Des élèves du lycée Jeanne d’Arc de Millau ont récemment pris part à un voyage scolaire pas comme les autres, sur les traces de la Retirada, cet exode massif de républicains espagnols fuyant la dictature franquiste en 1939. Du camp de Rivesaltes à la plage d’Argelès-sur-Mer, en passant par la maternité d’Elne et la tombe du poète Antonio Machado à Collioure, ce périple historique et humain leur a offert une plongée bouleversante dans un pan tragique mais essentiel de l’histoire européenne.
Le mois de janvier 1939 marque un tournant dramatique de l’histoire contemporaine, avec l’exode massif d’environ 500 000 républicains espagnols fuyant la victoire des franquistes. Ce voyage scolaire sur les traces de la Retirada (le retrait) nous emmène dans le sud de la France, sur les routes et sentiers empruntés par ces réfugiés, entre Port-Bou et Cerbères, là où la douleur et la souffrance des déportés résonnent encore aujourd’hui.
Le camp de Rivesaltes : un lieu de mémoire incontournable
Le premier arrêt de notre voyage en train nous mène au camp de Rivesaltes, l’un des plus grands camps d’internement en France, où des milliers de républicains espagnols, mais aussi des Juifs, des Gitans et d’autres personnes persécutées, furent détenus pendant la Seconde Guerre mondiale. À l’époque de la Retirada, les réfugiés espagnols y furent parqués dans des conditions épouvantables, souffrant de faim, de froid et de maladies. Cette visite permet de mieux comprendre la dureté des conditions de vie de ces réfugiés et de rendre hommage à leur souffrance et à leur résistance.
Randonnée sur la frontière : sur les traces des exilés
Le lendemain, notre groupe emprunte le sentier qui part de Port-Bou, en Espagne, passant par le Col des Bélitres où se dresse un mémorial érigé pour témoigner de l’exil des républicains espagnols. On y décrit l’attente au poste-frontière, dans le froid et la faim, avant que l’administration française ne donne l’autorisation d’entrée aux réfugiés politiques. Parmi eux se trouvait le poète espagnol Antonio Machado qui termina ses jours à Collioure. Le vent glacial qui souffle sur les crêtes nous rappelle les conditions extrêmes auxquelles étaient confrontés les exilés, la neige recouvrait le sol, et les montagnes étaient aussi des obstacles dans leur fuite. Bien qu’inspirant aujourd’hui par sa beauté naturelle, cela renvoie à une réalité sombre et douloureuse : celle de ces hommes, femmes et enfants qui fuyaient les persécutions franquistes dans l’espoir de trouver refuge en France, un espoir souvent déçu, puisque beaucoup furent envoyés directement dans des camps de transit, comme celui de Rivesaltes.

La mémoire des lieux : la plage d’Argelès et la maternité d’Elne
Le voyage continue en direction de la plage d’Argelès-sur-Mer, un autre site tristement célèbre, où en janvier 1939, des milliers de réfugiés, épuisés, affamés et traumatisés, y ont débarqué après avoir franchi la frontière. Ici, des camps de transit ont été installés, où les conditions de vie étaient déplorables, avec peu de nourriture, de soins et une promiscuité insupportable comme en témoigne la présidente de l’association des Fils et Filles de Républicains Espagnols qui a partagé son histoire familiale avec des élèves très émus.
Ensuite, nous nous rendons à la maternité d’Elne, un autre lieu symbolique de l’accueil des réfugiés espagnols. Ce centre créé par Elisabeth Eidenbenz, a accueilli des centaines de femmes enceintes, leur offrant sécurité et assistance durant une période particulièrement difficile. Ces lieux de résistance et de solidarité rappellent que, dans l’ombre de la répression, il y eut aussi des gestes de solidarité humaine.

Collioure : la dernière demeure de Machado
Notre dernier arrêt nous conduit à Collioure qui détient un lieu de mémoire poignant : la tombe du poète républicain Antonio Machado, En exil après la victoire des franquistes, Machado mourut à Collioure en février 1939, quelques semaines après avoir fui l’Espagne. Un hommage émouvant lui a été rendu en lisant des poèmes sur sa tombe, tombe qui est devenue le symbole de tous ceux qui ont sacrifié leur vie dans l’espoir d’une Espagne libre et républicaine.
Ce voyage scolaire, entre randonnée et visite de sites chargés d’histoire, nous plonge dans la mémoire de ceux qui ont fui la guerre et la dictature. Ces lieux sont autant de témoignages de la souffrance, de la résilience et du courage des républicains espagnols qui, tout en étant rejetés et persécutés, ont construit une mémoire collective qui doit être préservée.
Le vent glacial sur les crêtes, les plages désertes d’Argelès et les ruines de Rivesaltes nous rappellent que l’histoire n’est pas seulement celle des événements, mais aussi celle des hommes et des femmes qui ont traversé ces épreuves. En parcourant ces lieux, il y a une prise de conscience du devoir de mémoire qui nous incombe pour ne jamais oublier les tragédies du passé.
Les souvenirs de la Retirada ne sont pas seulement un témoignage du passé, mais aussi un avertissement pour l’avenir.