Le député du Sud-Aveyron, Jean-François Rousset a signé une tribune concernant le futur plan loup. Dans celle-ci plusieurs députés, femmes et hommes politiques cosignataires, appellent « à la protection du pastoralisme ».
« Après un été à nouveau marqué par de lourdes pertes pour nos éleveurs – en plus des épisodes de sécheresse et des nombreux incendies, dont un a entraîné la mort de plus de 350 brebis dans le Gard, le territoire de prédation du loup ne cesse de s’étendre. Au-delà des Alpes et des Pyrénées, le Gard, le Vaucluse, l’Aveyron, la Lozère, la Saône-et-Loire et de nouveaux territoires comme le Lot sont touchés par des attaques qui se multiplient et qui causent, à chaque fois, des dégâts importants pour les activités pastorales.
Le loup constitue une menace quotidienne pour nos élevages ovins et caprins. Il s’étend géographiquement, mais s’attaque aussi désormais aux bovins, et s’ajoute dans plusieurs départements à la prédation de l’ours, responsable de 21 % d’attaques supplémentaires au premier semestre 2023.
L’élevage pastoral est un modèle unique et vertueux, indispensable pour la préservation de notre biodiversité et pour l’équilibre des espèces. L’élevage extensif du modèle pastoral permet notamment de préserver les puits d’eau et de carbone, de prévenir des incendies, façonne nos paysages, respecte le bien-être animal et permet la production de produits à très haute valeur ajoutée en circuits courts.
Aujourd’hui, ce modèle si cher à notre patrimoine et à nos territoires est pris en étau : disponibilité du foncier, transmission des exploitations et désormais la prédation. La réintroduction de ces grands prédateurs rend la cohabitation avec les activités pastorales extrêmement difficiles et dans certains cas, disons-le, invivable. Alors qu’on assurait longtemps que la prolifération du loup ne serait jamais une menace pour nos activités d’élevage, nous dénombrons aujourd’hui plus de 4000 attaques par an dans plus de 53 départements.
Ces chiffres sont en perpétuelle augmentation, sans qu’aucune réponse à la hauteur de l’enjeu ne soit présentée.
Dans les territoires historiques de prédation, comme dans les Alpes, les éleveurs se trouvent désormais forcés de cohabiter à nouveau avec le loup. Malgré l’esprit de responsabilité et les efforts consentis par les éleveurs et toutes les contraintes associées – chiens de protection, filets, bergers recrutés, tirs de défense –, les dommages sur leurs troupeaux ne cessent de s’accroître, et ont même explosé ces dernières années.
Dans les Pyrénées, c’est un vrai front de colonisation qui se développe. Les prédations cumulées du loup et de l’ours étouffent les éleveurs, sans même évoquer les difficultés administratives pour obtenir des indemnisations qui au fond ne changent rien au problème, parce que la prédation n’est pas d’abord un problème d’argent.
Comment expliquer à un éleveur qu’il n’a pas à s’inquiéter de la prédation puisqu’il sera indemnisé ?
Dans le Massif central, malgré la zone difficilement protégeable mise en place, les troupeaux ovins continuent d’être touchés (plus de soixante attaques en 2022 en Aveyron). Chacune d’entre elles est toujours vécue, à raison, comme une immense injustice par l’éleveur affecté.
Si la biodiversité doit être préservée, et donc les espèces protégées à ce titre, c’est bien toute la biodiversité qui doit l’être – donc aussi l’entretien des estives ainsi que l’apport du pastoralisme à tout l’écosystème.
Il faut le reconnaître : face à la pression nouvelle subie par les éleveurs, la politique nationale sur la prédation doit être repensée. Le nombre de loups estimés ne cesse d’augmenter, bien au-delà des seuils qui ont pu être un temps jugés suffisants. Après une première estimation de la population de loups annoncée en juin, clairement sous-évaluée selon les éleveurs – à 906 loups -, l’Office français de la biodiversité dévoile aujourd’hui sa nouvelle estimation : plus de 1100 loups sont présents sur notre territoire, contre 921 en 2022.
