[dropcap]N[/dropcap]ous vivons à Millau des manquements inquiétants pour un état de droit. Un camarade militant activiste anti-capitaliste, Iñaki A., est, une nouvelle fois, amendé à distance.
Il passe en procès jeudi 27 janvier à 9h au tribunal de police de Millau à la suite d’une contestation de verbalisation sans contact reçue par voie postale un mois après les faits qui lui ont été reprochés.
En effet, le 10 juin 2021, pour annoncer à ses concitoyens l’arrivée de Philippe Poutou le lendemain, pour un meeting-débat dans le cadre des élections régionales LFI/NPA, Iñaki A. et une camarade tractaient dans les boites aux lettres des immeubles de la ville. Tout se passe bien, pas d’embûche, rien à signaler.
Un mois plus tard, le 6 juillet, il reçoit un PV pour non-port du masque, alors qu’il le portait bien et que son organisation milite, depuis le début de la pandémie, pour l’accès aux masques et aux autres moyens de protection.
Cette fois-ci, contrairement à mai 2020 et « l’affaire des amendés de Millau », l’agent verbalisateur, identifié par un simple numéro ne fait pas référence à une caméra de vidéo-protection de la ville, mais stipule que ce jour-là à 19h49 précises, Iñaki A. ne portait pas de masque. Pas 19h48. Pas 19h50. 19h49.
Rappelons aussi ce qui est remarquable : à aucun moment, les militants n’ont été interpellés, et ni leur identité ni leur adresse n’ont été vérifiées par l’agent verbalisateur.
Après une conférence de presse pour informer la population du cas de notre camarade, des journalistes ont demandé des explications à la police nationale. Il leur a été répondu qu’Iñaki et sa camarade auraient été sommés de se rendre et que ceux-ci se seraient enfuis et réfugiés dans un espace privé.
Quelques jours plus tard, le 26 juillet, Iñaki se rend au commissariat pour obtenir des explications. Les journalistes et la camarade sont refusés à l’entrée. Il lui est précisé que jamais un délit de fuite ne lui avait été reproché. (…)
Et pourtant, depuis, dans une lettre de rejet de requête, il est écrit noir sur blanc qu’Iñaki est une « personne reconnue formellement et une personne non contrôlée, car à la vue [de la police, est] rentrée rapidement au 7 avenue de Verdun ».
Du coup, Iñaki ne sait pas jusqu’où iront les accusations ! Quand on commence à ne pas être en confiance, jusqu’où cela peut-il aller ?
Comme Iñaki A. estime que le droit n’est pas respecté, il fait valoir le sien en contestant l’amende. S’en suit une correspondance administrative : contestation, rejet de requête, seconde contestation, majoration de l’amende, nouvelle contestation et enfin citation à comparaître.
A Millau, il y a un précédent. A la sortie du confinement, en mai 2020, des manifestations pacifiques ont eu lieu pour condamner la politique du gouvernement face à la crise sanitaire et pour réaffirmer le droit inaliénable de manifester.
Les manifestations se déroulèrent sans heurt, mais quelques semaines plus tard, les manifestants, identifiés par les caméras de la ville, ont reçu des PV dans leur boite aux lettres. L’usage de ces caméras, affectées au respect du Code de la route et à l’identification des auteurs des crimes et délits, a donc été détourné. Dans les procès-verbaux établis par le commandant, il faut rappeler que chaque manifestant était qualifié comme « connu des services de police pour avoir participé [soit] à quelques manifestations [soit] à de nombreuses manifestations ». De plus les manifestants étaient qualifiés de la mouvance d’ultra-gauche (terme habituellement utilisé par la frange d’extrême droite de la police). Ces faits ont été relayés par plusieurs journaux et ont fait l’objet d’une analyse dans le rapport d’Amnesty International. Le procès des amendé.es plusieurs fois repoussé se tiendra après celui d’Iñaki A. Le procès d’Iñaki pourrait-il être un enjeu pour le suivant ?
Avec le PV d’Iñaki, c’est un pas supplémentaire vers l’arbitraire et la toute-puissance de la police qui sans aucune preuve peut incriminer une personne « défavorablement connue des services » par son engagement politique. Il pourrait s’agir là d’une mise à l’œil permanente et ciblée, tel un harcèlement policier. Pour nous il s’agit de dénoncer une politique contraventionnelle abusive et discriminatoire.
D’après des faits similaires en Essonne, rapportés par France Inter (09/12/2021): « la procureure de la République de l’Essonne a écrit aux maires du département, chefs des polices municipales, afin de leur rappeler que, pour ce qui est de faire respecter les mesures sanitaires, les verbalisations opérées à distance […] sans que les contrevenants n’en aient expressément connaissance sont irrégulières ». Il est obligatoire de notifier verbalement l’infraction relevée.
Cette non-notification orale implique qu’il est très compliqué d’apporter la preuve contraire [à la contravention] surtout lorsque l’on fait face à une verbalisation à distance. « Quand on ne sait pas que l’on est en train d’être verbalisé, on ne constitue pas de preuve que notre comportement était légal. »
C’est pourquoi nous appelons tous les citoyens vigilants à soutenir Iñaki A. à son procès jeudi 27 janvier à 9h devant le tribunal de police.
Collectif de soutien à Iñaki
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