Millau. La Calendreta a 15 ans !

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Polit aniversari la Calandreta de Milhau !

C’est le 17 octobre 2005 que la Calandreta (Alouette en occitan) a fait son nid à Millau. C’est à l’initiative de parents qu’est née l’idée de créer une autre école, proposant une pédagogie différente : en effet, le réseau Calandreta (40 ans, 65 écoles dans 20 départements) propose des écoles associatives où la participation des parents est essentielle. Ce sont des établissements sous contrat avec l’éducation nationale, laïques, immersifs en occitan et de pédagogie Freinet et institutionnelle.

Sandra et Olivier, parents de deux enfants, étaient à la recherche d’une école bilingue, ce qui, à l’époque, n’existait pas sur Millau. Olivier était intéressé par l’Occitan, parlé par sa grand mère, continuer à faire vivre cette langue était donc important. Sandra quant à elle s’intéressait à la pédagogie Freinet « qui met l’enfant au centre de l’apprentissage ». Suivra donc un intérêt grandissant pour le réseau Calandreta, et des réunions avec les parents de l’école de Rodez qui viennent parler de leur expérience et apportent plus d’éléments.

Virginie, sage femme et maman de quatre enfants scolarisés à la Calandreta, a elle aussi fait partie de la création de l’école. Elle raconte :

« C’est suite à une conférence de Philippe Hammel sur la pédagogie Freinet et le mouvement Calandreta que nous nous retrouvons à 3 familles avec cette volonté de créer une nouvelle école, une alternative. La fédération avait la volonté de créer une école Calandreta sur Millau, il ne manquait plus que les parents motivés pour se lancer dans cette aventure. »

C’est ainsi qu’ils décident de créer une Calandreta à Millau. Après des début difficiles ( peu de soutien de la mairie, crainte de sectarisme, pressions politiques…) Sandra devient donc directrice bénévole de l’école, et ce pendant six ans, jusqu’à sa contractualisation. Olivier quant à lui sera président de l’association pendant plusieurs années. Elle explique que les écoles Calandreta ont un statut à part entière.

« Elles ne sont ni publiques, ni privées, mais associatives ! La pédagogie tournée vers l’apprentissage des enfants et l’implication des familles donne une émulation dans l’apprentissage. »

Comme souvent après la création d’une Calandreta quelque part, cela impulse les autres écoles au bilinguisme : en effet, Millau devient vite, après 2005, une ville pilote en matière de bilinguisme. En réponse à cette création plusieurs écoles publiques adoptent le bilinguisme dès le plus jeune âge.

Mais Sandra met en garde et recommande la plus grande prudence « face la stigmatisation ».

« Les écoles Calandreta ne sont pas des écoles anti-systémiques, ce ne sont pas des écoles d’élites ou de marginaux “babos”, on ne crée pas une école contre l’éducation nationale ! Ce sont des écoles basées sur l’écoute des enfants, qui leur permet d’expérimenter le vivre ensemble et un apprentissage à leur rythme, tout en respectant les programmes de l’éducation nationale. »

Un départ difficile

En six mois, après de nombreuses réunions plusieurs fois par semaines, les trois familles trouvent une association qui accepte d’accueillir dans leur local nos trois premiers pichons : Théo, Tristan et Estelle. C’est l’association de danse folklorique Lo Gantieirelo dont le local est situé avenue Gambetta. Ce local a donc fonction d’école en journée, et le soir on pousse les tables et les chaises pour laisser place aux danseurs.

 

C’est un départ difficile, car, à ses débuts l’école n’est pas soutenue par la mairie. Heureusement, elle a un soutien énorme de la fédération régionale et départementale qui finance sa création et la location des locaux.

« J’ai débuté l’enseignement dans une belle école, »  explique Myriam, deuxième enseignante de l’école, « et de part l’effectif réduit nous pouvions vraiment être à l’écoute des enfants et respectueux de leur rythme. La classe était mélangée, les enfants avaient de 2 à 10 ans. Mais c’était un travail de longue haleine, ça n’a pas toujours été facile. Heureusement il y avait une implication incroyable de la part des parents, on sentait vraiment un engagement de leur part, ils savaient pourquoi ils étaient là. La création a eu un effet boule de neige : très vite de nombreuses familles arrivent pour y inscrire leurs enfants, nous avons vite communiqué sur cette création via des évènements, un carnaval, et ça n’a pas laissé les millavois indifférents : il s’est vraiment passé quelque chose. »

L’école s’agrandit

Il faudra donc au bout d’un an changer d’espace, et la Calandreta déménage dans un autre local rue de la Paulèle, où elle restera environ un an. Cependant le loyer étant très cher, la Calandreta est contrainte de déménager de nouveau. Grâce au soutien de Jean pierre Gaffier de la fédération de Rodez, l’alouette refait son nid, plus grand, plus confortable rue de Lattre de Tassigny.

Elle y est toujours actuellement. Petit à petit, les différentes commissions sont créées, afin de permettre une meilleure organisation dans l’implication des parents d’élèves. L’école sera contractualisée au bout de 6 ans.

Les élèves et leurs parents

Théo, 18 ans, ancien élève se souviens qu’au primaire, il a été l’un des trois premiers calandrons et que c’est sa main, et celle de son plus jeune ami, Tristan, qui forme les ailes du symbole de l’école, l’alouette.

