[dropcap]A[/dropcap]ujourd’hui, nous prenons la direction de Creissels et nous dirigerons nos pas vers Issis à la découverte d’une cave fromagère. À la sortie de ce modeste hameau, il faut monter jusqu’au petit plateau du Puéchas, petite butte-témoin du Larzac, située au niveau du tablier du viaduc de Millau.
Arrivé dans un grand champ, où l’on a une magnifique vue sur le viaduc, un petit chemin ouvert dans les buis avec mur de soutènement permet de descendre en corniche sur 40 mètres jusqu’à l’entrée de la cave dans les falaises bajociennes du Larzac.
En fait, il y a deux entrées. Maurice Labbé et Jean-Pierre Serres, dans leur ouvrage sur « l’épopée des Caves Bâtardes » (1999) nous en font la description : « L’entrée (principale), de 6,20 mètres de large, est barrée par un mur dans lequel une porte de 2 mètres conduit dans une salle de 13 mètres sur 7,50 avec une hauteur maximum de 4 mètres.
Dans le fond, un grand mur de 10 mètres de long avec une porte de 0,85 mètre de large ferme une seconde salle très humide et boueuse de 8,50 mètres de long, se continuant sur la droite par une galerie en forme de diaclase de 14 mètres de long débouchant dans la falaise en amont de la première entrée. Cette diaclase est également fermée par un mur et une porte aux montants soigneusement taillés. Cette cave est donc bien équipée, avec salle humide et ventilation naturelle ».
L’aération est une condition sine qua non au développement du Penicillium Roquefortis, pour obtenir le fromage de type « bleu » et les caves bâtardes doivent être ventilées comme le sont celles de Roquefort. Louis Balsan citait l’exemple de l’aven de la Resse sur le Larzac ; entre 1890 et 1910, on avait souhaité le transformer en cave, mais on dut finalement l’abandonner faute de ventilation. Celle d’Issis bénéficie d’une ventilation naturelle, parce qu’elle possède plusieurs orifices.
Une fois la ventilation établie, encore fallait-il la contrôler, il ne faudrait pas que les fleurines aspirent en hiver de l’air trop froid, ni que le courant d’air s’inverse en été. C’est pourquoi cette cave comme bon nombre d’autres était équipée de portes.
Georges Penaroya la décrivait comme suit : « C’est une grotte dont les deux salles furent aménagées en cave à fromage, une de ces salles a un accès extérieur, par un couloir artificiel, une désobstruction qui sert (ou servait) de conduit d’aération. Endroit parfaitement sec, c’est autant un abri-bergerie qu’une ancienne cave ». (Les caves naturelles à fromage de brebis, 1992).
On n’en trouve pas mention dans les archives, il semble que ce ne fut qu’une cave servant à affiner les fromages de fin de campagne.
Se trouvant dans le périmètre de l’implantation du Viaduc de Millau, il était à craindre qu’elle soit sacrifiée dans un paysage nouvellement crée, mais la grotte-cave d’Issis est toujours là, dans un cadre magnifique, et point d’orgue de la balade, il convient de contempler du plateau du Puechas, le vaste panorama qui s’offre à nos yeux sur le bassin millavois, le plateau de France, le site troglodyte de Peyre, et à l’horizon les hauteurs mamelonnées du Lévézou.
Marc Parguel