à Marie-Madeleine y est édifiée. Ce n’est alors qu’une dépendance de Saint-Etienne.
Le culte y fut exercé principalement jusqu’à la fin du XVIe siècle, moment troublé où les paroissiens préfèrent se regrouper à l’Hospitalet sous la protection du fort. On sait qu’en janvier 1556, Stéphane Gasc est curé de la paroisse de Saint-Etienne, mais en 1612, Solignac est dit curé de l’Hospitalet, le transfert s’est donc fait entre ces deux dates. L’église de Saint-Etienne continua cependant a être utilisée de façon intermittente pour célébrer quelques baptêmes, mariages, et dévotions à la source du même nom, toute proche et réputée miraculeuse jusqu’à la ruine de l’édifice en 1777 où l’évêque vient introniser un nouveau curé, et reste devant la chapelle plutôt que d’y entrer, car trop délabrée.
A la Révolution, les ruines de l’église, du presbytère et d’une maison proche et quelques « clapières » sont encore visibles et sont mentionnés dans la vente des biens nationaux, M. J. F. Marcorelles du Rouquet s’en rend acquéreur et s’occupe de sa restauration. A la fin du XIXe siècle, il ne reste que les ruines de l’église et les pierres provenant des ruines voisines sont récupérées pour construire un chemin.
Les restes de cette église sont fort modestes. La description nous en est faite par André Soutou : « Elle présente la forme d’un rectangle, c’est-à-dire que la nef est dans le prolongement du chœur. Le chevet est droit et ses deux angles sont renforcés par des contreforts larges et plats. Les ruines, envahies par les arbres, présentent encore par endroits une élévation de quatre mètres et l’on distingue le départ de la voûte qui couvrait l’abside. Le dégagement et la consolidation de ces vestiges seraient vivement souhaitables » (La commanderie de Sainte Eulalie de Larzac, Lacour, 1999).
Il y a quelques années, on pouvait encore discerner la nef et le chœur, séparé par un arc outrepassé et formant un quadrilatère unique, le tout en calcaire brut disposé en assise régulière. Aujourd’hui, il ne reste que le mur écroulé du chevet, surmontant un monceau de pierres.
Des interventions, afin de dégager l’édifice, ont eu lieu de 1980 à 1982, puis en 1999.
L’association APAHL a coordonné la consolidation des murs encore en élévation du chœur de l’église.
Le pré où se situe l’église appartient maintenant à M. Gély du Rouquet et des brebis viennent s’abreuver à la source en contrebas de l’église ruinée.
Marc Parguel