Les Vals (commune de Millau, Causse Rouge)

Marc Parguel
Marc Parguel
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La chapelle des Vals, près de Saint-Germain © Alain Bouviala

Le domaine actuel appelé « Les Vals » a été bâti, semble-t-il, dans le courant du XVIIe siècle sur les ruines d’une ancienne exploitation. Situé à proximité de l’ancienne voie romaine de Millau à Rodez, il était surtout renommé pour avoir été le siège d’un hôpital et possédait également une chapelle dédiée à Notre-Dame.

Pour nous y rendre, suivons notre guide Juliette Andrieu (1904-1998) : « Lorsque, venant de Saint-Germain, l’on émerge au haut de la côte dite « Las Parrets », on aperçoit à gauche, le domaine des Vals au milieu d’un vallon où foisonnent les buis. Ce domaine porte bien son nom, car il est le point de départ d’une suite de petites vallées (ou Vals) qui s’échelonnent tout au long du ravin qui mène à Thérondels » (Journal de Millau, 17 juillet 1981). Le cadastre de 1830 mentionne « aux Vals » une maison et bâtiments ruraux, un jardin et une aire appartenant à Pierre Austruy.

D’après J. Andrieu, cette famille est connue depuis 1668, la direction de l’Hôpital du Pas à Rodez ayant consenti un bail à fief à Antoine Austruy, bail renouvelé en 1773 et 1776. Durant trois siècles, cette lignée réussit à s’y maintenir, mais n’a pu empêcher l’extinction de son nom malgré une nombreuse descendance.

Les Vals (DR)

L’hôpital des Vals ainsi que la chapelle dédiée à Notre-Dame qui n’existent plus depuis plusieurs siècles, étaient situés sur la grande voie, cami farrat, qui allait de Millau à Rodez. Il comprenait une chapelle, un cimetière, une citerne, une grange et un bâtiment principal sur cour et dépendait de l’hôpital du Pas de Rodez. Le domaine foncier a été constitué, grâce à des donations et des achats de terres, champs et vignes, au début du XIIIe siècle ; il subsistera jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, alors que l’établissement hospitalier disparaît au cours des guerres du XIVe siècle.

Le grand cadastre de 1668 mentionne encore le chemin et le dénomme chemin farrat « Le prieur des Bals dans lequel passe le chemin de Saint-Germain à las Bals confr. du midi chemin farrat, couchant les ruines des vieilles masures de Notre-Dame de las Bals ; de bise chemin de Saint-Germain à lad église… ».

Aux Vals passaient encore un autre chemin de Millau à Saint Beauzély et un autre de Saint-Germain à Moulibès.L’hôpital de Notre-Dame des Vals aujourd’hui entièrement détruit, se situait non loin de la ferme dite des Vals, à l’ouest du village de Saint-Germain (nord-ouest du Millau). Des fouilles entreprises en 1996-1997, dans le cadre de l’aménagement de l’échangeur routier de l’A75 ont permis de retrouver l’emplacement de l’église avec sa chapelle attenante ,dans une dépression au lieu-dit « Roullens » (Millau) , il fut également retrouvé le cimetière à proximité, renfermant 79 individus.

Voici un extrait du compte-rendu des responsables de fouilles, M. Frédéric Raynaud et Mme Anne Richier : « La chapelle est construite à l’interfluve de deux vallons sur la rive gauche du ravin principal, alors que le logis et ses locaux annexes sont édifiés sur la rive gauche du vallon secondaire. Le cimetière s’étend au sud-est de ces deux zones.

Les vestiges des édifices de la chapelle sont extrêmement arasés : peu de maçonneries sont conservées et les sols ont été tronqués. À partir d’un segment de mur elliptique, au SE, il est possible de restituer un plan d’environ 11 m de long sur 6 m de large, présentant une nef unique et abside semi-circulaire, orientée, qui s’élève sur la partie sommitale du versant du grand vallon et sur le bord de la rive droite du vallon secondaire. Du côté septentrional, un bâtiment adjacent, implanté en contrebas du versant et parallèlement à la nef, devait être appuyé sur le mur gouttereau de la chapelle ; il présente un plan rectangulaire de 7,60 m sur 4,70 m. Les parements intérieurs de ces deux constructions ont reçu le même traitement d’enduit de chaux, badigeonné en blanc.

Chapelle des Vals près de Saint-Germain, fouilles de l’autoroute © Alain Bouviala

Au pied de la façade occidentale de la chapelle, une grande excavation, creusée dans le rocher et aménagée par des cloisons de bois, était en relation avec le ruissellement du petit vallon et devait servir de bassin de rétention d’eau. Le matériel recueilli à l’intérieur de ces bâtiments concerne une période comprise entre le début du XIIIe siècle et le milieu du XIVe siècle.

Sur une terrasse aménagée en bordure de la rive du petit vallon, le logis correspond à une grande maison de type élémentaire de plan rectangulaire, de 18m sur 7 m. Il est édifié en maçonnerie de petits blocs et de moellons disposés3 en assises régulières. La façade principale est tournée vers l’est ; elle présente, en son centre, un encadrement de porte en blocs soigneusement taillés. L’espace intérieur est subdivisé en deux pièces : une « salle » en façade, équipée d’un four à pain, d’un foyer et d’une cuve à eau et une grande « chambre » à l’arrière.

