Comme l’écrivit le fils du Général, l’Amiral Philippe de Gaulle, il est vrai que le Chef de la France Libre n’a été prévenu que bien tard de l’opération des Alliés sur les plages de Normandie.
Peu de jours à la suite, le Général arrive sur une embarcation amphibie à peu de distance des plages célèbres, à Juno Beach, à la limite des communes de Courseulles sur Mer et Graye sur Mer et met le pied sur le sol de notre pays.
Deux erreurs sont souvent commises dans la relation de cet événement.
La première est d’écrire qu’il remet les pieds sur le sol français pour la première fois, après l’avoir quitté, à la demande de Paul Reynaud, président du Conseil en 1940. Or, le Général est venu en Corse en 1943 pour soutenir la Résistance de ce département. Que nous sachions, la Corse était un département de la République française et le demeure !
La deuxième erreur est de dire, comme cela est fréquent, qu’il rétablit la République. En effet, pour de Gaulle, la République n’avait jamais cessé d’exister ; elle était à Londres, avec lui, et il l’avait rendue à la France, débarrassée de la collaboration avec l’ennemi.
Revenons à la plage de Courseulles sur Mer où de Gaulle grimpe dans une jeep. Le chauffeur, un militaire britannique, lui dit : « Je vous fais faire le tour de la plage ! ». Et le Général répond : « Non, nous allons à la plus proche sous-préfecture, symbole de l’État, à Bayeux ». Le militaire britannique refuse, prétextant les ordres qu’il a reçus.
Et le Général l’interrompt et lui dit : « Ici nous sommes en France et c’est moi qui donne les ordres ! ». Cette phrase exprime parfaitement la pensée constante du Général : l’indépendance nationale.
La jeep prend la direction de Bayeux, à quelques minutes de là.
Personne n’est prévenu. La voiture file vers la sous-préfecture, s’arrête au pied de l’escalier d’honneur. Le sous-préfet, nommé quelques mois plus tôt par le Gouvernement de Vichy, entendant un certain brouhaha, dévale le grand escalier, reconnaît le Général et l’invite à venir dans son bureau.
À la hâte, le portrait du Maréchal Pétain est décroché, la conversation entre les deux hommes porte sur la situation des populations civiles et de Gaulle demande que tous les efforts soient faits en matière de ravitaillement et de soins.
Le temps de cet échange, le sous-préfet, reconnaissant immédiatement l’autorité du Général et exécutant ses ordres, la rumeur se répand dans la ville… on a reconnu de Gaulle, or la télévision n’existait pas, et aucune affiche ni aucune photo de presse ne l’avaient reproduit.
Malgré ce, une foule compacte inonde en quelques minutes les rues et les places.
Devant cet élan populaire, les observateurs, surtout Américains, constatent qu’il sera vain de « fabriquer » un autre de Gaulle, comme ils avaient tenté de le faire avec le Général Giraud, de débarquer en France en distribuant des caisses entières de billets de banque liés au dollar, frappés d’une étoile, et de remplacer les hauts fonctionnaires français, dont les préfets, par des Américains formés à la connaissance de l’Administration française.
Ainsi, ce jour-là, l’accueil de Bayeux a montré au monde entier la légitimité du Général de Gaulle à incarner la République.
Jacques GODFRAIN
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