Direction les Douzes située dans la commune de La Parade, cette semaine. Deux kilomètres après ce hameau sur la D996, et à dix kilomètres de Meyrueis sur la droite, débute un chemin qui se dirige vers le lit de la Jonte actuellement à sec.
Il y avait jusqu’à l’année dernière une pancarte qui signalait la résurgence, désormais il ne reste que le piquet qui lui servait de support ! Descendons vers le lit de la rivière. La Jonte, une des plus curieuses rivières des causses, issue du massif de l’Aigoual s’assèche 3km en aval de Meyrueis surtout l’été, sur une distance de 7 kilomètres environ, son assèchement le plus complet se situant à Sourbettes, pour ressortir à la résurgence des Douzes située à 700 mètres en amont de ce hameau. Tout un réseau de galeries existe en profondeur sous son propre lit.
Après plusieurs lacets, nous nous trouvons dans un chaos de rocher devant la Grand Font ou la Foux des Douzes, à l’est des autres sorties d’eau, 2 mètres au-dessus du niveau de la rivière en période d’étiage.
À cette période de l’année, relativement sèche, l’eau ne jaillit pas dans la galerie, mais en contrebas.
En été, un peu en amont des « sources » pérennes, une galerie naturelle plonge horizontalement sous le Causse Méjean , lorsque la rivière de la Jonte diminue pour ne plus s’écouler qu’en souterrain sur quelques kilomètres, la Grand Font observe un étiage analogue jusqu’à son complet assèchement. On peut alors explorer la cavité à pied sur quelques mètres avant d’atteindre un petit lac souterrain, où disparaît désormais un fil d’Ariane.
Durant l’été 1886, quelques aventuriers du coin décidèrent de franchir ce lac, situé à quelques dizaines de mètres de l’entrée. Parmi eux : Louis Armand et Adrien Fabié. Ce dernier raconta l’année suivante cette exploration qui ne fut pas de tout repos : « En compagnie de quelques amis, je résolus, l’été dernier, de chercher à me rendre compte de l’importance de la nappe d’eau qui se trouvait au bout de la galerie en question. Nous fîmes partir des fusées sur le lac, mais la fumée qui s’en dégagea faillit nous asphyxier et rendit notre tentative infructueuse. Sur une longue planche, nous plaçâmes ensuite une multitude de bougies allumées et lançant à l’eau cet esquif d’un nouveau genre, nous le poussâmes avec une longue perche. Les résultats, sans être trop concluants, nous décidèrent à nous procurer un bateau assez étroit pour passer dans la galerie sans subir trop d’avaries. Une première tentative échoua, le bateau s’étant trouvé trop large ».
À la fin de l’automne 1886, après s’être procuré à Millau une nouvelle barque, nos aventuriers, plein d’enthousiasme, reprirent leur exploration et après une navigation assez courte de quarante mètres environ, ils parvinrent à l’autre extrémité de la nappe d’eau. Là, à cinq mètres de hauteur, s’ouvrait une excavation dans laquelle, après avoir placé une échelle prêtée par des gens des Douzes, ils pénétrèrent dans une galerie menant à une vaste salle haute de cinquante mètres, dont le plafond, le plancher et les parois étaient couverts de stalactites et de stalagmites aux formes bizarres.
Ils marchèrent à la file indienne, bougie à la main, et Louis Armand menait devant le groupe. Au moment où il disait qu’il était stoppé par un trou noir et profond d’environ 5 mètres, il y glissa dedans tomba dans le gouffre plein d’eau et en ressortit sans mal, mais mouillé comme un rat.
Ce petit lac se poursuit par une étroite galerie se ramifiant en de nombreux conduits. L’ensemble a été notamment exploré sur plus de 300 m. bien plus tard par Louis Balsan. L’exploration du G.E.P.S (Groupe d’études et de plongées souterraines) semble avoir doublé le développement total.
Après un long parcours souterrain, la rivière revient au jour ici parfois avec force, au point que cette rivière souterraine ramène plus d’eau qu’il s’en perd en amont. En fait, elle reçoit des affluents venus tant du Causse Noir que du Causse Méjean.
On dénombre dans la vallée de la Jonte rive droite quatre sources pérennes d’un débit inférieur à 5 litres seconde : Costeguison, Poussoulent, Montplaisir, Truel, mais la plus importante est bien celle des Douzes qui présente plusieurs exutoires dont la Grand Font des Douzes pénétrable. Cette résurgence selon H. Salvayre « est essentiellement alimentée par les pertes de la Jonte comme l’ont montré les colorations. On peut cependant admettre sans preuve pour le moment que la Grand Font des Douzes reçoit un apport des écoulements souterrains du Méjean » (Aperçus sur l’Hydrologéologie et les écoulements souterrains du Causse Méjean, Ratapanade, n°3, 1978, p.7). La température de l’eau dans la Grand Font est de 12 degrés.
La coloration effectuée le 7 avril 1966 par H. Salvayre a prouvé la communication existant entre le ruisseau coulant dans la grotte de Sourbettes et la résurgence de La Grand Font des Douzes (distance 4.500 m ; dénivellation 40 m ). La grande vitesse de passage du colorant (281 m/h) prouve l’existence d’une rivière souterraine parallèle à la Jonte et coulant sous elle. Écoulement rapide par fissure et canaux, sans retenue qui laisse présager une possibilité de pénétration.
Marc Parguel