[dropcap]L[/dropcap]a Rouvière domaine situé sur le plateau du même nom à l’ouest de Peyreleau tire son nom de Rove (roube).
Si l’on considère que robus est de racine commune avec rober, rouge, il pourrait s’agir du chêne vert, au bois brun rouge. Le dérivé collectif courant de rove est rovièra. Ainsi s’appelle la chênaie de chênes pubescents, autrement dit la « rouvraie ». Aujourd’hui, on ne voit que des pins.
Très tôt dans l’histoire, ce coin du Causse a été fréquenté. Albert Carrière a signalé aux environs de la Rouvière des débris de poteries sigillées ainsi que des briques gallo-romaines dans un champ près des conques.
A moins d’un kilomètre à l’ouest de la Rouvière, près d’un point d’eau : station de distillation de résine non fouillée. Nombreux fragments d’urne à résine.
Approchons nous du domaine.
Il ne parait pas y avoir jamais eu d’autres habitants que la famille du fermier qui l’exploitait. Dame Lucrece de Lastic de Saint Jal y fait construire une maison…portal où une mule chargée de fumier puisse passer…Elle fournit tous les matériaux même l’eau pour pétrir le mortier (20 mars 1702, Lafon). Les D’Albignac possédaient cette ferme de 1594 jusqu’à la veille de la Révolution. D’ Albignac donne à démolir et à rebâtir sa métairie de la Rouvière à Galtier, maçon auquel il fournit 20 charges de charbon pour le four à chaux (Notaire Lafon, 1709).
Les D’Albignac vendirent ce domaine au Sieur Brudy avocat au parlement habitant au Rozier, lequel le vendit au Sieur Vernhet qui le possédait encore en 1831. La Rouvière comptait 10 habitants en 1868.
Le 19 août 1912, vers 17h30, un formidable orage crevait à l’ouest de Peyreleau sur le plateau de la Rouvière, créant un torrent furieux de graviers dévalant vers Peyreleau. Ce fait nous est rappelé pour le journal de l’époque : « Cette trombe s’est abattue d’abord sur le plateau de la Rouvière et a suivi le ravin renversant tout sur son passage et entraînant avec elle terre, gravier, grosses pierres, etc. En certains endroits, la route a été creusée par les eaux à un mètre de profondeur. Des caves et des écuries ont été inondées. Quelques propriétés ont été ensablées.
Mardi, dès la première heure, le conducteur des ponts et chaussées faisait remettre la route en état par une douzaine d’ouvriers. Il y avait vingt-cinq ans environ qu’on n’avait vu pareille chose à Peyreleau. Heureusement, le fléau n’a pas atteint nos champs et nos vignes. » (Messager de Millau, 24 août 1912)
La Rouvière cessa d’être exploitée en 1936, l’activité agricole reprit en juillet 1984, avec Jean-Marie Revellat qui pratiqua l’élevage des ovins et des caprins.
La bergerie moderne, construite à l’écart, ne gâche pas la belle architecture de cette demeure caussenarde.
De la Rouvière dépendait deux mas ruinés La Rouvierette et le Mas Boyer :
La Rouviérette (désigne la petite rouvière (chênes pubescents), la petite rouvraie). Des ruines étaient encore visibles il y a quelques décennies à 1 km environ à l’Est de la Rouvière, à 2 km au Sud Ouest de Peyreleau. Ça et là on voit des Briques à rebords, débris de tegulae. Dans un bail de la Rouvierette il est dit que le preneur payera une livre et demie de fromage par brebis et autant de laine et 6 livres et demi de fromage » (1635). Affermé en 1643 pour 26 setiers de grains (Duranc, notaire), ce mas n’existait plus en 1728 où le notaire Lafon parle de « casals de la Rouviérette ». Sous la révolution, selon Raymond Noël (château en Aveyron), la Rouvierette fut vendue par les Brigands du Bourg, anciens chouans, puis pillée et incendiée par cette même bande. La Rouvierette appartenait au début du XIXe siècle à la famille Pétas, puis passa à la famille Pelat.
Sur le sentier de Peyreleau à la Rouvière, dix mètres en contrebas du plateau pleure la source de Prinelle qui fournissait l’eau potable à la Rouvièrette.
Le Mas Boyer. Anciennement ce mas s’appelait « Peyres Grosses », et se trouvait dans le voisinage du Pont des Arcs qu’il confrontait du chef (Lafon, notaire, 2 juillet 1720).
Proche du domaine de la Rouvière signalons (propriété privée) deux sites intéressants : le point géodésique 814, vue panoramique sur la vallée et les Gorges du Tarn et de la Jonte, et les corniches des Causses Méjean et Sauveterre. Une arche de rocher dite « le Pont des Arcs » que nous avons déjà évoquée dans cette chronique située dans le ravin de ce nom ; ouverture 6 m, hauteur 4m20 dont 3m50 sous la voûte.
Marc Parguel