Opinion. Karine Haumaitre : « Un espace de débat est-il encore possible ? »

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Lors du conseil municipal du lundi 16 septembre.

Le 7 novembre 2024, au terme de la présentation de la délibération n°8 du conseil municipal autour du débat d’orientation budgétaire(DOB), un silence pesant a régné au sein de la salle du conseil municipal.

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Ce DOB est un moment clé pour aborder des questions essentielles concernant l’avenir de la commune d’autant plus aujourd’hui dans un contexte financier contraint, ralentit quoiqu’on en dise, qui demande de la prudence et des efforts. Ce moment aurait dû être une tribune animée d’échanges et de confrontations d’idées. L’absence manifeste d’interventions de la part de l’opposition interpelle. Mais que dit-elle vraiment ?

La majorité , connue pour ses envolées oratoires sur la nécessité de la transparence et de l’échange démocratique, n’a pu évidemment s’empêcher d’exprimer son indignation face à ce silence. Feindre la surprise et l’indignation est osé lorsque l’on examine l’attitude de la majorité lors des précédentes séances. Alors qu’elle est elle-même créatrice d’un climat hostile dans cet espace de débat cette réaction d’une majorité offusquée ne peut être perçue que comme un masque dissimulant une hypocrisie criante et manifeste.

Ne vous y trompez pas, ce cri de désespoir « qui fait bien » et est relayé par la presse, face au mutisme de l’opposition n’est pas celui d’une défense des valeurs démocratiques, mais plutôt la déception face à une occasion perdue d’affirmer une dynamique pernicieuse dans laquelle le débat devient une joute oratoire orchestrée, par le biais duquel la majorité préparée et persuadée de détenir la vérité cherche à galvaniser son image et rien d’autre (cf. démonstrations autour des questions diverses).

À chaque séance, depuis le début du mandat et particulièrement depuis que je me retrouve seule élue d’opposition, tenter d’apporter son point de vue, des arguments, des contradictions, des demandes de précisions (notamment sur des lignes budgétaires dans des décisions modificatives), c’est courir le risque d’être soumise au ridicule (« ça suffit ça fait une demi-heure qu’on répond à vos questions »), d’être discréditée (« à ça alors, vous pouvez me justifier votre vote » !), de subir des ricanements (« même si la pédagogie est l’art de la répétition pourriez-vous arrêter de reposer toujours les mêmes questions ? »), des soupirs non dissimulés, des remarques acerbes et déplacées (« taisez-vous ! »), des manifestations de réprobation venant même de l’assemblée qui doit pourtant restée neutre. Mais à priori tout est autorisé tant que cela sert à éteindre la contradiction !

Dans ce conseil municipal, le dialogue loin de s’étendre se rétracte dangereusement.

Chère majorité la démocratie ne doit pas être une simple vitrine brandie avec fierté, ni un exercice de style dans lequel seules les voix en accord avec vos idées et vos démonstrations sembleraient légitimes.Toute intervention même maladroite mérite le respect. La démocratie ne prospère jamais dans un climat où on élimine toute forme de dissentiment.

Chers Millavois, le dernier débat d’orientation budgétaire n’a pas seulement révélé un silence inattendu. Il a aussi et surtout été le révélateur des lacunes d’un dialogue démocratique local malade. Ce mutisme de ma part, loin d’être une capitulation et loin d’être le fruit d’un manque d’arguments ou d’intérêt pour les enjeux budgétaires de la commune (cf. précédents conseils municipaux), témoigne plutôt d’un ras-le-bol face à une majorité qui semble ériger en principe un dédain systématique pour les voix discordantes. 

Toutes les parades mises en place depuis la rentrée pour faire croire à des discours de tolérance, des instances d’écoute où chaque opinion est accueillie et examinée avec sérieux sont de moins en moins crédibles et n’empêchent pas le malaise croissant.

Si la majorité et ses fervents défenseurs s’indignent du choix de l’opposition de ne pas s’exprimer, qu’ils prennent d’abord conscience de leurs propres outrances et de leur propre part de responsabilité dans ce silence.

Karine Haumaitre,
Elue d’opposition

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