Ce lundi 22 août, c’est à un horaire inhabituel, 9h, que s’est déroulée la cérémonie de la commémoration de la Libération de Millau. En présence notamment du sous-préfet de Millau, André Joachim, du député de de la 3e circonscription de l’Aveyron, Jean-François Rousset, du président de Conseil départemental, Arnaud Viala et de la maire de Millau, Emmanuelle Gazel, qui représentait aussi le Conseil régional, Michel Durand, premier adjoint délégué aux anciens combattants, a rappelé les circonstance afin « d’honorer les combattants morts pour notre liberté ».
« Nombreuses sont les villes de notre pays qui ne commémorent plus leur libération de 1944. Chez nous cette commémoration tout comme le fleurissement des plaques et stèles de la Résistance et de la Déportation auquel nous avons procédé samedi, est un choix assumé et une tradition. Un choix pleinement assumé encore aujourd’hui malgré des contraintes horaires. Un choix assumé de tout faire pour ne jamais oublier. Cette libération, ce 22 août 1944, sonnait la fin de l’occupation de Millau. Comment pourrions-nous l’oublier ? Comment oublier les souffrances endurées par la population ? Comment oublier les privations de liberté, la misère sociale de ces années ? Comment oublier le sacrifice de tous les résistants de notre territoire ? Comment oublier les mesures discriminatoires envers nos compatriotes juifs et leur déportation dans les camps de la mort ?
Le mois dernier l’Etat Français commémorait la rafle du Vel d’Hiv. Voici 80 ans, les 16 et 17 juillet 1942, plus de 13000 hommes, femmes, enfants étaient arrêtés parce qu’ils étaient Juifs ! Parqués dans des conditions inhumaines, entassés dans des trains, déportés et assassinés dans les chambres à gaz. Nous devons aussi nous souvenir que l’Aveyron et Millau n’ont pas échappé aux persécutions des juifs français et étrangers réfugiés sur leur territoire.
Entre 1942 et 1944, trois rafles ont eu lieu en Aveyron. Le 26 août 1942, 185 juifs ont été déportés, uniquement des femmes et des enfants. Les 8 et 9 janvier 1943, ce sont 150 juifs, des hommes, des femmes et des enfants qui ont été arrêtés.
Sur les 900 Juifs recensés dans le département et dont un tiers séjournaient à Millau, ce sont près de 600 hommes et femmes et 90 enfants qui furent arrêtés. 370 adultes et 51 enfants iront dans les camps de la mort. 11 seulement en reviendront.
La rafle du 26 août 1942, il y aura 80 ans vendredi prochain. survenue six semaines après la rafle du Vel-d’Hiv est une vaste rafle organisée en « zone libre », à l’initiative des autorités de Vichy après négociation avec les Allemands.
A Millau ce jour-là, entre 5 heures et 7 heures du matin, 66 juifs dont 9 enfants, sont arrêtés et dirigés vers le camp d’internement de Rivesaltes dans les Pyrénées Orientales pour être ensuite transférés à Drancy le 9 septembre. De là, le 11 septembre, ils furent entassés dans des wagons plombés parmi mille autres personnes et formèrent le convoi 31, en direction du camp d’extermination d’Auschwitz. Ils y arrivèrent, épuisés le 13 septembre 1942 avec, au bout du rail, un aller simple pour les chambres à gaz.
A cette ignoble répression, répondra la solidarité et le courage d’Aveyronnais et de Millavois, guère nombreux au départ, qui, chacun avec leurs moyens, protégèrent, cachèrent chez eux, dans des écoles, dans des collèges, des institutions catholiques, sous des noms d’emprunts durant toute la guerre, des dizaines de jeunes juifs. 46 de ces « résistants sans armes » Aveyronnais seront reconnus et honorés au titre des Justes parmi les Nations.
Qu’il me soit permis à cette occasion, d’inciter nos concitoyens et plus particulièrement les jeunes générations, à prendre le temps de s’arrêter et de méditer face à la plaque commémorative située à l’angle de boulevard de la Capelle et de la rue du Champ-du-Prieur qui rends hommage aux victimes de ce sordide épisode de notre Histoire locale.
Si dès le débarquement du 6 juin 1944, le Comité National de la Résistance avait donné le signal de la révolte, le débarquement de Provence du 15 août 1944 aura été le déclencheur de la mise en place du plan de libération de notre département, exaspérant l’impatience et rendant accessible un rêve de revanche nourri par quatre années d’humiliation. Au cœur de notre territoire, éloigné des côtes normandes comme des rivages provençaux, c’est bel et bien la Résistance intérieure qui impulsât et organisât la libération de notre ville.
En ce mardi 22 août 1944, à Paris, les combats de rues sont intenses et meurtrier. Après l’écrasement de la poche de Falaise, les Allemands qui ont perdus près de 500.000 hommes en Normandie, battent partout en retraite. Les chars britanniques entrent dans Lisieux, les Français dans Toulon. Montargis et Sens sont libérés. De Gaulle est à Rambouillet, sa dernière étape avant Paris. L’ennemi est à bout de forces et la libération de Millau s’effectuera en une matinée, les Allemands partant par la route de la Cavalerie aux alentours de 7 heures du matin alors que sur les coups de 11 h, des camions des membres du mouvement de Résistance du maquis Roland faisaient leur entrée dans la ville par l’avenue du Crès.
Pas véritablement de « bataille de Millau » donc, même si la veille les soldats avaient fait sauter des dépôts de munitions et de denrées de ravitaillement occasionnant d’importants dégâts aux immeubles voisins et opéré une rafle des moyens de locomotion, mais comment oublier Léon Azaubert lâchement abattu sur le pont Lerouge ? Comment oublier ceux qui contribuèrent par leur action et leur sacrifice à cette libération tels, et pour ne citer qu’eux, Alfred Merle, Henri Froment et ses compagnons d’infortune et tous ceux tombés, à Argols, Sainte Radegonde ou ailleurs, les jours précédents sans non plus évoquer ceux qui tomberont encore le jour même à la Pezade ? »