Jamais scrutin présidentiel depuis 1965 n’aura autant été marqué par le sentiment d’un scénario écrit à l’avance, pourtant refusé par 80 % des Français, écartant toute confrontation de projet et prenant l’électeur en otage dès le premier tour.
D’où un vote dominé par le calcul stratégique guidé par sondages et médias dominants au détriment du libre exercice d’une citoyenneté critique : quel gâchis démocratique généré par des institutions moribondes et incapables de nous épargner le pire des scénarios pour le deuxième tour, l’éventualité d’une accession de l’extrême droite à la tête de l’État !
À l’issue de ce premier tour, le fond de l’air est bien sombre : les humanistes et les démocrates attachés à la République sont pour la troisième fois en vingt ans confrontés à un dilemme de plus en plus redoutable : voter « en conscience » – mais conscience n’implique-t-elle pas liberté de choix ?- pour celui qui depuis cinq ans, et dans la foulée de ses prédécesseurs, incarne plus que jamais la casse sociale et le mépris des puissants, ou bien laisser par dépit les tenants d’une alternative réactionnaire opportuniste et démagogique s’emparer impunément des leviers de l’État du fait de l’usure du « vote utile » en faveur d’un sortant plombé par ses échecs. D’un côté la poursuite à marche forcée du projet de remodelage néolibéral de notre société au seul bénéfice des « premiers de cordée », de l’autre le défoulement d’une extrême droite décomplexée, confortée par les surenchères sécuritaires et xénophobe, et légitimée par un anti-macronisme largement partagé dans une opinion désabusée et qui a perdu toute confiance en ses édiles.
Là se trouve, à la différence des deux précédentes alertes de 2002 et 2017, le danger imminent qui n’a plus rien du fantasme, toute la stratégie du parti de la haine visant à recueillir le fruit amer de la révolte comme de son opposé la résignation face à un discours banalisé. Le ripolinage de façade de ce parti, qualifié d’emblée de « dédiabolisation », avec le concours bienveillant et intéressé non seulement du gouvernement, mais également des oligarques de la presse est en passe de produire l’effet escompté. Rien n’aura été épargné pour briser le « plafond de verre » et amplifier l’audience du F.N. rebaptisé. À commencer par l’opération Z dont l’unique but a consisté tout à la fois à diffuser les idées fixes nauséabondes du prétendu « grand remplacement » auprès de publics non encore acquis, et à servir de paratonnerre à celle qui désormais a pu relifter son langage et se présenter sous des airs de mémère fréquentable.
Dans ce contexte plus qu’inquiétant, les communistes, artisans de la justice et de la solidarité entre tous les êtres humains sans exception saluent chaleureusement les électrices et électeurs ayant fait preuve de lucidité en convoquant les « jours heureux » avec Fabien Roussel malgré la pression inacceptable du « vote utile » au premier tour, qui a détourné nombre de ses électeurs vers Jean-Luc Mélenchon. Si ce dernier progresse, contribuant à mieux ancrer la gauche dans un programme de rupture avec les logiques capitalistes, celle-ci dans son ensemble n’atteint pas le tiers du corps électoral, et c’est à la reconstruction d’une gauche forte de ses sensibilités qu’il va falloir œuvrer ensemble pour de nouveau susciter le désir pour les échéances à venir et face aux urgences sociales et écologiques de l’heure.
Mais dans l’immédiat, chacune et chacun doit mesurer sa propre responsabilité avant que le ciel ne s’obscurcisse durablement. Les « ni-ni », « on ne m’y reprendra plus » ou « ça ne peut être pire avec l’extrême droite » risquent fort de n’apparaître que pour d’impuissantes justifications permettant seulement de se soustraire à la tâche impérieuse du moment : utiliser massivement le seul bulletin à disposition pour barrer la route à la candidate de l’intolérance et de la guerre identitaire. Cela ne vaudra en aucun cas approbation de la politique antisociale et antidémocratique du quinquennat sortant et ne saurait disqualifier les luttes nécessaires à venir pour la défense et la conquête des droits !
François Bryant, Section PCF de Saint-Affrique
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