C’est en 1876 que les Capucins (dont le nom évoque la capuche) de retour à Millau établirent un nouveau couvent au-dessus de l’actuelle église Saint-François, en haut du faubourg du Barry, et en bordure de l’actuelle rue Alsace-Lorraine. C’est au Cap del Barry que se trouvait leur entrée, la rue Jean-Moulin n’existant pas encore. Ils furent dès leur arrivée très populaires. Si le couvent a été construit entre 1875 et 1876, la chapelle ne le sera qu’entre 1890 et 1894. Les Capucins conserveront leur couvent jusqu’en 1903, année où ils furent expulsés.
Leur installation nous est rappelée par Jules Artières dans ses annales (1899, p.307) : « Les PP. Capucins, qui s’étaient établis à Millau depuis plus d’un siècle et demi, en furent chassés par la Révolution de 1793. À l’époque où nous sommes, Mgr Bourret, évêque de Rodez, dont l’épiscopat fut si fécond en restaurations des anciennes maisons religieuses, jugea opportun de rappeler au sein de notre population, après 85 ans d’absence, les humbles religieux qui avaient autrefois si longtemps évangélisé Millau. Pour cela, il acheta un terrain considérable, situé au point le plus haut du faubourg du Barry, un peu au-dessus de leur ancien couvent ; de sorte que, « par une providentielle revanche de la justice et de la religion méconnues, les Capucins sont revenus à Millau dans le même faubourg, et le nouveau Couvent s’élève dans le voisinage de leur ancienne église. »
Ces Capucins, nouvellement installés, constituèrent, avec quelques autres établissements implantés à cette époque (Gare, Clarisses, Pensionnat du Sacré-Cœur, Institution Jeanne-d’Arc…) l’un des points d’attraction de ce nouveau quartier.
Inauguration du couvent (1876)
La bénédiction de la première pierre du Monastère eut lieu le 16 mai 1876. « On avait eu d’abord la pensée de faire cette cérémonie sans solennité, se réservant de donner tout l’éclat possible à celle qui aurait lieu pour la prise de possession du Couvent. Mais, contre toute attente, elle prit tout à coup les proportions d’une splendide fête et toute la population si religieuse de Millau tint à y prendre part (Revue Religieuse du diocèse de Rodez). Elle fut présidée par Mgr l’Évêque de Rodez, qui se trouvait en ce moment à Millau, en tournée pastorale.
La prise de possession du Couvent fut faite par deux religieux, le 29 juin 1880, veille du jour où de nouveaux décrets du 29 mars devaient être mis à exécution !
En effet, cette année-là, le gouvernement français oblige les congrégations à obtenir une autorisation de reconnaissance du pouvoir civil. Les chapelles conventuelles sont fermées au public, plusieurs religieux sont expulsés et plusieurs noviciats sont interdits. Les capucins maintiennent néanmoins une présence à Toulouse, mais ils déplacent vers l’Espagne leur noviciat. Seul le couvent de Millau est momentanément épargné.
Inauguration de la chapelle des Capucins (1894)
La belle chapelle des PP.Capucins n’a été élevée que plus tard. Commencée au début des années 1890, elle a été conçue dans le style roman secondaire, les plans ont été dressés par M. Pailhès, architecte à Millau. La consécration solennelle eut lieu le jeudi 11 octobre 1894.
L’inscription gravée sur le grand portail d’entrée : MDCCCXCIV indique la date de cette consécration de la nouvelle église du couvent (1894). Celle-ci ne fut pas construite sans incident : « Lundi (19 mars), le nommé Ernest Garric, âgé de 39 ans, manœuvre au service du sieur Delmas, entrepreneur de la chapelle des Capucins, actuellement en construction, a été blessé à la poitrine par une grosse pierre tombée d’un échafaudage. Le pauvre homme a été transporté à son domicile, aux Marronniers, dans un état alarmant » (L’Auvergnat de Paris, 25 mars 1894)
L’architecte était M. Pailhes était bien connu dans la Ville de Millau où il fut récompensé : « Nous avons le plaisir d’annoncer que le jury de l’Exposition géographique de Nantes vient de décerner une médaille d’argent à M. Pailhiès, architecte voyer, de Millau, pour un plan en relief des environs de notre ville » (L’Auvergnat de Paris, 27 février 1887)
« Nous apprenons que S.G. Mgr Fraysse, évêque de la Nouvelle-Calédonie, et originaire du diocèse de Rodez, a assisté S. Em. Le cardinal Bourret à la cérémonie de consécration des Pères capucins de Millau. Cette cérémonie a eu lieu le 11 octobre. La nouvelle église est dédiée à Saint-Jean Baptiste, comme l’était l’ancienne, qui se trouvait sur l’emplacement de l’église actuelle de Saint-François » (La Vérité, p.3/4, 13 octobre 1894 « Jeudi (11 octobre) a été consacrée la nouvelle chapelle des Capucins de Millau. S. Em. Le cardinal Bourret, évêque de Rodez, était assisté de Mgr Fraysse, vicaire apostolique de la Nouvelle-Calédonie. Un nombreux clergé et une foule recueillie ont pris part à cette pieuse cérémonie. » (L’Univers, 17 octobre 1894, p.4)
Sur la cloche on lit la mention indiquant la date de sa bénédiction MDCCCXCIII (1893) ainsi que le nom donné au couvent : Saint-Jean-Baptiste, en mémoire de leur église précédente et des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Outre leurs activités normales de prédicateurs, où certains d’entre eux, comme le P.Marie-Bernard, se rendirent célèbres, ces populaires religieux dirigeaient, à Millau, une « École Séraphique », annexé à leur monastère, maison de formation pour les jeunes recrues, sorte de petit séminaire de leur Ordre
Jules Artières dans ses Annales nous le rappelle : « On sait que les R.R.P.P. Capucins s’adonnent d’une manière toute spéciale aux prédications populaires et on sait aussi avec quel zèle, quel dévouement et quel succès. Leur couvent de Millau est aussi le siège de plusieurs œuvres, non seulement de piété, mais aussi de Bienfaisance, que leur charitable industrie a su créer avec le dévoué concours de personnes charitables, pour le plus grand bien de notre population : citons spécialement l’œuvre du Pain de Saint-Antoine, destiné à donner du pain aux pauvres et l’œuvre des Vieillards destinée à secourir à domicile les personnes âgées et indigentes » (Annales de Millau, p.308,1899)
Fête de Saint-François en 1892
Mardi 4 octobre, la fête du patriarche séraphique Saint-François d’Assises a été célébrée avec beaucoup de solennité dans la chapelle du couvent des Capucins de notre ville.
Le matin, à toutes les messes, les communions ont été nombreuses, et le soir aux vêpres solennelles, la chapelle était littéralement comble.
Tous les bons catholiques se font un devoir, après avoir assisté aux offices de leurs paroisses, d’aller rehausser par leur présence les exercices religieux qui se font chez les Pères (Journal de l’Aveyron, 7 octobre 1892)
En 1897, nous rappelle Jules Artières, une grande mission est donnée à Millau par douze P.P. Capucins (Annales de Millau, p.322, 1899)
Nous reviendrons en détail sur le départ des Capucins par la force en mai 1903.
À suivre…
Marc Parguel