Deux petits locaux de stabulation sont appuyés sur l’angle SE du logis, leurs dimensions permettent de les mettre en relation avec l’élevage de volaille et de petit bétail : ovins ou suidés. Au sud du bâtiment principal, un édifice n’est plus représenté que par des vestiges de murs fort ténus ; un passage le reliait à une porte  située dans l’angle SE de la chambre ; il pourrait s’agir d’une grange, mentionnée dans les textes. Les bâtiments sont couverts de lauzes et de schiste. Se développant sur deux espaces distincts, la rive gauche du petit vallon et l’espace au sud du chevet de la chapelle, le cimetière compte un total de 79 individus, répartis chronologiquement en deux phases distinctes.

Les sépultures sont exclusivement des inhumations primaires, mais de nombreuses réductions d’ossements, présentes dans les fosses, attestent une occupation assidue du cimetière et peut-être des regroupements familiaux. Les fosses sont soit en pleine terre, soit rupestres. Ces dernières sont plus soignées et comportent souvent des aménagements de couvertures (dalles à plat ou disposées en bâtières) et/ou des logettes céphaliques. »

(Constructions et habitats civils, Archéologie médiévale, tome XXIX, p.250-251, CNRS éditions, 2000)

Chapelle des Vals près de Saint-Germain, fouilles de l’autoroute © Alain Bouviala

L’hôpital de Notre Dame des Vals était un établissement religieux destiné à l’accueil des personnes en transit entre Rodez et Millau, et à l’assistance aux nécessiteux. La première mention de l’hôpital des Vals date de 1204 : il est alors placé sous la dépendance de l’hôpital du Pas de Rodez, institution charitable connue depuis la fin du XIIe siècle. Il était administré par un commandeur, qui était prêtre et exerçait les fonctions curiales. « Ces religieux, dit H.Affre, (Lettre sur l’histoire de Rodez) étaient appelés Frères croisés, à cause d’une croix rouge qu’ils portaient sur leur manteau. » Il y eut, au XIIIe siècle, au sujet de la juridiction spirituelle, un procès entre ces Religieux et les Chevaliers de Saint-Jean, de qui dépendait Saint-Germain ; ce procès se termina par une transaction en 1286.

Jules Artières dans le « Messager de Millau » a mentionné les commandeurs dont voici la liste :  « 1204. – Huc de las Combelles, administrateur, 1205. – Durand de Najac, bailli et administrateur des hôpitaux de Rodez et de las Vals, 1226-1233. – Durand Niel, commandeur, 1244. – Dorde Feda, 1268.- Fr. Martin de la Coste, 1286.- Fr. Jean Anjalbert, commandeur et domp, 1309-1333. – Me Dorde Aliquot, 1360. – Me Pierre de Feniac,1434. – Pierre Bessière,1530- Jean Canitrot. ». Il ajoute : « Nous avons encore trouvé dans le précieux et si riche dépôt de nos Archives départementales, les renseignements suivants sur le modeste hôpital de Notre-Dame de las Vals. Les noms des bienfaiteurs surtout, si modestes soient-ils, méritent d’être connus et conservés. 1204. – Vente par Dordé de Vergelier à Huc de las Combelles, administrateur de l’hôpital de las Vals, de la moitié du village appelé Notre-Dame de las Vals, confrontant avec l’autre moitié que le père dudit vendeur avait donné au monastère de Saint-Léons. 1206. – Donation par Etienne Coste et autres à l’hôpital de las Vals de toutes les maisons, cours et jardins qu’ils possédaient à Layrolle, hors de la porte de Millau. 1226. – Donation par Guill. Peyre, de Compeyre, de la moitié du village del Crouzet, confrontant avec le village dels Hugonencs, et avec las Vals. 1244.- Donation par G. Malcano de droits sur le claux de B. Sabatié, sis à la Recluse, à Millau. 1275.- Autre donation par Hélips de la Vaïsse. (Messager de Millau, 5 janvier 1907).

Chapelle des Vals près de Saint-Germain, fouilles de l’autoroute © Alain Bouviala

En résumé, Notre-Dame des Vals ne fut occupée que durant une courte période : l’hôpital est probablement abandonné dans la seconde moitié du XIVe siècle, alors que la population est décimée par la peste noire (en 1348 et 1361) et que les routiers sillonnent le pays. La chapelle semble perdurer « un champ dans la combe de las Vals confr. du pied chemin allant de St-Germain à l’église de las Vals d’un côté et avec les terres de l’hospital del dom del Pas sive capelanie » (6 janvier 1610, De Malrieu) jusqu’au milieu du XVIIe siècle où elle apparaît comme ruinée : « chemin tendant du village de Calhac à l’église de las Vals… à présent ruinée » (4 décembre 1733, Descuret.)

Marc Parguel

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