Le puits romain et la citerne de la ferme de Lamayou (commune de Millau, Causse du Larzac)

Marc Parguel
Marc Parguel
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Le puits romain de Lamayou (19 décembre 2016) © Marc Parguel

Sur la route de Millau à la Salvage, 500 mètres avant la ferme Lamayou, au bas d’un virage, on voit dans un état de conservation médiocre, envahi par les saules et les buissons, un puits circulaire construit en spirale avec un escalier en pierre bâti à même le mur. Pour s’y rendre, il faut prendre à droite le sentier en sous-bois, on découvre le « puits romain » en contrebas sur la gauche.

Pourquoi le qualifie t-on ainsi ? En raison de la présence de marches caractérisant les fontaines ou édifices romains. D’autres sont visibles dans le secteur : celui de Pierrefiche (commune de la Roque-Sainte-Marguerite) qui livra des poteries romaines, celui de la Fageole (commune de Cornus) découvert par hasard en 1980 par M. A. Brunel, différent ; celui-ci avait été comblé à la chaux et a un fond pavé, un escalier y descendant dans le sens des aiguilles d’une montre. André Soutou découvrit autour deux fragments d’anse d’amphore vinaire gallo-romaine. À proximité furent identifiées les ruines d’une villa romaine. Ces puits à marches permettaient au paysan ou au berger de descendre physiquement jusqu’au niveau de l’eau.

19 décembre 2016. © Marc Parguel

Le puits romain de la ferme de Lamayou est situé au nord-est de l’embranchement de l’ancien chemin de la Salvage. De forme ovale, avec pour dimension 4 m de profondeur pour 5,60 m de diamètre, les constructeurs ont creusé ce puits à marches en s’aidant du rocher en place dans la partie sud. De facture grossière, ce n’est pas le puits romain le plus représentatif de nos causses, l’escalier ayant en partie disparu. Mais l’eau est toujours là, au fond des marches, sur une couche d’argile, qui de nos jours encore assure l’étanchéité.

L’eau au fond du puits. © Marc Parguel

Un travail titanesque

Lors de leurs prospections J.Pujol et J.P.Séguret, en 1985 on pu sonder le puits jusqu’à une profondeur de 5,50 mètres. Avec ces données, S. et D. Jadot auteurs de « La sueur des hommes pour un peu d’eau » (1997) purent mesurer le travail titanesque qu’il a fallu entreprendre pour creuser ce puits : « C’est une surface ouvragée de 35 mètres carrés sur 5,50 de profondeur avec un volume excavé de 190 mètres cubes environ, ce sont donc 300 tonnes de terre de roche qu’il a fallu creuser et évacuer. Le parement intérieur représente 90 mètres carrés, soit à peu près 75 tonnes d’enrochements construits ! Aussi imagine-t-on le travail de forçat de ces bergers chargés d’outres ou de seaux en bois, descendant et remontant l’escalier pour aller déverser l’eau dans les abreuvoirs faits de troncs d’arbres ».

Illustration du puits réalisé par S. et D. Jadot.

En 1105, à 1 km de la Salvage, les moines de Loc-Dieu avaient construit des bâtiments d’exploitation agricole appelés « la maio » (la maison) qui deviendra par la suite Lamayou. Ces bâtiments furent entièrement reconstruits par les Hospitaliers à la fin du XVe siècle (J.Artières). En 1181, les Templiers de la commanderie de Sainte-Eulalie du Larzac achetèrent à l’abbaye de Gellone le domaine boisé de Lamayou-la Salvage.

D’après André Fages : « On peut logiquement supposer que les pâtres abreuvèrent les troupeaux pendant vingt-quatre ans au puits dit “romain” du carrefour des Baumes à Lamayou. Le cheptel ayant sûrement augmenté et l’eau venant à manquer, ils décidèrent de bâtir la grande citerne au bord de la route » (La quête de l’eau : du néolithique… à nos jours, lors Adralhans, 2004).

En effet, en 1205, les Templiers investirent dix livres tournois (A.Soutou) pour construire une citerne de Rajal (de ruissellement).

La citerne de Lamayou. © Marc Parguel

Sa voûte et sa margelle aux toits manquants existent encore. Cette citerne située près de la route, proche d’un enclos, à cent mètres de Lamayou, près du carrefour des deux routes (La Salvage-Pierrefiche) a une aire au sol de 28 m2 et une contenance de 70 m 3. Il alimentait six abreuvoirs massifs en pierre d’une longueur supérieure à six mètres. Cet édifice du petit patrimoine local mériterait qu’un organisme compétent œuvre à peu de frais à sa restauration.

© Marc Parguel

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