À l’issue du conseil municipal du 23 juin dernier, l’équipe de « Millau en action » souhaitait réagir par voie de presse « sur un certain nombre de points ». Bousculée par le calendrier politique national, la rencontre a finalement eu lieu lundi 22 juillet en fin de journée. Christophe Saint-Pierre et les intervenants n’ont pas épargné Emmanuelle Gazel, la maire de Millau en critiquant vivement sa politique municipale.
« Emmanuelle Gazel a une capacité à avoir recours à une certaine dose de malhonnêteté intellectuelle et à une mauvaise foi qui me dérange de plus en plus, ce n’est pas serein pour le débat démocratique », déclarait d’emblée Christophe Saint-Pierre. Pour illustrer ses propos, il rappelait l’échange sur le commerce au cours duquel Emmanuelle Gazel annonçait « le commerce à Millau se porte bien, il y a un recul de la vacance commerciale de 19 à 15 % ».
« C’est de la communication qui vise à faire oublier la réalité sans avancer d’arguments concrets, sans donner des chiffres qui s’appuient sur deux études sérieuses qui concernent le même périmètre » attaquait l’ancien maire. Point par point, il s’appliquait à démonter le constat de la maire, citant ses sources et le travail réalisé ces dernières années, expliquant que « les chiffres avancés par Emmanuelle Gazel ne reflétaient pas la réalité ».
Christophe Saint-Pierre détaille avoir eu comme unique source en début de mandat, « une étude de la CCI faisant apparaître une vacance commerciale de 20 % ». Il raconte avoir ensuite « travaillé pour définir un périmètre de comptage, le même que Charlie Medeiros avait pris comme référence l’an dernier » rappelle-t-il. Il concernerait 376 cellules commerciales de l’hyper et du centre-ville (hors centre commercial de la Capelle). « En 2018, il y avait 19 % de cellules vacantes. Début juin 2020, nous avions 71 cellules vacantes. Je suis retourné sur ce même périmètre ce matin pointer les cellules inoccupées. Aujourd’hui, vous avez 75 cellules vacantes et peut-être même un peu plus, soit près de 20 % de cellules vacantes. Il n’y a donc pas d’amélioration, on est loin des 15 % annoncés par madame la maire lors du dernier conseil municipal ! » lance-t-il, rappelant que le même exercice avait été réalisé par l’un de nos confrères il y a un an, sur un périmètre plus restreint de l’hyper centre-ville. « Là encore, en juin 2020, il y avait 37 cellules vacantes, soit à peine 15 %. En février 2023, plus de 20 %. ce matin, 44, soit plus de 17 %. Quand on se rapproche de l’hyper centre, on s’aperçoit que la vacance progresse » constate Christophe Saint-Pierre. « Quand Emmanuelle Gazel annonce être passée de 20 à 15 %, ce n’est pas honnête, elle veut donner l’impression que tout va bien dans le commerce millavois. C’est tout simplement pour faire oublier les deux années de maltraitance qu’elle a opérées vis-à-vis du commerce du centre-ville et on le voit. Les chiffres sont là. Les commerces ferment en centre-ville. Il ne faut pas aller très loin pour le voir » conclut-il en citant parmi d’autres, les fermetures récentes du quartier de la Tine, la pharmacie, le bar PMU, et le Casino.
La résidence senior
Deuxième point d’exaspération « pour illustrer la mauvaise foi de la maire », le sujet de la résidence services senior de l’Ayrolle. « Je ne rentrerai pas sur la partie de conflit avec le conseil départemental, mais je ne peux pas laisser dire que c’était encore un projet mal ficelé de la part de Saint-Pierre. Nous avons longuement et avec transparence présenté ce dossier en conseil municipal avec Alain Nayrac. Nous avons signé un compromis de vente, par la suite il y a eu une évolution du projet. Je ne m’estime pas responsable de la suite et de l’évolution du projet. Comme je ne considérerai pas madame la maire responsable de l’évolution du projet, que ce soit chez Mercier ou que ce soit pour l’hôtel Sambucy de Miers. Elle ne peut pas me faire ce procès. Là encore, c’est de la mauvaise fois. Toutefois, notre projet correspondait à une véritable réflexion globale, répondait à la mixité sociale exigée par le PLUI et à une demande des habitants des quartiers hauts de Millau qui souhaitent vieillir en centre-ville. Aujourd’hui quand je vois la réponse d’Emmanuel Gazel sur le devenir de cet endroit, je ne suis pas rassuré du tout parce que je n’ai pas le sentiment qu’elle a porté une réflexion approfondie. J’ai un peu l’impression qu’elle attend que quelqu’un se présente, mais qu’il n’y a pas de démarche offensive et prospective de la part de la commune et de la part de la maire » déplore Christophe Saint-Pierre avant de poursuivre : « avec le projet des Sablons, on avait encore une ambition en matière d’habitat, comme avec la résidence services senior. Aujourd’hui, le projet des Sablons en passe d’être terminé est amputé de presque la moitié sous prétexte qu’il était trop ambitieux et trop coûteux, pourtant, nous avions été chercher des fonds. Il ne permet plus la construction de bâtiment neuf avec stationnement, aménagement pour personnes à mobilité réduite, pour l’accueil de personnes qui voulaient rejoindre le centre-ville. Encore une fois, on a le sentiment qu’Emmanuel Gazel au bout de 4 ans de mandat n’a absolument aucun projet, aucun schéma directeur, aucune vision, aucune perspective de l’aménagement de la ville. Elle fait au coup par coup, au petit bonheur la chance ! Ça ne peut pas tirer la ville vers le haut. Il y a du commerce et le commerce fonctionne quand il y a du passage et quand il y a du chaland. Si on ne fait rien pour emmener des chalands on n’emmène pas l’acte commercial » affirme-t-il.
