Il était le premier dossier de la matinée au tribunal de Millau ce jeudi 27 janvier dans une affaire de verbalisation qui dure depuis le mois de juin dernier. Défendu par Maitre Delorge, Iñaki Aranceta sortira du tribunal acquitté.
Le rappel des faits
Iñaki Aranceta avait été verbalisé le 10 juin dernier à 19h49 devant le n° 7 de l’avenue de Verdun par un agent du commissariat de Millau pour « violation d’une mesure locale, imposant le port d’un masque de protection dans une circonscription territoriale en état d’urgence sanitaire et devant faire face à l’épidémie de Covid-19 ».
Ce jour-là, alors qu’il distribuait des tracts dans le quartier de Beauregard, il est verbalisé sans être interpellé, les policiers l’accusant même de s’être réfugié dans l’immeuble pour échapper à la police et reçoit la contravention un mois après. Il la conteste, la contestation est rejetée, il reçoit plus tard l’amende majorée qu’il conteste à nouveau pour enfin arriver ce 26 janvier jusqu’au tribunal de police « non pas sans peine » comme le précise son avocat : « On lui a mis je ne sais combien de bâtons dans les roues avant qu’il arrive jusqu’à ce tribunal ».
L’exception de nullité
Dans sa plaidoirie, maitre Sébastien Delorge « soulève la nullité du procès-verbal du constat de l’infraction au prétexte qu’il ne serait pas régulier dans sa forme et qu’il présenterait un défaut de notification immédiate de la contravention ». Revenant sur le déroulement des faits du 10 juin 2021, il démontrera que son client n’a jamais été interpellé pour qu’on lui notifie l’infraction et qu’un mois après il est difficile de se défendre et de prouver où il était et de quelle manière il portait son masque. Il précisera qu’Iñaki Aranceta ne s’est pas non plus enfui. Ce dernier ironisera même : « Je suis rentré dans le hall d’immeuble avec ma collègue, on a chacun posé cinq tracts et on est ressortis, ça a duré à peine plus d’une minute ! Et puis, ceux qui me connaissent à Millau savent que je ne m’échappe jamais devant les policiers ! »
Maitre Delorge précise que les policiers ont rédigé le PV en 6 minutes : « on n’a pas beaucoup cherché à attendre monsieur Aranceta pour savoir s’il allait sortir ou pas de cet immeuble. On a considéré qu’il allait se cacher sans l’interpeller ! »
L’avocat a dénoncé « les grosses lacunes de cette enquête et un dossier vide » et au-delà de cela, s’est interrogé sur la question des verbalisations à distance étendues depuis la crise sanitaire sans relever l’identité des gens.
135€ d’amende
L’Officier du ministère public a quant à lui rappelé qu’il s’agissait d’un dossier traité en matière contraventionnelle et « qu’il ne fallait pas confondre l’interpellation, d’usage en matière de crimes et délits et l’interception ».
On est en matière contraventionnelle, monsieur Aranceta n’a pas été arrêté ni intercepté, il est hors de question que mes collègues planquent des heures et des jours pour qu’hypothétiquement ils voient sortir le contrevenant pour lui notifier et lui faire signer le procès-verbal. Concernant son identification tout le monde connait monsieur Aranceta, là-dessus il n’y a pas d’ambiguïté ni de doute ! ».
Il fera tout de même un pas en arrière en ne demandant que le paiement de l’amende de 135 € et non pas celle majorée.
Relaxé
La présidente du tribunal Sylvia Descrozaille revient alors sur les différentes étapes de ce dossier et interroge Iñaki Aranceta sur sa situation familiale, financière et lui demandera ensuite de préciser certains détails et sa position sur le fond du dossier. Inaki Aranceta s’exécute et explique « se sentir victime d’une injustice ».
Tout le monde me connaît, j’ai eu une vie de militant, j’ai tenu un café-concert pendant 30 ans, je suis vacciné, je porte le masque et je milite pour ça, il y a des centaines de personnes qui ne le portent pas ou mal sur les marchés par exemple, et on me verbalise moi ! »
Malgré des différends avec la justice, Sylvia Descrozaille précisera « que le casier judiciaire du militant est vierge et qu’il n’a jamais été condamné ». Elle prononcera finalement la relaxe d’Iñaki Aranceta « regrettant que face au doute, il n’y ait pas eu de complément d’enquête ou un PV de renseignement judiciaire pour attester de la présence du contrevenant ». Iñaki Aranceta sortira du tribunal sous les applaudissements des personnes venues le soutenir réunies depuis 9h devant le tribunal.
Une question de principe
Maitre Delorge, interrogé sur les marches du tribunal de Millau précise sa position dans ce genre d’affaires.
« LMa nullité, c’est une question de principe que je continuerai de soulever. Le problème du tribunal de police c’est qu’il est très dur de contester, car la parole policière y est reine. Malheureusement ce que ça montre c’est qu’effectivement il faut se battre et qu’il faut contester ».
Au-delà de cette affaire, l’avocat qui a déjà obtenu la relaxe dans des affaires similaires dénonce « un nouveau mode de gouvernement dans lequel a contravention donne de plus en plus de pouvoir à la police qui devient finalement le procureur et le juge à la fois ! Il rappelle qu’ Emmanuel Macron et Valérie Pécresse veulent continuer et même généraliser ça pour les délits. »
Ce n’est qu’un au revoir !
Le militant Iñaki Aranceta n’en a pour autant pas terminé avec la justice, mais il devrait cette fois se sentir moins seul puisqu’il est à nouveau convoqué au mois de mars prochain dans une autre affaire de verbalisation sans contact avec une vingtaine d’autres prévenus dans ce qui est devenu « l’affaire des amendés du mois de mai ». L’avocat Sébastien Delorge reviendra aux côtés de deux autres confrères dans une affaire qui a déjà fait grand bruit et résonné aux quatre coins de l’Hexagone et qui devrait prendre une tout autre ampleur…