Le coût de la protection des troupeaux face à la prédation est déraisonné : humainement, ce sont des heures quotidiennes de travail supplémentaires pour les éleveurs et une pression psychologique écrasante ; financièrement, ce sont près de 60 millions d’euros engagés par l’État chaque année, auxquels s’ajoutent 8 millions à la charge des éleveurs ; juridiquement, ce sont de nouvelles responsabilités qui pèsent sur les éleveurs.
Élus des territoires frappés par la prédation et au-delà, nous entendons chaque saison la détresse des éleveurs, et nous la comprenons. Le Président de la République a affirmé son souhait de faire évoluer le statut du loup qui empêche aujourd’hui une régulation efficace ; le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire se déplace sur le terrain, à leur rencontre sur les exploitations, a exprimé tout son soutien à l’élevage à de nombreuses reprises et appelle à une évolution des règles actuelles depuis sa prise de fonctions. Nous invitons chacune et chacun à aller à la rencontrer de nos éleveurs de montagne pour comprendre la problématique sur le terrain.
C’est le moment d’agir. Le plan national loup 2024-2029 en cours d’élaboration, qui définira les règles pour les prochaines années, ne peut être une occasion manquée. Il doit devenir un plan de préservation du pastoralisme.
Avant son adoption d’ici la fin de l’année, des avancées concrètes doivent être acquises sur toutes les dimensions du problème : les procédures de tirs à simplifier ; les moyens des louvetiers ; la responsabilité en cas d’attaque par les chiens de protection ; la méthode d’estimation nationale de la population de loups ; la double prédation de l’ours et du loup.
Plusieurs d’entre nous ont d’ailleurs signé une proposition de loi portée par notre collègue Jean François Lovisolo, issue d’un texte du Sénat que nous avons actualisé, pour reconnaître que de nombreuses zones sont difficilement défendables et que des procédures simplifiées doivent être mises en pratique pour permettre une régulation.
Au-delà du territoire national et grâce au travail mené par la France à Bruxelles, la présidente de la Commission européenne a enfin pris la mesure de la gravité de la situation et du danger engendré par la multiplication des meutes de loups dans l’ensemble de l’Union européenne. Nous soutenons les dernières déclarations d’Ursula Von der Leyen, qui vont enfin dans le bon sens : celui de la révision du statut européen de protection du loup, qui doit s’appuyer sur les données scientifiques existantes.
Nous porterons ces demandes dans les prochaines semaines à travers de nouvelles propositions législatives et continuerons à défendre l’élevage pastoral et les éleveurs de France ».
Les cosignataires de la tribune
- Antoine ARMAND, Député de Haute-Savoie
- Éric ALAUZET, Député du Doubs
- Danielle BRULEBOIS, Députée du Jura
- Bernard BUIS, Sénateur de la Drôme
- Frédéric DESCROZAILLES, Député du Val-de-Marne
- Marina FERRARI, Députée de Savoie
- Jean-Luc FUGIT, Député du Rhône
- Joël GIRAUD, Député des Hautes-Alpes
- Laurence HEYDEL GRILLERE, Députée de l’Ardèche
- Servane HUGUES, Députée de l’Isère
- Guillaume KASBARIAN, Député d’Eure-et-Loir et président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale
- Delphine LINGEMANN, Députée du Puy-de-Dôme
- Jean-François LOVISOLO, Député du Vaucluse
- Louis MARGUERITTE, Député de Saône-et-Loire
- Stéphane MAZARS, Député de l’Aveyron
- Benoît MOURNET, Député des Hautes-Pyrénées
- Nicolas PACQUOT, Député du Doubs
- Rémy REBEYROTTE, Député de Saône-et-Loire
- Véronique RIOTTON, Députée de Haute-Savoie
- Xavier ROSEREN, Député de Haute-Savoie
- Jean-François ROUSSET, Député de l’Aveyron
- Jean TERLIER, Député du Tarn
- Huguette TIEGNA, Députée du Lot
- Stéphane TRAVERT, Député de la Manche
- Anne-Cécile VIOLLAND, Députée de Haute-Savoie
- Jean-Marc ZULESI, Député des Bouches-du-Rhône et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale.
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