Potensac est un hameau situé à 7 km de Millau. Pour s’y rendre, il faut emprunter la D809 direction Montpellier, puis peu après le sommet de la côte de la Cavalerie, tourner à gauche sur la route qui mène aux fermes du Larzac Nord-Est. Le hameau s’y trouve sur la gauche, tout près d’une belle buissière.
D’où lui vient son nom ? Pour certains il viendrait de sa situation, lieu du puits, à un point d’eau intarissable, déjà fréquenté à l’époque gallo-romaine , pour d’autres de Potens : puissant et ac qui indique l’origine gallo-romaine des domaines ruraux dans le Midi de la France, mais comme le souligne Robert Pirault : « On a vu l’origine de ce nom assez controversé puisque certains ont voulu y voir le lieu de la potence. Mais potence s’écrit avec un c et on voit très bien le départ de l’eau (aqua) qui autrefois devait partir de cet endroit » (Saint-Martin du Larzac et ses environs, 1980).
A l’entrée du hameau sur la droite, on remarquera une belle allée de buis (buissière), comme on en trouve en de nombreux endroits sur cette partie du plateau, certaines ayant même donné leurs noms aux fermes voisines (Boissans, la Bouissière). En effet, le buis est un élément permanent du paysage du Causse. Pour que cette haie de buis formant une voute puisse prendre forme, il a fallu beaucoup de temps, au point qu’au XIXe siècle, l’arrachage du buis en était interdit et la coupe sévèrement réglementée, car il faut trois siècles pour qu’il prenne cet aspect. Autrefois, on les taillait tout de même comme nous le rappelle R. Pirault : « On faisait bien moins de paille que de nos jours, on coupait ce buis en courtes brindilles souvent en veillée, et il servait de litière qui durait fort longtemps ».
En 2012, cette magnifique allée de buis manqua d’être massacrée par le passage d’une épareuse provenant d’une entreprise réalisant des travaux d’élagage pour le compte d’ERDF. La mairie de Millau demanda réparation et l’entreprise responsable a convenu d’entretenir la partie dévastée de la buissière afin qu’elle repousse dans les meilleures conditions, ce qui lui prendra plusieurs décennies.
Car cette voûte végétale est très ancienne et l’une des plus longues encore visibles. On y est bien dessous en été. Elle permettait aux hommes et aux troupeaux de s’abriter du soleil, du vent, de la pluie, ou des congères en hiver. Du fait que les deux haies se rejoignaient par le haut, elles protégeaient aussi les animaux de basse-cour contre les rapaces (les moissèts). Les buissières étaient, toujours situés à proximité d’une ferme ou d’un hameau servant comme un vestibule, un axe de dégagement. Elles contournaient les secteurs cultivés et se superposaient souvent aux courbes de niveau. Elles donnaient accès au bois voisin et pouvaient réunir deux hameaux ou villages, sur des kilomètres. Elles servaient donc aussi bien pour protéger du soleil et de l’œil perçant des rapaces que comme barrière efficace contre le vent et la neige.
Ce hameau, occupé par des constructions modernes, est un peu caché, mais a de belles maisons, ces dernières où logeaient autrefois les journaliers et bergers.
Au XIIe siècle, c’est le centre d’un domaine agricole, propriété des moines bénédictins de Millau. Les bénédictins ayant l’habitude de concéder l’exploitation de leurs terres à des laïcs, Potensac est vite devenu un hameau.
Voici ce qu’écrivait Jules Artières à son sujet dans son ouvrage « Millau à travers les Siècles » paru en 1943 : « Ce domaine relevait anciennement, en partie, du prieuré de Millau ; le Cartulaire de Courtines nous apprend qu’en l’année 1300 Meyrueis de Sénaret, prieur, donna « à nouvel acapte » la 24e partie du mas de Potensac à X, de Ranquesouques, sous la redevance de 40 sols tournois, le quart des blés, ainsi que le quart du vin, le cas échéant, « se vis s’y fasia dedins lo cami de Nant » ; cet acte donne les confronts de ce domaine ainsi qu’il suit : « si confronta e te del mas del Forn ab Coverselada e va tro en aquo d’en Brenguier Mir, donzel, de Creyssels, daùs la Blaquieyra, et d’altra part d’aquo de l’hospital-mage de Milhau…e te al cami romieu ».
En 1304 , Marguerite, veuve de Jean Belvelh, vend à Guiral Belvelh la moitié du mas de Potensac (Archives de l’Hôpital). Le domaine de Potensac a successivement appartenu en tout ou partie aux familles Coste et Davènes (1528), Thèrondel, orfèvre, et Pégurier (1594), E.Pelet (1691), David Benoit, sieur del Seveyret (1697), A.Creissel et Fr. Molenier, maître écrivain (1710), enfin L.Artières, A. Refregier, Genieys et M.Jean de Brunel, avocat, sieur del Fraysse (1753). En 1614, les consuls de Millau font payer 10 livres à David Glèye, de Potensac, pour extraction du charbon destiné au four à chaux construit à Millau, au quartier des Carmes.»
On peut voir aussi deux puits et une citerne toujours en activité. Au compois de 1488, concernant le hameau, il est mentionné dans le relevé des biens un Peyre Gleya, propriétaire de deux puits, au prat Claus et le pous Soteyra (le puits en dessous ou inférieur)
On peut aller voir la petite chapelle récente construite en 1964 par les Petits Frères des pauvres. Elle n’a que peu servi. Elle est de belle facture. Derrière l’autel par une grande baie vitrée, elle domine toute la vallée jusqu’aux confins du Causse Noir, mais là encore, la vue fut longtemps gâchée par le « roubelier » comme disent les Millavois oubliant son vrai nom « le Riu Berlier » autrefois plein de muguet.
Au voisinage, carrières de lauzes, dalles de calcaire dur utilisées pour couvrir les toits sur tout le Larzac (on les voit de la route). La vallée était exploitée pour le lignite (comme aux Liquisses sur la commune de Nant) ce qui explique les ruines existantes encore sous Potensac dans le ravin au nord de la vallée. On y accède par le hameau, en contrebas de la chapelle.
Le lignite a été exploité au XIXe siècle et rouverte en 1940-1945 du fait de la pénurie.
Potensac fut le siège du journal mensuel « Gardarem lo Larzac », publié dès 1975 par les paysans du Larzac et qui comptait en 1979, 4000 abonnés. Actuellement s’y tient chaque été « le Mercadou » où se retrouvent le temps d’une soirée estivants et locaux dans un petit pré, pour déguster les spécialités du coin préparées par les producteurs du causse, un marché familial où l’on trouve aussi bien de la viande de porc ou d’agneau, du fromage ou encore des bières artisanales.
Marc Parguel