Inondations à Millau : « Des catastrophes, il y en aura d’autres »

Yannick Périé
Yannick Périé
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Photo d'archives. Didier Compan (à gauche) et Didier Martinez actuel président de l'association.

Au lendemain des inondations qui ont fait plusieurs morts dans le département de l’Aude, nous avons rencontré les responsables de l’Association des Riverains du Tarn et de la Dourbie. L’occasion pour son président, Didier Martinez, et son vice-président, Didier Compan, de rappeler que Millau n’est pas à l’abri d’un risque majeur d’inondation et de ses possibles conséquences désastreuses, tant sur le plan humain que sur le plan économique. Et d’égrener les différents points d’achoppement qui persistent et pour lesquels l’association, qui vient de tenir sa 22e assemblée générale, tire le signal d’alarme.

« Un tour de passe-passe qui ne passe pas »

« S’il y a bien quelque chose qui nous agace, c’est le plafonnement du fonds Barnier à hauteur de 137 millions d’euros », lance Didier Martinez en préambule. Ce fonds, alimenté par une cotisation de solidarité sur les assurances, est censé faire jouer la solidarité nationale en cas de catastrophes naturelles, et notamment en cas d’inondation.

Or, selon l’Union nationale des associations de lutte contre les inondations (Unalci), l’Etat aurait ponctionné ce fonds de quelque 70 millions en 2017. « Quand Macron nous dit que l’Etat va mettre 80 millions sur la table après les événements qui se sont passés dans l’Aude, c’est totalement inacceptable », peste Didier Martinez. « C’est un tour de passe-passe qui ne passe pas », a déclaré André Delrieu, le vice-président de l’Unalci France, présent au Créa le jour de l’assemblée générale.

« Un désengagement pur et simple de l’Etat »

Autre élément pour lequel les Riverains sont sur le pont : la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), qui est devenue une compétence obligatoire des Etablissements publics de coopération intercommunale (à Millau, la Communauté de communes).

« C’est un désengagement pur et simple de l’Etat, qui a refilé la patate chaude aux maires et aux communautés de communes », affirme Didier Martinez. La taxe, qui est comprise entre 0 et 40 € par an et par habitant selon les EPIC, est de 6 € par personne au sein de la Communauté de communes Millau Grands Causses. « En cas d’événement majeur, qui va payer ? », se demandent Didier Martinez et Didier Compan.

« On en est au PAPI d’intention… »

Créés en 2002, les Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) visent à réduire les conséquences des inondations sur les territoires à travers une approche globale du risque, portée par un partenariat entre les services de l’Etat et les acteurs locaux.

Au cours des années, l’évolution du cahier des charges a conduit les territoires à avancer de façon différenciée. « Certains sont au PAPI 1, d’autres au PAPI 2 qui a été lancé en 2011. A Mende, ils en sont au PAPI 2, alors qu’à Millau, dans le secteur Tarn amont, zone inondable s’il en est, nous n’en sommes qu’au PAPI d’intention, avant le PAPI 1 », déplore Didier Martinez. Un troisième niveau de PAPI a été lancé début 2018…

Aménagement des quais : « Nous nous avons eu une position de sagesse »

En tant qu’association environnementale, il a parfois été reproché à l’Association des Riverains du Tarn et de la Dourbie de ne pas prendre position quant à l’aménagement des quais. « On m’a reproché ma tiédeur sur ce dossier, reconnait Didier Martinez. Mais au sein de notre bureau, chaque fois que l’on doit s’impliquer, on prend les avis de tout le monde. Et on a estimé que notre association n’était pas légitime pour rentrer dans le débat. Nous avons été convoqués quatre fois à la mairie pour nous présenter les différents projets. Nous, ce qui nous intéresse, c’est qu’on ne touche pas au niveau du Tarn, que les aménagements effectués n’influent en rien sur les hauteurs de l’eau, c’est tout. Je pense que nous avons eu une position de sagesse. »

Ce qui n’empêche pas le président de l’association de souligner « qu’il y a peut-être eu des lacunes au niveau de la communication. Personnellement, j’aurais demandé aux Millavois qui est pour, et qui est contre. Certains ont le sentiment qu’ils (la mairie) sont passés en force, et ça, les gens n’aiment pas ».

Les hauts quartiers de Millau ne sont pas à l’abri

Quand on pense « catastrophe naturelle » à Millau, on pense inévitablement aux zones inondables le long du Tarn et de la Dourbie. Pour autant, Didier Martinez et Didier Compan estiment que la prévention devrait être réalisée au-delà de ces zones à risque. Ils s’expliquent : « Si à Saint-Germain ou à Soulobre il y a un orage stationnaire du même acabit que celui qu’il y a eu dans l’Aude, ça descend sur Millau, et c’est une véritable catastrophe. »

Estimant qu’il vaut mieux prévenir que guérir, « les deux Didier » appellent les responsables locaux à « revenir un peu à la prévention à l’ancienne » : guetteurs, cloches, porte-voix, sirène, exercices d’hélitreuillage, prévention auprès des écoles…

Et de déplorer un certain laxisme face au risque. « Le Groupe Etude, Réflexion Inondation (GERI), qui regroupe tous les maires de la Communauté de Communes et qui se réunissait tous les trimestres, se réunit aujourd’hui péniblement une fois tous les semestres… Il faut se remettre au travail ! »

« Certes, il n’y a pas eu de grosse catastrophe depuis 1982. Mais il faut que les gens soient conscients que Millau est en zone inondable. Des catastrophes, il y en aura d’autres », prophétisent-ils.

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