Si ceux qui ont fait le choix de vivre en ville (les plus nombreux) ne se sont pas sentis concernés par les nouvelles obligations applicables au 1er juin d’avoir son domicile flanqué d’un numéro bien visible, lequel doit être accompagné d’un nom de rue, d’impasse, de voie, il n’en est pas de même pour ceux qui ont fait le choix de vivre à la campagne.
En effet, toutes les communes doivent impérativement avoir à cette date, donné des noms à leurs rues, ruelles et autres voies pouvant desservir des bâtiments.
Il est vrai que beaucoup comme moi, ont connu l’époque ou le facteur qui n’était pas encore « le Préposé » savait trouver le destinataire du courrier qu’il transportait, il fut un temps dans une boite en bois, même si le numéro ne figurait pas sur l’enveloppe ou le paquet. J’ai le souvenir d’avoir vu mon père recevoir des lettres sur l’enveloppe desquelles figuraient son nom, sa profession et Millau pour le nom de la ville. Rien de plus et le courrier était distribué en l’état à son destinataire.
Pour l’anecdote je me souviens aussi qu’à cette époque la Confédération de Roquefort dont les bureaux étaient dans un immeuble de l’avenue Gambetta avait créé un service de désinfection des bergeries qui avait pour effet de blanchir également les locaux qui en bénéficiaient. Régulièrement les éleveurs qui avaient besoin d’une intervention, alors que le téléphone était rare, écrivaient en simplifiant souvent l’intitulé du service qui pouvait se résumer à : « Le Blanchissage Millau » ou autre appellation du même genre. Et le courrier arrivait avenue Gambetta !
Cette nouvelle pratique de la généralisation des noms des voies ou des rues apparait paradoxale dans la mesure où les nouvelles générations ont, semble-t-il, banni l’usage de ces noms célèbres ou historiques de leur pratique quotidienne au profit d’un repérage des lieux par la désignation d’une boutique ou d’un endroit qui retient ou attire leur pratique. Et puis pourquoi savoir qui est Alfred Merle, Sadi Carnot ou Emma Calvé puisque le smartphone nous indiquera comment nous y rendre.
S’il est vrai que cette obligation nouvelle ne change pas grand-chose dans les communes d’une certaine importance en population, elle a nécessité pour les communes rurales de dénommer toutes les voies, de numéroter tous les bâtiments et d’accompagner ces choix de la pose de plaques et de numéros. J’ai pu il y a quelques jours constater que cette obligation avait des conséquences qui m’ont surpris.
En effet, dans un hameau où je prenais plaisir à découvrir une église fortifiée, comme il en existe quelques-unes en Aveyron, cet édifice avait lui aussi reçu son numéro ! Et pourtant les voies du Seigneur ne sont-elles pas impénétrables !
Enfin pour couronner le tout un habitant du lieu m’a précisé que le cimetière avait, lui aussi, reçu un numéro. Après tout, pourquoi pas, si on pense à tous les vœux, les promesses et les engagements des hommes politiques qui sont restés « lettres mortes » il fallait bien pouvoir leur trouver, sans se tromper, une destination !
Me Jean-Louis ESPERCE
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