Aux limites des communes de Millau et de Verrières se dressent, à chacun de ces lieux-dits (à la Garrigue et à Vézouillac), d’étranges tours rectangulaires, trapues, reposant sur des arcades. On les appelle communément « fours à chaux », mais il s’agit en fait de fours où était grillé le minerai d’où l’on retirait le zinc. Allons voir celui de la Garrigue.
De Millau, prenons la D 911 en direction des Fialets, après un rond-point, une voie bien tracée sur la droite nous emmènera non sans quelques difficultés, vers ce four (coordonnées Google Maps : 44.161173, 3.013826)
A proximité de ce dernier, de nombreuses tranchées sont encore bien visibles comme nous le rappellerait si besoin Juliette Andrieu (1904-1998) « en bordure des Garrigues, l’on peut distinguer dans l’ocre rouge, la saignée d’une carrière d’où l’on extrait des pierres susceptibles d’être taillées. »
Depuis des temps immémoriaux, nous savons que le secteur est riche en minerai de zinc. Il ne s’agit donc pas d’un four à chaux, mais bien d’un four à calamine d’une hauteur de 4 mètres, remontant à environ 1910, d’où après grillage du minerai, on obtenait du zinc.
Faisant face, à la tour aux arcades grossières, une avancée de pierre reliée autrefois par un pont en bois (aujourd’hui disparu), permettait d’accéder au sommet de ce bâti. Ce pont facilitait la garniture de la tour-foyer par le haut.
Le Castellou
De premières recherches furent réalisées à la fin du XIXe siècle, comme le rappelle la délibération du 10 février 1887 : « Première demande de recherches dans les communaux de Saint-Germain. Autorisation accordée ». L’autorisation n’avait pas été suivie d’effet.
Dans les années qui précédèrent la guerre de 1914-1918, les voyageurs qui empruntaient la route de Rodez pouvaient remarquer au passage la silhouette du « Castellou » auréolé d’un immense arc de cercle portant en gros caractères : Mines de Saint-Germain. (cet édifice a été détruit en 1967).
C’était là, en effet que siégeait le quartier général de ces mines prometteuses qui un temps, mirent le pays en état d’effervescence. Certes la population n’avait pas été sans remarquer les allées et venues des prospecteurs aux serviettes bourrées de plans et de dossiers, qui discutaient très haut, parlaient avec autorité et prélevaient des échantillons aux fins d’analyses.
En vérité quelque chose se tramait. Des noms barbares étaient parvenus aux oreilles des mieux renseignés tels que : silice, baryte, calamine, oxyde de fer…
A la recherche de minerais
Un matin, il fallut se rendre à l’évidence. Tirés par des mulets, des convois de chariots bâchés ou à découvert, véhiculaient les matériaux les plus divers. C’étaient des planches, des échelles, des cordages, des outils…beaucoup de sacs. Ils firent, à grand fracas, leur entrée dans le village et prirent le chemin de Barbade qui mène droit aux Garrigues.
Peu après suivirent des équipes de mineurs qu’on voyait défiler matin et soir la besace en bandoulière et le pic à l’épaule. Bientôt des baraquements en planches s’édifièrent dans la Garrigue et sur la Cau. Pour forer les puits, pour ouvrir des tranchées, des galeries, on fit parler la poudre.
Celle-ci fut stockée à Combe-Fialaise, dans une poudrière scellée. Tous les jours, désormais, le bruit des déflagrations se mêlant au martèlement des pics se répercutait dans les ravins. La Garrigue entaillée dans son ocre rouge semblait saigner de toutes parts.
Mais les résultats étaient bien moindres que ceux espérés.
Une deuxième demande de recherches de minerais dans les communaux de Saint-Germain avait été formulée le 27 février 1911, « par M. Dantin, ingénieur qui abandonna les recherches après quelques mois d’exploitation.
Le 21 août 1913 : M. Dulyon de Rochefort sollicite à nouveau l’autorisation de faire des recherches dans les communaux de Saint-Germain. Après l’échange d’observations et avis du Préfet, vu la loi du 21 avril 1820 modifiée par celle du 21 juillet 1880, le conseil municipal donne avis favorable à M. Dulyon de Rochefort domicilié à Millau, avenue de la Gare, sous la double condition de verser à la caisse communale, une redevance de 10 centimes par hectare et la remise des lieux en leur état primitif lorsque les recherches seront terminées. »
Comme le rappelait Juliette Andrieu : « Au village, les masures les plus minables trouvèrent preneur. Les écoles durent faire face à des effectifs plus nombreux et plus disparates. Les auberges de l’endroit aménagèrent des dortoirs en toute hâte. Et l’on connut alors les bals du samedi soir et les rixes après boire où brillèrent parfois les éclairs d’une lame. La paix du village s’en était allée. Et qu’avait-on trouvé en compensation ? Un peu de fer, un peu de zinc et des traces d’or si infimes qu’on ne les distinguait qu’à la loupe alors qu’on s’attendait à des pépites ou tout au moins à quelques paillettes. Pour un tel résultat, n’avait-on pas durant des mois et des mois arraché, pelleté à la force du poignet, des tonnes et des tonnes de terre, de racines, de rocaille…coltiné des sacs et des sacs marqués aux initiales de Saint-Germain et véhiculés jusqu’à de mystérieux laboratoires !
Le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Au mois d’août, au cœur de l’été, la guerre vint. La poudre et les pics s’étant tus, on fut étonné de tant de silence. Les chantiers désertés appelèrent le pillage et les puits restés béants furent autant de chausse-trapes pour les bêtes comme pour les gens.
Bientôt, en haut lieu, on s’aperçut de la disparition de quelques broutilles. Le soupçon s’installait, la délation peut-être… Une plainte fut déposée contre X et les gens du village connurent les perquisitions et les marches du Tribunal. A leur tour, ils ripostèrent en exigeant des réparations pour les dommages subis pour leurs pâtures et leurs troupeaux. Ceux-ci, en effet, avaient déjà été amputés de maintes et maintes agnelles, qui avaient trouvé la mort en se rompant les membres au fond des puits (ces dommages ne devaient jamais être payés).
Ainsi se termina cette aventure qui, un moment, mit en péril non seulement l’âme du village, mais aussi la vertu de ses filles et la réputation d’honnêteté de ses habitants. » (L’Echo du Pic d’Andan n°19, 3e trimestre 1988)
Vestige architectural du début de l’ère industrielle, notre four à calamine de la Garrigue est encore en bon état de conservation, tout comme son jumeau à Vézouillac. Tous deux mériteraient une mise en valeur par une explication adéquate de leur fonction.
Marc PARGUEL