« Sincèrement, je suis vraiment heureux d’avoir eu la chance de débuter ma scolarité dans une école qui a toujours été bienveillante, instructrice et rassurante. Pour moi la Calandreta a toujours été plus qu’une école, c’était comme une petite famille où tout le monde se connaissait, (parents comme enfants), où chacun était à l’écoute de l’autre, et dans une démarche de soutien. »

Il dit que ce qui l’a aussi séduit, ce sont les valeurs de protection de l’environnent, d’écologie, de laïcité, d’empathie et cette proximité avec la nature. Il se souvient de la création de potager, de visites de certains lieux, d’intervenants qui venaient  présenter des choses.

« Elle m’a accompagné et transmis des valeurs d’entraide, de persévérance, et de vie en communauté qui m’ont été fondamentales par la suite. »

Vincent, comédien et ancien parent de l’école, explique avoir été attiré par la méthode Freinet, « qui n’est pas juste un label », et parle d’une « responsabilité et d’un vrai savoir faire pour appliquer ces méthodes ».

« Le côté bilingue est intéressant, même pour des familles n’ayant pas la culture occitane. Je me rappelle de l’espace donné à la parole et l’expression, l’apprentissage d’une dialectique et de l’argumentation, ainsi que des prises d’opinions, et accepter les opinions différentes. »

Josephina, ancienne maman de la Calandreta, commente : « pour moi La Calandreta est une école qui donne la parole, nous devrions tous adopter le  « cossí va ? »

Cette école à aussi mis l’accent sur l’organisation d’évènements culturels tels que le cabaret, ou le Total festum permettant une rencontre entre le milieu artistique, festif et associatif, dans une volonté d’ouverture à des espaces de mixité sociale.

Ces évènements sont ouverts à toutes et à tous, le réseau étant soucieux de partager la culture occitane et les valeurs de l’école.

Lou, ancienne élève de l’école, actuellement au lycée, se souvient « d’une petite école avec peu d’élèves, facilitant l’apprentissage ». Elle parle d’une « scolarité sans stress, d’une école différente, sans système de notes, avec des bonshommes de couleurs (vert=très bon/bon=orange=satisfaisant/moyen rouge= insatisfaisant.)

« Je me souviens des conseils de classe que l’on faisait régulièrement. Il y avait un président qui distribuait la parole et qui organisait le conseil, un secrétaire qui rédigeait toutes les choses les plus importantes. Les élèves pouvaient faire des remarques ou des critiques pour améliorer la vie à l’école.

Il y avait aussi ce qu’on appelait un mercat : les élèves pouvaient vendre des choses qu’ils avaient fabriquées, on pouvait les acheter grâce à une monnaie spéciale : ‘los papagais’.

Mon entrée au collège a été difficile parce que j’ai dû apprendre à gérer mon stress, et aussi l’utilisation des notes. Par la suite je me suis bien intégrée et adaptée à ces changements. Le fait d’être bilingue français/occitan au cours du primaire m’a beaucoup aidé ensuite pour aborder et apprécier la pratique de nouvelles langues (Anglais et espagnol) ».

15 ans après

Aujourd’hui, à 15 ans d’existence, la Calandreta de Milhau accueille 49 oisillons qui batifolent dans la cour colorée de la rue de Lattre de Tassigny, avec une équipe pédagogique composée de trois enseignantes pour trois classes, et quatre atsem.

Carine, qui a pris la direction après Sandra, explique ce qui la motive.

« Je suis enseignante à Millau depuis 9 ans. Cette année, c’était ma 23 rentrée. Je suis venue à la Calandreta pour pouvoir transmettre la langue et la culture occitane. J’apprécie beaucoup le travail de réflexion mené en équipe autour de la Pédagogie Freinet, de la Pédagogie institutionnelle et du bien-être des enfants. C’est un grand privilège de pouvoir accompagner des enfants de la TPS au CM2, de les voir grandir, s’épanouir, évoluer.

J’adore l’idée de permettre aux élèves de coopérer, de développer un esprit critique, de pouvoir trouver des solutions à un problème, de proposer ».

Les parents en recherche d’alternatives ont bien compris que l’occitan ne freine en rien l’apprentissage du français et des autres matières : il est au contraire un outil incroyable de développement, et permet de faire des ponts entre les cultures. Les enfants nous impressionneront toujours par leur capacité d’assimilation rapide d’une nouvelle langue, qui est de plus une langue poétique, ce que nous prouvent bien nos calandrons :

CALANDRETA

C coma calandrons, cooperacion, correspondéncia, cadun son ritme
A coma “alouette”, aprene
L coma libertat, lenga occitana, lengas e culturas del mond
A coma associacion, amassa
N coma natura
D coma dintrada, dessenh
R coma recreança, regenta, responsabilitat
E coma escòla, environament
T coma trabalh individual, tèxt liure
A coma amistat, Avairon

(poèma escrich pel calandrons de Milhau, de la classa de CE e CM)

Riche de ces années d’expérience, La Calandreta ouvre ses ailes, à une pédagogie respectueuse de l’enfant. Elle est heureuse de fêter ses 15 ans, et vous donne rendez-vous pour ses 20 ans, ou avant. A Leu !

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