Situé dans les corniches du Causse Méjean, versant Gorges du Tarn, « lou Baous del bièl » est un immense rocher percé mesurant 40 mètres de hauteur totale, dont 27 sous voûte sur 25 de large. Pour s’y rendre, il faut après avoir traversé le hameau de la Bourgarie (commune des Vignes) situé à 857 m. d’altitude, prendre juste après la croix, à droite le chemin qui descend vers la corniche. Vous atteindrez plus loin le cirque « du bout du bout du monde », avec à l’entrée, une fontaine adossée à la falaise. À l’intersection, continuer sur la gauche. À 800 mètres, on aperçoit l’arche qui nous intéresse aujourd’hui.
La découvrir se mérite, elle apparaît au bout d’un très étroit chemin de chèvres, en à pic du Tarn. Vertigineusement placée à plus de 300 mètres au-dessus de cette rivière, d’où l’on jouit d’une vue très pittoresque à travers l’ouverture, son nom lui vient du latin Bal qui signifie rocher, BAUÇ (baous) – BALS pluriel BAUCES (baousés)
BALSES (balsés) escarpements de rochers, falaises, précipices. Ce toponyme est fréquent en Provence, BAOU, BAUÇ, BAUSSÈT (baoussèt, diminutif) le plus connu « Les Baux de Provence ». Par extension, « lou baous » signifie trou dans le rocher, et non bosse comme on peut le lire trop souvent. Ainsi LO BAUÇ DEL VIÈLH (lou baous del bièl, signifie le trou du vieux). Les cartes et les guides font de la mauvaise phonétique lo baousso del bièl. A ce sujet, voici ce qu’il se racontait concernant cette grandiose arcade : « « lou baous » désigne un endroit difficile d’accès, ne pas le prendre au sens d’ouverture dans le sol (type aven ou grotte). Les bergers de ces zones là parlaient » d’embaousser las fèdes » c’est à dire de les faire descendre dans ces endroits malaisés. Cette explication m’a été donnée par ma mère dont la famille est de la Viale/ la Bourgarie. » (Jean Rémi Baret, message Facebook, 28 août 2019)
Dans son ouvrage « Causses et Gorges du Tarn » (1925), E.-A.Martel évoque la première fois où il découvrit le lieu, situé à peu près au niveau du Pas-de-l’Arc : « Nous avons rencontré (avec A.Fabié, L.Armand et H.Causse) la plus belle arche percée de toute la région des Causses, le 23 mai 1900 seulement. Révélant ainsi un site qui, avoisinant le Pas de l’Arc, rivalise avec le Portique des géants (voir Millavois.com, 14 décembre 2019) pour la première place parmi les plus extraordinaires tableaux de tous les Causses. »
L’abbé Alexis Solanet (1837-1919), auteur du volumineux ouvrage des « Gorges du Tarn illustrées » (1894) l’avait ignoré.
Martel dit que « les bergers nomment cette arcade le Baousse del Biel, précipice boisé du grand-père (ou du vieux). Depuis bien des années, j’en avais entrevu l’ouverture, fort mal visible des bords mêmes du Tarn. Elle m’attirait ; mais je ne me doutais pas dimensions qu’elle présente. Ce pont naturel ouvert à 755 mètres d’altitude (à 355 mètres au-dessus du Tarn), mesure 40 mètres de hauteur totale, dont 27 sous voûte sur 25 d’ouverture. Il est donc plus grand que le fameux Prebischthor des grès de la Suisse saxonne (30 m. de larg. sur 20 de haut.) à 200 m. au-dessus du Biela grund. »
Cette grandiose arcade est un curieux témoin du travail d’érosion de la rivière lorsqu’elle coulait, alors fleuve torrentiel et puissant à ce niveau, mais elle ne serait pas l’œuvre exclusive du Tarn, comme le rappelle Albert Carrière citant Martel : « Pour expliquer sa formation, Martel suggère les effondrements de grottes. Nous connaissons en effet des grottes qui ont été creusées par le courant vertical dont un ciel ouvert témoigne de l’existence. Deuxième arc de Saint-Pierre, Baoumo rousso,etc…Du Pas-de-l’Arc au ravin de Volcégure subsistent aussi des enchevêtrements de ravines de piliers, cirques qui justifient la théorie de la formation de certaines portions de canyons, par effondrement de grottes…Arrivé au dit « Baous del viel », Martel propose de rebrousser chemin et de refranchir le Tarn soit au Cambon, soit à la Sablière sans considérer qu’il faudrait plus de temps et de fatigue que pour pousser jusqu’au Cinglegros » (Albert Carrière, Du Pas de l’Arc au Cinglegros, par Monts et par Vaux, Midi Libre, 23 août 1953)
Marc Parguel