Millau. L’hôpital commun ou « le grand flou artistique »

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Le 14 juin dernier, une délégation* était reçue par le directeur général de l’ARS avec le directeur départemental et ceux des hôpitaux de Millau et Saint-Affrique pour aborder le projet du futur hôpital commun. A l’issue de ce rendez-vous, un collectif de praticiens, de syndicalistes et de représentants des usagers a souhaité convier la presse pour un « point de situation » sur le site de Vergonhac, lieu d’implantation du futur Hôpital.

L’heure et l’endroit ne sont pas anodins, mais volontairement choisis pour faire échos à une réunion organisée par les maires de Millau et Saint-Affrique qui avaient convié ceux de leur secteur à venir s’informer sur le projet de l’hôpital. Les organisateurs auraient invoqué « le devoir de réserve en période de campagne électorale, et annulé le rendez-vous ». « On s’est dit, nous on veut la maintenir la réunion, déclare Henri Célié, représentant des usagers le débat, c’est plutôt pendant les campagnes électorales qu’on doit l’avoir ? »

Le grand flou

« Plus on demande de précisions et plus c’est flou, déclare Corine Mora en préambule. Le seul engagement qui a été pris à demi-mot, c’est d’accepter notre présence au sein du COPIL » se félicite tout de même la représentante syndicale qui avec l’ensemble du groupe dénoncent toutefois un « fonctionnement occulte ». « Le COPIL n’est pas une instance démocratique où les différentes parties peuvent s’exprimer. La légitimité, et même la légalité de cette instance sont discutables, il n’accepte pas la présence des représentants du personnel et des usagers et verrouille désormais les informations diffusées ».

Un projet « profondément modifié »

Pendant la réunion, le collectif a souhaité obtenir des réponses et des précisions sur de nombreux questionnements, mais force est de constater que le rendez-vous fut plutôt infructueux, notamment concernant la deuxième phase du projet de l’hôpital commun qui ne serait « même plus à l’ordre du jour à cause de l’inflation et du manque de financement ». Le projet du maintien de deux pôles de proximité à Millau et Saint-Affrique et d’un hôpital moderne à Vergonhac semble s’éloigner et les inquiétudes du collectif grandissent. Tous dénoncent « un projet de départ profondément modifié ».

« La décision de reporter en “phase 2” sans date ni budget la rénovation des hôpitaux actuels, n’est pas acceptable, elle contredit les engagements pris sur le maintien des services et sur le Projet Médical du sud Aveyron alors retenu ». Selon eux, « tout l’argent est consacré au nouveau bâtiment qui serait construit en deux parties, un en dur et l’autre structure métallique moins chère à construire, mettant à l’écart la pharmacie, la biologie et les cuisines. Les projets retenus doivent mettre tous les services en lien direct avec les patients dans le même bâtiment en dur. Ces services ne doivent pas se trouver écartés à cause des sous-estimations des coûts immobiliers. Le critère premier doit être la qualité des soins », » martèle le représentant des usagers en précisant que « l’administration sera confortablement installée dans le bâtiment en dur ».

La zone d’implantation du futur hôpital à Vergonhac.

« La seule chose dont on soit certains, c’est qu’ils veulent réduire les coûts, en attendant on ne sait pas comment les gens vont se faire soigner, toutes les décisions sont prises par des technocrates de passage dans la région, des décisions qui vont lourdement impacter notre avenir, eux ils vont partir, ils auront fait leur job et ils iront tout casser ailleurs ? » s’interroge Lucie Carrère, représentante syndicale Sud Santé.

Une offre de soins « dégradée »

Le collectif déplore que de nombreuses questions n’aient pas été abordées dans les discussions et ne soient pas à l’ordre du jour : « plan des transports pour les usagers, transports sanitaires, temps d’accès, stationnement, gardes des soignants, temps de prise en charge, attractivité pour les médecins, psychiatrie écartée… » Pour eux, l’offre de soins s’en trouverait profondément dégradée, et ce dès aujourd’hui.

« Le problème qui s’est posé dès 2022, c’est qu’on n’a pas été consulté concernant le fonctionnement de la maternité. Aujourd’hui on s’en rend d’autant plus compte que du fait de l’éloignement, on ne remplit pas les critères de sécurité pour les astreintes les équipes de garde 24/24h doivent intervenir en moins de 15 minutes. On a beau chronométrer, on n’est pas dans les critères de sécurité, précise Alain Cardinal, médecin pédiatre.

au problème soulevé, l’ARS aurait proposé aux soignants de « prendre des gardes sur place, et que les règles pouvaient être modifiées ». « Ce serait unique en France ! », lance le médecin pédiatre, mais surtout une « aberration » pour les soignants qui regrettent : « ce serait à nous soignants de porter toute la responsabilité en cas de problème, c’est impensable ! »

« Le projet de l’hôpital commun, c’est un document de 135 pages rédigées par un comité de conseil qui n’a aucune expertise en termes de santé publique et sur lequel les décideurs prétendent s’appuyer, et qui coûterait 1,2 million d’euros » se désole le pédiatre.

« Le mépris dans lequel est traitée la santé des habitants contribue à la crise démocratique actuelle et au discrédit de décideurs obstinés dans leurs certitudes financières, le sujet demande une rediscutions importante » conclue Henri Célié.

La psychiatrie hors projet

Le nouveau Projet Médical du Sud-Aveyron aurait « écarté la psychiatrie », impensable pour le docteur Jean Dominique Gonzalès, mais surtout « évocateur de ce qui est en train de se mettre en place » : « la psychiatrie nécessite de la proximité, la plupart de nos patients n’ont souvent pas de moyen de locomotion. L’idée de rapatrier la psychiatrie à Rodez, ce serait les mettre à 70 km, c’est-à-dire revenir 40 ans en arrière », s’agace le médecin, soulignant « l’importance de la proximité dans une région qui se paupérise », et « l’importance de demander à la population ce qu’elle attend d’un hôpital ».

Loin de la réalité

Malgré ce qui se dit çà et là, le projet d’hôpital commun semble bien être sur les rails puisque des études sont lancées, mais tel que défini à cet instant, il ne satisfait pas le collectif qui parle d’un hôpital « éloigné des patients, des visiteurs, mais surtout éloigné de toute réalité médicale et humaine ».

*La délégation des Personnels de Millau et de Saint-Affrique : (CGT, SUD et CFDT (Mora, Carrère et Franitch) des médecins les docteurs Denoyes (labo) et Cardinal (pédiatrie) des usagers M Célié (Le Manifeste).

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