« De la communication à tout va »
« En ce moment, elle fait de la communication à tout va et j’ai un peu l’impression qu’on n’est plus trop à Millau, mais à Rome pendant la période antique. Millau, c’est des spectacles et des jeux, » lance Christophe Saint-Pierre expliquant qu’il défend et soutient les trois événements majeurs de cette année, la flamme, les 20 ans du viaduc, et les 30 ans des Templiers. « Millau – Paris 2024, je pense que j’y suis quand même pour quelque chose, mais aujourd’hui, on a la flamme sans le retour de la flamme. Dans la Rome Antique quand on faisait ça, c’était pour faire oublier au peuple que l’Empire était en difficulté. Emmanuelle Gazel fait de la communication, de l’événementiel. Il faut faire oublier qu’il ne se passe rien à Millau et que Millau est en train de péricliter ».
La démocratie participative
Après avoir exprimé sans détour ses inquiétudes, Christophe Saint-Pierre a laissé Théo Costes aborder le sujet de la démocratie participative.
« On a commencé avec la votation citoyenne alors que les Millavois avaient voté pour le programme de la majorité juste un an avant. Ensuite, avec la réouverture de la Capelle aux voitures alors qu’il suffisait d’aller dans la rue pour comprendre que tout le monde voulait que la Capelle soit rouverte aux voitures et dernièrement c’est pour un budget participatif de 250 000 euros et l’emplacement d’un City stade » a listé le jeune membre de l’association. S’il est favorable au fait d’associer la population aux décisions municipales, il regrette qu’elle ne « touche qu’une infime partie de la population, à peine 19 % des votants sans représenter la majorité ».
« Comment ne pas voir que la démocratie participative est aujourd’hui à Millau juste là pour masquer un manque d’ambition et d’action pour notre ville. Ces consultations sont un leurre démocratique, les questions posées orientent souvent les résultats dans le sens que la majorité souhaite. Pour la réouverture de la Capelle, aucune question ne concernait la réouverture du boulevard de Bonald alors qu’il faisait partie intégrante du projet de la piétonnisation et que nombre de Millavois étaient pour la réouverture de ce boulevard. Donc on a ici avec cette votation un véritable outil politique pour faire croire à une écoute de la population alors que les commerçants ont été négligés des mois durant avec un projet mal ficelé et qui a été complètement imposé sans aucune écoute.
Aujourd’hui et face aux nombreux échecs en la matière, on va donc rester vigilants pour que ce budget participatif ne tourne pas au clientélisme et qu’on ne favorise pas certains acteurs de la ville qui agiraient dans le sens souhaité par la majorité municipale » a déclaré Théo Costes.
C’est finalement Christelle Sudres Baltron qui a conclu le rendez-vous en abordant différents sujets jugés « préoccupants ».
Le Silex
« On n’est pas rassurés. On reste vigilant sur ce projet parce qu’il y a encore des non-réponses ou des réponses qui ne sont pas claires à des questions simples, rien n’est clair, on a le sentiment qu’elle joue la montre ».
La piscine municipale
« Madame Gazel a voulu faire des économies, mais au final ce projet va coûter plus cher alors que l’équipement n’est pas complet. C’est une preuve quelle n’est pas en capacité de gérer de grands projets. J’espère qu’un jour on aura une véritable transparence sur le coût, mais aussi les surcoûts liés aux changements et aux retards occasionnés. Encore une fois, c’est un coup de communication de vouloir amputer le budget d’un million d’euros sur la piscine et qui aujourd’hui, fait qu’on a diminué le mur d’escalade de deux mètres ce qui ne permet pas d’accueillir des compétitions internationales. Il semblerait aussi que derrière la façade, toutes les parties techniques ne soient pas à la hauteur ».
La vitesse limitée à 30 km/h
« Selon nous c’est du dogmatisme écologiste pur et dur. Il est évident qu’il y a des quartiers et des zones à Millau où il faudrait même rouler à moins de 30 km/h. Mais sur d’autres axes, notamment pour accéder aux hauteurs de Millau, les transporteurs par exemple, expliquent que pour tenir la vitesse à moins de 30 km/h, ils restent à fond de seconde et sont beaucoup plus polluant et consomment plus.
Elle nous donne des leçons sur les projets mal ficelés, mais elle porte le pompon puisqu’elle est revenue sur tout ce qu’elle avait initialement prévu, sois parce qu’elle était menacée, soit par obligation » a finalement déclaré l’ancienne conseillère municipale d’opposition.
Le tour d’horizon de la politique municipale s’est ainsi achevé sur ce qui pourrait être une trêve estivale. À ce jour, l’association Millau en action compte 70 adhérents et 150 sympathisants. Les réunions devraient reprendre au mois de septembre avec plusieurs groupes de travail sur différentes thématiques. Une conférence est même prévue début octobre avec un intervenant extérieur pour aborder l’aménagement des villes face au changement climatique.