À son grand regret (car cela va entraîner des frais inutiles pour la collectivité), la Société civile des terres du Larzac (SCTL), ainsi qu’une vingtaine de personnes physiques et morales, propriétaires et fermiers, vont déposer un recours contentieux contre le PLUi Millau Grands Gausses devant le tribunal administratif de Toulouse. Pour quelles raisons la SCTL est-elle contrainte de demander l’annulation de ce document d’urbanisme ?
Une « concertation » qui n’en est pas une.
La SCTL gère 6 300 ha confiés à elle par l’État, dont la moitié sur le territoire de cette Communauté de communes (à Millau, La Roque, Creissels, Saint-Georges). Elle a participé pleinement à l’enquête publique qui s’est déroulée du 10 décembre 2018 au 31 janvier 2019, par un travail de terrain avec les habitants des fermes isolées et des hameaux.
Il s’agissait de recenser les besoins des habitants, paysans ou non, à court, moyen et long terme, en matière d’habitat et de construction de bâtiments à usage professionnel. Toutes ces demandes ont été consignées dans un document de façon précise (lieu, n° de parcelle, usage). Ce document a été remis au maire de chaque commune concernée et adressé au président de la Communauté de communes, puis lors de la période d’enquête publique, transmis aux commissaires enquêteurs après discussions et explications.
Le PLUi a été adopté à l’unanimité du Conseil communautaire le 26 juin 2019. Quelle ne fut pas notre surprise à la découverte des cartes et des zonages qui nous étaient affectés. Sur le Larzac millavois, huit sièges d’exploitation n’ont plus de zones A (agricole) autour de leurs bâtiments déjà existants, ce qui entrave le développement des fermes et restreint la construction de nouveaux bâtiments. Beaucoup sont désormais classées en NPA, voire en N (zone naturelle), comme le hameau des Truels, où vivent pourtant cinq fermiers associés et leurs familles. Or en zone naturelle, toute nouvelle construction est proscrite. Deux vastes zones ont été classées en A (plusieurs dizaines d’hectares) alors qu’elles pourraient tout à fait être classées en N, sauf le pourtour des corps de ferme. Quant aux changements de destination de certains bâtiments pouvant être transformés en maisons d’habitation, ils ont quasiment tous été rejetés.
Pourtant, l’avis de la commission d’enquête (rendu le 16 avril 2019) est assez explicite. Elle donne un avis favorable au PLUi, assorti de six réserves et 31 recommandations. La sixième réserve et la huitième recommandation nous concernent directement, puisqu’elles mettent en cause, à plusieurs reprises, l’équité de traitement sur le territoire en matière de zonage autour des bâtiments d’exploitation agricole. Elle note que les contraintes sur les agriculteurs exploitant les parcours agropastoraux « corsètent les possibilités de développement de leur outil de travail ». La commission précise aussi que les réserves qu’elles a exprimées doivent être intégralement levées pour que l’avis favorable soit maintenu.
L’avis de la chambre d’agriculture va également dans le sens de nos demandes.
La délibération du SCoT (schéma de cohérence territoriale) n° 2018-052 du comité syndical du 8 novembre 2018 pointe les mêmes incohérences de zonage, en particulier sur le Larzac millavois. Il est demandé à la Communauté de communes de les corriger.
Rejet du recours gracieux et refus de communication des documents
Plutôt que de saisir immédiatement le tribunal administratif, car faisant le choix de la discussion et de la coopération, la SCTL avait deux mois pour adresser un recours gracieux auprès de la Communauté de communes, ce qui fut fait le 26 août, et ceci malgré le manque de coopération des services. En effet, pourtant tenue par la loi de nous fournir les documents administratifs nécessaires (délibérations, avis des institutions associées), la Communauté de communes ne les a jamais transmis de sorte que la SCTL a dû saisir la commission d’accès aux documents administratifs.
Depuis lors, aucune réaction officielle, jusqu’à ce 27 novembre où la SCTL, les propriétaires et les fermiers ont reçu un courrier rejetant purement et simplement leur requête. Outre que nous devrions nous satisfaire d’un zonage au rabais qui met le Larzac sous cloche, nous sommes soupçonnés d’avoir entrepris ce recours pour des « considérations politiques » ! Le PLUi, comme le budget d’une collectivité, est en effet un sujet on ne peut plus politique, dans le sens où il conditionne la vie de la cité et de ses habitants pour une période non négligeable. Bien évidemment, cela nous concerne. Mais sans doute l’auteur de la lettre voulait-il évoquer des considérations politiciennes…
Comme si nous n’avions pas d’autre souci en cet été de canicule que de causer du tracas à nos élus ! Pour l’heure, nous n’avons qu’une question : comment se fait-il qu’après tous les avis favorables à nos propositions et les nombreuses réserves émises sur les incohérences de zonage sur la partie larzacienne de la Communauté de communes, rien n’ait été fait pour remédier à cette situation ?
Une entrave au développement de l’agriculture : un Larzac sous cloche ?
Les propositions de la SCTL pour ce bout de territoire sont légitimes, et en accord avec le choix d’une agriculture construite en harmonie avec son environnement, depuis plusieurs décennies. Nous sommes donc déterminés à les porter jusqu’à ce qu’elles soient réellement prises en considération. Elles sont par ailleurs en entière concordance avec les préconisations du SCoT, mais aussi avec la mission que nous a confiée l’État par le bail emphytéotique qui nous lie : nous devons maintenir et dynamiser l’agriculture et le tissu social sur le domaine de l’État. Ce que nous impose ce PLUi ne le permet pas, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le faire évoluer.
La Société Civile des Terres du Larzac (SCTL)