Alors que le Quartier Général de Castelnau à La Cavalerie est devenu le Quartier Général Monclar, le colonel Benjamin Brunet a remplacé le colonel Thomas Riou à la tête de la 13e Demi-brigade de Légion étrangère le jeudi 20 juin 2024. Si les Aveyronnais connaissent Edouard de Castelnau que Clémenceau surnommait le « Capucin botté », ils ignorent peut-être la carrière militaire extraordinaire du général Monclar… Et pourtant ! Alors qui était le général Monclar ?
Né le 7 février 1892 à Budapest, Raoul Magrin-Vernerey est le fils d’un père inconnu et d’Anne Magrin, fille de Martial Antoine Magrin et de Marie Élise Vernerey. Sa mère étant institutrice à Vienne, il est élevé par sa grand-mère à Laviron dans le département du Doubs.
Après ses études secondaires au lycée Victor Hugo à Besançon et au petit Séminaire d’Ornans dans le Doubs, il est admis à l’École militaire spéciale de Saint-Cyr le 10 octobre 1912. Deux ans plus tard, le 5 août 1914, il est affecté au 60e Régiment d’Infanterie (RI) avec le grade de sous-lieutenant. Promu lieutenant, puis capitaine le 24 juin 1916, il sert au 260e RI. Faisant preuve d’un courage hors du commun, la Légion d’Honneur lui est attribuée dès 1915. Il est cité onze fois, dont sept à l’ordre de l’Armée. Ces citations soulignent sa témérité inouïe et son sens extrême du devoir. Gazé et blessé sept fois, il est réformé en 1918 à 90 %.
Après l’Armistice du 11 novembre 1918, Raoul Magrin-Vernerey quitte la France pour servir sur le théâtre d’opérations extérieures au Levant où sa bravoure lui vaut deux nouvelles citations et sa promotion au grade d’officier de la Légion d’Honneur.
Le 1er mars 1924, il est affecté au 1er Régiment étranger d’infanterie (1er REI), puis au 3e REI avec lequel il participe à la campagne du Rif au Maroc jusqu’en 1927. Il rejoint alors le Proche-Orient, où il est promu au grade de chef de bataillon en 1928. Le 14 octobre 1930, il lui est confié le commandement du 16e Bataillon de chasseurs à pied.
En 1931, il est affecté au 2e REI au Maroc, puis il rejoint le 5e REI au Tonkin. Rentré en métropole en janvier 1938, il est promu lieutenant-colonel le 25 juin. Le 23 février 1940, il quitte le 4e REI au Maroc pour prendre le commandement de deux bataillons de marche qui vont former la 13e Demi-brigade de Légion étrangère (13e DBLE). Après avoir débarqué le 6 mars 1940 à Marseille avec ses légionnaires, Magrin-Vernerey rejoint le 9 mars le Quartier du Général de Castelnau, à La Cavalerie. Pendant plusieurs semaines, dans le périmètre du camp du Larzac, les légionnaires sont soumis à un entrainement intensif. Prête au combat, la « 13 » est envoyée le 22 avril en Norvège. Ce sera le début de la glorieuse épopée de la « Phalange Magnifique ».
Le 13 mai, la « 13 » débarque à Bjervik, où elle livre son premier combat, puis elle se distingue lors de la bataille de Narvik du 28 mai au 2 juin. Le lieutenant-colonel Magrin-Vernerey et ses légionnaires remportent la bataille considérée comme « la seule victoire française de 1939-1940 ».
De retour en Bretagne le 16 juin 1940, il s’embarque le 19 avec avec le 2e Bataillon de la Demi-Brigade, pour l’Angleterre qu’il rejoint le 21, pour se rallier au général de Gaulle sous le pseudonyme de « Monclar » (du nom du village de Monclar-de-Quercy, dans le Tarn-et-Garonne, d’où sa famille est originaire). Après le défilé du 14 juillet 1940 à Londres, Monclarsuit le général de Gaullequipasse en revue une section du 2e Bataillon.
Le 31 août 1940, Monclar, promu colonel, s’embarque sur le « SS Pennland » à destination de l’Afrique avec le 2e Bataillon qui regroupe un millier d’hommes. Après l’attaque avortée de Dakar à la fin du mois de septembre, il participe aux opérations lancées à Freetown en Sierra Leone, à Douala au Cameroun, mais en novembre à Libreville au Gabon, il refuse de participer aux combats pour ne pas avoir à combattre des Français.
Plus tard, la « 13 » est engagée dans la campagne d’Érythrée, où Monclar remporte les combats de Keren le 27 mars 1941 et surtout prend la place forte de Massaouah le 8 avril. Il refuse ensuite, comme pour le Gabon, de porter les armes contre des Français lors de la campagne de Syrie en juin 1941. Le 6 septembre 1941, il est remplacé à la tête de la 13e DBLE par le lieutenant-colonel et prince Georgien Dimitri Amilakvari.
Général de brigade en décembre 1941, il exerce divers commandements en Grande-Bretagne puis au Levant. Devenu « Compagnon de la Libération », il est nommé Commandant des Forces Terrestres en Grande-Bretagne de décembre 1942 à novembre 1943. Ensuite et jusqu’à la fin de la guerre, il est adjoint au général commandant supérieur des troupes du Levant et participe à la pacification du nord de la Syrie, où de violents troubles éclatent au cours des mois de mai et juin 1945.
Général de division en 1946, Monclar devient adjoint au commandant supérieur des troupes d’Algérie et, le 25 juin 1948, il est nommé inspecteur de la Légion étrangère et participe avec celle-ci aux combats d’Indochine.
Général de corps d’armée le 20 février 1950, Monclar reprend fictivement ses galons de lieutenant-colonel le 19 octobre en se portant volontaire pour prendre la tête du bataillon français mis à la disposition de l’ONU en Corée. Il reçoit lors de cette guerre une dernière citation à l’ordre de l’Armée.
Retiré à Neuilly, le 21 octobre 1962, il succède au général Kienst au rang de Gouverneur des Invalides. Il occupe cette charge jusqu’à sa mort survenue le 3 juin 1964 au Val-de-Grâce. Il a été inhumé dans le caveau des gouverneurs dans la crypte de l’église Saint-Louis-des-Invalides.
Officier général parmi les plus décorés de l’armée française : Grand Croix de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération et médaillé militaire, ce « Bayard du XXe siècle », arbore 17 décorations nationales et 21 internationales, homme d’honneur, guerrier extraordinaire, admiré par ses hommes, Raoul Charles Magrin-Vernerey s’est illustré sur tous les champs de bataille, de la Grande Guerre à la Corée.
La devise de la 13e DBLE « More Majorum » (A la manière de nos anciens) qui est inscrite sur l’imposant portique de l’entrée du Quartier Général Monclar, trouve son origine dans la Rome antique où les licteurs étaient chargés d’exécuter le supplice « more majorum » ordonné par les magistrats. Il consistait, soit en la flagellation par les verges, soit en la décapitation par la hache.
Bernard Maury
Sources : « La 13e D.B.L.E. » de Jean Balazuc et « Monclar, le Bayard du XXe siècle » par Fabienne Monclar, sa petite-fille.