« Millau et l’Aveyron en 2050 ». L’eau va manquer

Philippe Ollivier
Philippe Ollivier
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Températures plus chaudes, moins de précipitations, la première victime du réchauffement climatique sera l’eau… et donc nous, les animaux, la biodiversité, qui en dépendent au premier chef.

C’est l’agression la plus dévastatrice que nous livre insidieusement le réchauffement climatique, car elle s’attaque à l’indispensable de notre quotidien : l’eau. Nous en consommons, pour tous les usages, une centaine de litres par personne et par jour. Les projections de l’agence de l’eau Adour-Garonne montrent que d’ici 2050, l’évapotranspiration due au réchauffement sera en nette augmentation, de +10 à +30 %, surtout au printemps et en automne, en particulier sur les bassins du Lot et de l’Adour. Une baisse des précipitations est également attendue, de 0 à -15 % et déjà, le bassin Tarn-Aveyron connaît un phénomène de « méditerranéisation » en recevant moins de pluies au fil du temps.

Fin 2023, dans le secteur Aubrac/Carladez/Viadène, malgré de bonnes pluies de septembre, on a dû remettre en service le dispositif de transport d’eau potable par camion, déjà utilisé l’été précédent, pour acheminer le précieux liquide depuis les sources de Laguiole jusqu’au Carladez. Le coût est exorbitant, le service insuffisant, mais il n’y a pas d’autres solutions à court terme, car comme l’ont remarqué les météorologues : « l’été se poursuit jusqu’en octobre ». La situation est plus que préoccupante dans cette zone, mais tout le réseau hydrologique du département est concerné : affluents du Lot, bassin de l’Aveyron, du Viaur, Dourdou de Camares, Tarn… Quatorze cours d’eau sont sous surveillance.

Eau potable : lutter contre le gaspillage

Si les moyens à mettre en œuvre pour préserver le réseau hydrologique sont encore sujets à discussions et seront lourds financièrement, en revanche, pour ce qui est de l’eau potable, on connaît l’adversaire depuis longtemps : le gaspillage.

Le réchauffement climatique aura eu au moins un effet positif : décider les élus à intervenir. À Millau, une grande partie des 190 kilomètres du réseau d’eau potable date de l’immédiat après-guerre, et même d’avant, dans le centre ancien. Des travaux de rénovation sont entrepris depuis une vingtaine d’années.

Cependant, même si le chiffre s’oriente à la baisse, près de 20 % d’eau potable sont encore perdus en fuites. En 2024, Véolia, gestionnaire du service à Millau, a installé un système automatique de télésurveillance qui alerte en cas de fuite ou de surconsommation. Mais rien ne remplace la volonté humaine : les Millavois ont abaissé leur consommation, passant de 150 litres par jour en 2018 à 136 litres en 2022. Ces nouvelles habitudes d’économie sont bonnes pour la planète… et pour le porte-monnaie, sachant que, d’ici 2050, le prix du mètre cube augmentera inexorablement. Tout ce qui rare est cher…

Piscines dans le collimateur

L’Occitanie détient le record du nombre de piscines privées en France devant PACA, mais ce n’est pas en Aveyron qu’on en trouve le plus. Une loi encadre déjà le remplissage des piscines, avec interdiction de remplissage à partir du niveau 2 d’alerte sécheresse.

Cette loi n’est pas toujours appliquée par les propriétaires, et une autre loi autorise la mise en eau des nouvelles piscines… même lorsque le niveau d’alerte est atteint ! Cette situation ubuesque pourrait expliquer la nouvelle restriction de construction de piscines privées qui voient le jour dans certaines zones durement touchées par les épisodes de sécheresse.

En Aveyron, les secteurs Dourdou de Camares amont et Len sont concernés par cette interdiction. Il y a de fortes possibilités qu’avec le temps elle s’étende et que des maires, à l’instar de celui d’Elne, dans les Pyrénées-Orientales, interdisent carrément la construction de piscines privées dans leur commune.

Philippe Ollivier

Les chroniques du futur

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